La non-violence de Gandhi : vers une perspective de la paix et de la résolution du conflit dans le monde contemporain

Date:

Gandhi© Malick MBOW

Gitanjali Singh
Department of French Studies
Banaras Hindu University
La non-violence est la plus grande force que l’humanité ait à sa
disposition, affirmait celui que l’on considère désormais comme son
fondateur et son représentant majeur, Mohandas Karamchand Gandhi. Il
ajoutait qu’elle est plus puissante que l’arme la plus destructrice inventée par
l’homme. Mais si Gandhi fut le plus grand promoteur de la non-violence, il
n’en était pas l’inventeur. En Inde, depuis des siècles, une forme de nonviolence (Ahimsa)
437 avait été suivie par Mahavira438, par Bouddha439 et par
les Vaïshnava 440 . Puisant dans ce fond cultuel indien, Gandhi a mis en
pratique une méthode non violente qui répondait à la fois à ses aspirations et
à la situation politique dans laquelle il était placé. Les principes de la nonviolence gandhienne sont très simples : adhérer à l a vérité et la défendre
intégralement par la souffrance volontaire. Une fois ce principe assimilé, tout
un chacun peut l’appliquer. Hommes ou femmes, vieillards ou enfants,
infirmes ou bien portants et les masses comme les personnalités connues,
tous peuvent la pratiquer. C’est cette possibilité d’application universelle qui
attire le monde vers la non-violence de Gandhi et pourrait en faire un
instrument commun pour combattre toutes les violences. Dans cet article,
nous allons voir comment la non- violence de Gandhi pourrait être une
précieuse médecine capable de guérir le mal endémique du monde moderne
menacé par la violence, l’injustice, l’inégalité et le terrorisme qui sont un
grand danger pour la paix du monde.
Tout au long de l’histoire, la guerre a été vue comme le plus efficace
outil pour prendre l’avantage sur l’autre ou imposer sa domination. Cela
pouvait être un petit conflit ou une confrontation majeure avec son cortège de
destructions et de mort. La guerre est une partie intégrante de l’existence sur
437 Ahimsa signifie «ne pas blesser» et «compassion» et fait référence à une vertu essentielle des
religions indiennes.
438 Mahavira, également connu sous le nom de Vardhamāna, était le vingt-quatrième tirthankara
qui a ravivé le jaïnisme
439 Bouddha est le fondateur de Bouddhisme 440 Vaishnava est l’une des principales traditions de l’hindouisme et les Vaishnavas sont des
fidèles.
184 Gitanjali Singh
terre et il semble que l’on soit toujours en guerre contre quelqu’un. Nos
grandes épopées et nos histoires sont aussi colorées par les événements de la
guerre, commencée au nom de la justice, de l’amour, de l’expansion
territoriale, de la religion et de bien d’autres causes. L’entraînement militaire
et la production des armes sont des activités aussi anciennes que l’agriculture
ou la chasse pour notre civilisation. Certains considèrent même que la
structure de la guerre se retrouve dans le sport. Historiquement être un
guerrier avait été toujours considéré comme l’un des métiers les plus dignes.
Le roi, beau, juste, plein de pitié, bon guerrier, est la description traditionnelle
relatée par des milliers des histoires réelles ou fictives. C’est la plus
importante exigence pour devenir un roi. Ce qui est intéressant est que la
guerre est également présentée comme une activité positive. Des chansons et
des histoires glorifient les exploits lors de différentes guerres. Se pose alors la
question, dans une culture où nous favorisons la guerre, la paix est-elle
possible ?
Nous allons essayer de répondre à cette question à travers la solution
de la paix par la non-violence portée par Mahatma Gandhi. Accorder le titre
de Mahatma – équivalent du saint chrétien – au personnage de Gandhi se
justifie par le fait qu’il symbolise la non-violence et la paix dans le monde
contemporain. Nous aborderons ainsi successivement la personnalité de
Gandhi et ses influences. Nous étudierons ensuite les modalités de l’action
non violente, leur mise en œuvre concrète et les prolongements après la mort
de Gandhi.
Gandhi symbole mondial de la non-violence
L’anniversaire de naissance du Mahatma, le 2 octobre, est fêté
partout dans le monde comme le jour international de la non-violence fixé par
l’Assemblée Générale de l’ONU. Gandhi est aussi connu comme le père de
l’Inde moderne ou post coloniale. Son importance et son personnage n’ont
pas seulement une valeur profonde pour l’Inde. En effet, il est chargé d’une
valeur globale. Dans cette mesure chaque fois que nous sommes face à une
force destructive ou mortelle, le stratagème proposé pas Gandhi pour la
surmonter s’est avéré le plus efficace, noble et paisible.
