Rétro 2016 : une année sous le signe de Poutine

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Portrait de Vladimir Poutine © Malick MBOW
Portrait de Vladimir Poutine © Malick MBOW

De la Syrie à l’élection présidentielle américaine, la Russie semble avoir pesé sur les principaux dossiers brûlants de 2016. Récit d’une année sous le signe du Kremlin.

La Syrie, la présidentielle américaine ou encore le pétrole. En 2016, l’ombre de la Russie a plané sur l’actualité. Sur de nombreux aspects, Moscou apparaît comme le principal acteur des relations internationales.

« À l’heure actuelle, Vladimir Poutine doit être en train de sabrer le champagne », juge Julien Nocetti, spécialiste de la Russie à l’Institut français des relations internationales (Ifri). En effet, le pays revient de loin. L’an dernier, l’annexion de la Crimée et le conflit en Ukraine avait placé le pays “dans un isolement international”, rappelle l’expert français. L’économie russe avait aussi souffert sous l’effet conjugué des sanctions internationales et du faible prix du pétrole, dont la Russie est l’un des principaux producteurs, hors Opep.

Rétro 2016 : une année sous le signe de Poutine
© Sergei Karpukhin, AFP | Le président russe, Vladimir Poutine, lors d’une cérémonie au Kremlin, en novembre 2016.

“Gains politiques majeurs”

De ce passé, Moscou a su faire, en partie, table rase. L’entreprise de reconquête d’une place de choix à la table des puissants de ce monde est passée en premier lieu par la Syrie. La Russie a commencé ses frappes aériennes à l’automne 2015, mais ce n’est qu’en 2016 que son rôle militaire est devenu prédominant.

« La stratégie a cyniquement bien marché : on n’a plus parlé de l’Ukraine alors qu’un conflit s’y déroule toujours dans l’est du pays », constate Julien Nocetti. L’interventionnisme russe en Syrie a également permis à la Russie de se rendre « incontournable dans la région, elle arrive à parler à toutes les puissances au Moyen-Orient, et a démontré qu’elle peut protéger les régimes autocratiques menacées », ajoute Tatiana Jean, responsable du centre Russie de l’Ifri. Selon elle, Moscou, en procédant à une « utilisation extrêmement habile du concept de ‘guerre limitée’ [dans un espace restreint et avec une utilisation limitée des forces armées, NDLR], a obtenu des gains politiques majeurs ».

Le principal étant de redevenir l’alternative numéro 1 aux États-Unis. Car c’est bien de cela qu’il s’agit pour Vladimir Poutine : « Le Moyen-Orient à un rôle instrumental dans la diplomatie russe afin de permettre à Moscou de rétablir une relation directe avec Washington », d’égal à égal analyse Julien Nocetti.

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Poutine dans les salons du Kremlin le 7 décembre 2016. © Alexey Druzhinin, AFP

Mais qu’on ne s’y trompe pas. Il s’agit moins d’une stratégie à long terme que d’opportunités saisies. « Il y a eu en Syrie un alignement favorable des planètes pour le dirigeant russe : il a su profiter de la volonté américaine de désengagement et de l’indécision européenne dans ce dossier », résume le chercheur français.

Du cyber-espionnage à la cyber-propagande

La même analyse s’applique au pétrole ou à l’Iran. Moscou a deviné que les dissensions au sein de l’Opep – la remise en cause par une partie des pays membres de la stratégie des prix faibles imposée depuis deux ans par l’Arabie saoudite – pouvaient jouer en sa faveur. Le très attendu accord sur la réduction de la production de pétrole signée entre l’Opep et les pays non-membres du cartel le 7 décembre est ainsi apparu comme le résultat d’une négociation d’égal à égal entre Moscou et Riyad.

Incontournable sur la scène diplomatique, incontournable dans les négociations énergétiques, la Russie est aussi apparue, à tort ou à raison, comme un acteur central de la vie politique américaine en 2016. Les soupçons sur son rôle, via une intense propagande sur les réseaux sociaux, dans la campagne pour l’élection présidentielle et même dans la victoire de Donald Trump se renforcent de jour en jour.

Si le Kremlin est réellement intervenu pour favoriser son candidat de prédilection, il s’agirait d’une « nouvelle étape » dans les cyber-activités de la Russie, selon Julien Nocetti. « Le piratage des serveurs de la convention du Parti démocrate et la divulgation des mails via WikiLeaks pour nuire à Hillary Clinton marque le passage des activités traditionnelles de cyber-espionnage à des opérations informationnelles à des fins politiques », explique l’expert.

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Le G20 s’est tenu en Chine en septembre 2016. L’occasion de vérifier que Poutine est bien à nouveau au centre de l’échiquier mondial. © Greg Baker, AFP

En 2016, Moscou aurait ainsi remis au goût du jour les vieilles ficelles de la propagande de l’ère soviétique faites de fausses informations distillées par des médias « amis ». En réalité, la véracité ou non des accusations ne modifie guère les bénéfices que tire la Russie de cette situation : elles ont créé « une pagaille monstrueuse aux États-Unis qui fait que Moscou est au centre de toutes les discussions », souligne Julien Nocetti. Que les Russes y joue le rôle du méchant importe peu « du moment qu’on parlent d’eux », ajoute l’expert.

Un monde plus russophile ?

Ces soupçons qui pèsent contre la Russie commencent à gagner l’Europe. La cyber-propagande russe aurait joué à fond en faveur du très russophile Mouvement 5 étoiles (M5S) lors du référendum constitutionnel en Italie, qui a abouti à la démission du président du Conseil Matteo Renzi, d’après une enquête du site Buzzfeed.

Pour Julien Nocetti, la campagne présidentielle française de 2017 n’est pas non plus à l’abri. La cyber-propagande russe pourrait à cette occasion jouer en faveur de l’un des deux candidats aux sympathies pro-russes déclarées : le champion de la droite François Fillon et la dirigeante du Front national, Marine Le Pen.

De Donald Trump à Beppe Grillo (le leader du M5S) ou François Fillon, des hommes politiques jugés russo-compatibles sont devenus de plus en plus audibles. Mais le monde n’est pas plus russophile pour autant. « L’opinion est devenue plus polarisée qu’avant », nuance Tatiana Jean. C’est probablement l’une des principales limites des succès russes en 2016. « L’opinion publique a exprimé beaucoup de craintes à l’égard de ce type de politique musclée et de ses conséquences », précise la directrice du centre Russie de l’Ifri.

La Russie n’a pas non plus réussi à ôter la principale épine économique de son pied : les sanctions sont toujours en place. C’est l’un des buts de 2017, estime Julien Nocetti. Si Moscou a réellement œuvré dans l’ombre du web pour l’élection de Donald Trump, c’est avec cet objectif en tête, d’après cet expert. L’arrivée annoncée de Rex Tillerson, le patron d’Exxon et ami de Vladimir Poutine, à la tête de la diplomatie américaine est, à cet égard, comme un peu de caviar en plus du champagne.

source : Rfi

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