S’il y a quelqu’un qui n’a pas été surpris du tout par les récentes manifestations violentes des jeunes Sénégalais, c’est bien Pascal Peyrou. Le secrétaire général du Think Tank Initiative Afrique et son groupe de réflexion l’avait prédit depuis 2014, lors d’une conférence intitulée «Jeunesse africaine, bombe à retardement ou opportunité historique».
A l’époque déjà, le groupe d’experts, qui avait produit un document de synthèse avec des recommandations, selon Peyrou, soulignait que la déflagration était imminente, si l’on n’y prend pas garde. Le soulèvement au Burkina (deux semaines après la conférence) avec le Balai citoyen, leur avait donné raison. Le «tsunami», tel qu’ils l’ont appelé, proviendrait, comme on a pu le constater, d’une accumulation de frustrations.
«Nous avions souligné, à l’époque, le fait que le malaise de la jeunesse était parfaitement discernable, compréhensible. Dans la mesure où les besoins essentiels de la jeunesse qui sont quand même des besoins d’une activité, d’un travail. Bien que certains dérivatifs comme le sport soient des éléments importants pour l’éduquer. Mais l’espèce de déshérence dans laquelle elle était, notamment après les promesses que les politiques lui avaient faites sur les emplois ont généré cette espèce de frustration», explique-t-il.
Au terme d’une réflexion profonde, le groupe alertait en ces termes : «Attention ! Il y a un tsunami qui est en train de se préparer.» Ce tsunami, ajoute Pascal Peyrou, «découle du fait que la jeunesse était très frustrée, que les promesses des politiques ne s’avéraient pas tenues et qu’au final, cette jeunesse avait plus tendance à se retrouver en cercle fermé avec ses moyens de communication à elle».
C’est-à-dire, poursuit-il, «elle (la jeunesse) avait, d’un côté, le sentiment que les problèmes ne faisaient que s’accroître et que, de l’autre, elle avait de plus en plus d’isolement avec les générations précédentes. Tout cela projeté ne pouvait que générer une bombe à retardement».
Un changement de paradigmes préconisé
Invitant des pouvoirs publics à aller très rapidement vers la transformation de la situation de la bombe en situation d’opportunité, ils avaient identifié deux changements majeurs à opérer. «Les solutions que nous avions données, tournaient autour de deux changements importants de paradigme», rappelle-t-il sur le plateau de l’émission «Objection» sur Sud Fm.
«La première, c’est qu’il fallait considérer la jeunesse. Ne pas la laisser dériver. Mettre la jeunesse au cœur de politiques. Le deuxième changement de paradigme, c’était de dire : arrêtons d’en parler, mais mettons concrètement l’emploi au cœur des politiques économiques, et il fallait accélérer, parce que l’éclatement de la bombe était imminent. Quinze jours après cette conférence de 2014, il y a eu les événements du Burkina».
Aujourd’hui, avec les projections qui disent que d’ici 2035, 3 jeunes sur 5 dans le monde seront Africains, le continent doit, selon Peyrou, avoir une approche globalisée de son développement, en tirant profit au maximum des opportunités de chaque pays. Mais surtout assurer la fluidité des biens et services dans l’espace régional. Ceci pour créer aussi bien de l’emploi que de la richesse.