Quelle est cette solution ? Gandhi est synonyme des moyens nonviolents pour acquérir la justice dans un monde qui croit en l’adoption de
méthodes violentes. Et pourquoi pas ! Les méthodes violentes sont plus
rapides et portent des résultats facilement. Mais la perte de vies humaines est
immense et s’impose comme une nécessité. La voie qui mène vers la paix est
colorée en sang et en destruction. C’est ce dilemme qui a rendu Gandhi tant
perplexe pendant la domination britannique. Des années et des années de
lutte pour gagner l’indépendance et malgré cela, l’Inde en tant que pays ne
parvenait pas à l’atteindre. Chaque tentative était facilement neutralisée par
les Anglais. De plus, la perte en vie et les dégâts étaient toujours plus
importants pour les Indiens que pour les Anglais. Par exemple, la révolte
indienne de 1857 qu e les Indiens considèrent comme la première guerre
La non-violence de Gandhi 185
d’Indépendance, n’était qu’un vue que comme une tentative de coup d’état
par les Anglais. Certains soldats qui servaient dans l’armée d’East India
Company 441 se sont révoltés contre la compagnie en raison de balles
soupçonnées de contenir la chair de bœuf et de porc (le bœuf étant sacré pour
les hindous et le porc étant tabou pour les musulmans). La révolte était ainsi
lancée. Elle dura pour un an. Pour finir, l’East India Company réprima la
révolte. À partir de cet évènement, le règne d’East India Company s’est
terminé et l’Inde est devenue partie de l’Empire britannique. La question que
beaucoup d’Indiens se posaient à ce moment-là était : ne sommes-nous pas
braves et courageux comme notre histoire et notre mythologie nous ont
décrits ? La réponse à cette question était moins importante que la possibilité
de gagner une guerre et de régler un conflit sans perdre aucune goutte de
sang. Ce plan d’action était toujours notre solution et notre façon d’éviter des
situations catastrophiques.
Cette idée est aussi toujours propagée et plus encouragée dans des
instances rares de notre histoire. Et, c’est certainement cet aspect de la pensée
hindoue qui pouvait délivrer l’Inde de la domination britannique. La
réflexion sur la paix et de la non-violence se retrouve chez Gandhi grâce aux
influences et des impressions qui le marquèrent. Ce n’est pas un moment
isolé de sa vie qui a changé sa vie pour toujours. Ce fut au contraire un long
cheminement des impressions, des influences des instances négatives et
positives qui bouleversèrent sa vie pour toujours. Le cheminement qui le
transforma d’un homme simple au statut de père de la nation Indienne n’était
ni facile ni sans labeur.
Aux origines de la pensée gandhienne
A ce point, il nous revient de discuter des influences majeures de la
vie de Gandhi ; surtout celles liées avec sa pratique de non-violence. Le
Mahatma Gandhi a p roposé beaucoup de principes sur lesquels il voulait
récréer l’Inde selon son image propre. Gandhi n’a jamais prétendu que ce
qu’il proposait n’avait pas toujours été présent dans la pensée hindoue. En
revanche selon Gandhi c’était plutôt un retour vers les anciens principes et la
sagesse qu’il a réinterprété. La non-violence, Ahmisā, occupe une place
centrale dans le jaïnisme notamment 442 . Ainsi, Gandhi parvint à cet te
réflexion grâce à des intellectuels et des philosophies diverses. Nous voyons
également une influence occidentale qui a mené Gandhi sur sa voie de
Ahmisā ou de non-violence.
441 L’East India Company avait été formée pour faire du commerce dans la région de l’océan
Indien, d’abord avec l’Inde moghole et les Indes orientales (Asie du Sud-Est maritime), puis avec
la Chine Qing. La société a fini par s’emparer du contrôle d’une grande partie du sous-continent
indien, de certaines parties de l’Asie du Sud-Est et de Hong Kong après une guerre avec la Chine
Qing.
442 « No religion in the World has explained the principle of Ahmisā so deeply and
systematically as is discussed with its applicability in every human life in Jainism. As and when
the benevolent principle of Ahmisā or non-violence will be ascribed for practice by the people of
the world to achieve their end of life in this world and beyond, Jainism is sure to have the
uppermost status and Mahāvīra is sure to be respected as the greatest authority on Ahmisā. »
Pandey, Janardan, Gandhi and 21st Century. New Delhi : Concept Publishing Company, 1998,
p. 50,
186 Gitanjali Singh
Dans l’influence occidentale, le premier nom qui s’impose est celui
de John Ruskin443 et de son livre Unto this last. Ce livre exerça une forte
influence sur la vie de Gandhi. Plus tard Gandhi a également traduit ce livre
de John Ruskin en sa langue maternelle gujarati 444 et il l’appelle
« Sarvodaya »
445 qui peut être traduit par « bienveillance à tout ». Gandhi a
tiré 3 idées essentielles de ce livre qui constituèrent tard être la base de sa
philosophie. Elles sont :
Ce qui est essentiellement bon chez un homme trouve enfin son
expression en tout.
La valeur de chaque métier est égale et il n’y a p as vraiment une
hiérarchie.
Le travail manuel mérite d’être valorisé.
Selon Gandhi il connait bien le premier principe et les deux autres se
retrouvent en premier. Cette contestation est accompagnée par la résolution
de transformer ces principes théoriques en pratique. Gandhi et Ruskin, tous
les deux, croient que la violente inégalité créée par la vie moderne de luxe est
la raison principale de la misère parmi les hommes. Ils ont essayé de
moraliser l’économie et la politique.
Le principe de la non-violence et de l’amour universel ont aussi
trouvé leur place chez Gandhi grâce à Tolstoï
446. « Hind Swaraj »
447 rédigé
par Gandhi propose certaines idées de Tolstoï. Le livre de Tolstoï,
« Kingdom within you », a laissé une impression sur Gandhi. Gandhi a avoué
qu’au début il é tait sceptique quant à la non-violence, mais qu’il avait
retrouvé sa foi en la non-violence grâce à Tolstoi.
Henry David Thoreau 448 est à l’origine de l’invention du terme
« civil disobedience ». La « Civil disobedience » consiste à ne pas obéir à
certaines règles et ordres du gouvernement ou d’un pouvoir international. Il
n’y a p as de doute que cette idée de Thoreau a influencé le mouvement
national en Inde. Cette idée a révélé à Gandhi la possibilité d’utiliser les
moyens non violents pour résoudre des problèmes graves de la nature sociale
et politique.
Gandhi et la non-violence des religions
Les religions comme l’Hindouisme, le Christianisme, le
Bouddhisme et l’Islam ont aussi joué un grand rôle dans le développement de
443 John Ruskin était le principal critique d’art anglais de l’époque victorienne, ainsi qu’un
penseur social et philanthrope. 444 Le gujarati est une langue indo-aryenne originaire de la région indienne du Gujarat et parlée
principalement par le peuple gujarati.
445 Sarvodaya est un terme sanscrit qui signifie progrès de tout et tous 446 Tolstoï était un écrivain russe du 19e siècle qui est considéré comme l’un des plus grands
auteurs de tous les temps
447 Hind Swaraj ou Indian Home Rule est un livre écrit par Mohandas K. Gandhi en 1909. Il y
exprime son point de vue sur l’autonomie et la civilisation moderne 448 Henry David Thoreau était un essayiste américain, poète et philosophe de 19e siècle.
La non-violence de Gandhi 187
la philosophie de Gandhi. L’opinion de Gandhi concernant la religion est de
contribuer à l’unité chez les hommes. Il est important de noter que Gandhi
n’a pas favorisé l’Hindouisme face à d’autres religions. Cela montre qu’il
avait une compréhension claire et solide du fait que toute religion parle et
propage plus ou moins la même idée d’amour universel et de fraternité. Les
différentes approches suivent la même voie pour arriver au but universel.
En ce qui concerne l’Hindouisme l’œuvre à laquelle Gandhi donne
le plus d’importance est le Bhagvad Gita449. « Le livre me frappa » écrit
Gandhi lui-même dans son autobiographie, il me parut d’une valeur
inappréciable. Lorsque les doutes m’assaillent lorsque les déceptions me
menacent, je retourne au Bhagvad Gita, a dit Gandhi. En effet nous pouvons
dire que chaque moment de vie de Gandhi a été un effort conscient pour vivre
le message de Gita. Le gospel de Gandhi de la vérité et de la non-violence se
construit autour de Gita. L’Hindouisme est la poursuite sans cesse de la nonviolence. Il n’y a pas de but aussi élevé que la non-violence. Ainsi le Gita est
la clé de la doctrine de Gandhi. A l’inverse de l’interprétation Gita par les
hindous orthodoxes, Gandhi considérait le Gita comme une allégorie.
D’une même façon, le christianisme a aussi inspiré Gandhi. Le
Nouveau Testament et la vie de Jésus Christ ont contribué immensément au
développement de sa propre doctrine. Gandhi ressentait admiration et respect
pour les qualités de Jésus Christ. L’amour et la non-violence sont la base de
la religion chrétienne et Gandhi croyait que cela était nécessaire pour créer un
monde sans l’haine et la violence. L’autre principe très essentiel que le
christianisme propage est celui d’égalité450.
Nous voyons ainsi également l’influence du Bouddhisme et de
l’Islam sur la doctrine de Gandhi. La non-violence est aussi le principe de
base de ces religions. Ainsi, toutes les philosophies et des religions ont servi
à Gandhi à arriver à une compréhension globale de la fraternité universelle et
de l’amour universel.
L’Ahimsa et sa mise en œuvre
Comment l’Ahimsa fonctionne-t-elle comme méthode d’action non
violente ? Gandhi a em ployé des moyens spirituels pour réaliser des fins
matérielles. Il pense que la seule voie digne de l’homme pour régler les
problèmes humains est la voie de l’amour, la méthode non violente. Sa foi
dans l’égalité des tous les hommes et dans l’éminente dignité de la personne
est forte et indéfectible. Gandhi insiste sur le fait que nous devons résister des
toutes nos forces aux lois injustes qui attentent à cette dignité en voulant faire
de l’homme un esclave. Mais dans cette résistance nous ne devons pas
oublier que les adversaires contre lesquels nous luttons sont aussi un homme,
un égal, un être qui doit retrouver la même dignité ; cet homme-là, nous ne
449 La Bhagavad Gita, souvent appelée la Gita, est une écriture sacrée hindoue de 700 vers en
sanskrit qui fait partie de l’épopée hindoue Mahabharata
450 Mahatama Gandhi (Auteur), Robert Ellsberg (Editeur) Gandhi on Christianity. Maryknoll :
Orbis Books, 1991.
188 Gitanjali Singh
devons jamais le considérer comme un ennemi, mais uniquement comme un
homme qui se trompe, et il faut lui montrer son erreur
451.
Ainsi, l’Ahimsa de Gandhi devient-elle un principe du combat
contre tous les maux. Il la met au service d’une action destinée à transformer
les conditions matérielles de l’existence. C’est avec cette force qu’il attaque
toutes les injustices et toutes les haines. C’est avec elle qu’il veut déraciner la
violence dans la société et bâtir un monde de véritable fraternité universelle.
La non-violence de Gandhi s’est manifestée à plusieurs reprises
pendant la domination britannique de l’Inde. Quelques dates clé en donneront
un rapide aperçu :
Le Home Rule Movement en 1916
Le Non-cooperation movement en 1921
Le Salt March or Le Dandi March en 1930
Le Quit India Movement en 1942
Le Home Rule mouvement en 1916 est le seul évènement dans
lequel la participation de Gandhi n’est pas directe. Cependant, c’était u n
mouvement pacifique lié à l’idée de non-violence. Les participants à Home
Rule mouvement pensaient que les Anglais avaient manqué d’efficacité dans
le gouvernement de l’Inde et que le moment était arrivé où l’Inde devait
instaurer sa propre administration. Le Home Rule, mouvement inspiré par le
mouvement irlandais, critique le recrutement des soldats indiens pendant la
première guerre mondiale dans l’armée britannique. Les fondateurs de ce
mouvement sont Bal Gangadhar Tilak452 et Annie Besant453. En tant que
rédactrice en chef du journal « New India », cette dernière s’est attaquée au
gouvernement colonial indien et a appelé à des démarches claires et décisives
vers l’autonomie. Comme en Irlande, le gouvernement a refusé de discuter de
tout changement pendant la durée de la guerre. Cela a o uvert la voie au
mouvement qui a d iffusé la conscience politique dans les villages et les
régions éloignées. Toutefois, cet élan a connu un certain déclin après que les
fondateurs ont reçu des garanties du gouvernement anglais. Finalement, le
mouvement prend fin en 1918454.
Le Non-Cooperation Movement en 1921 correspondait à une
tentative de Ganhi pour l’accès à l ’Indépendance, entre 1921-1922. C’était
l’un des premiers actes organisés par Gandhi basé sur la non-violence, en
réaction à un évènement le 13 avril 1919 à Amritsar dans le Punjab455. Des
militaires placés sous le commandement du brigadier général Dyer456 avaient
451Mahatma Gandhi (Auteur), Thomas Merton (Editeur), Gandhi on Non-Violence a Selection
From the Writings of Mahatma Gandhi . New York, New Directions Book, 1964. 452 Bal Gangadhar Tilak est né sous le nom de Keshav Gangadhar Tilak, était un nationaliste
indien, enseignant, avocat et engagé de la lutte de l’indépendance d’Inde 453 Annie Besant était une socialiste britannique, théosophiste, défenseur des droits des femmes,
écrivain, orateur et partisan de l’autonomie irlandaise et indienne
454 Raj Kumar, Annie Besant : Founder of Home Rule Movement. Pointers Publisher, 2003. 455 Amritsar est une ville du nord-ouest de l’Inde située dans la région indienne du Pendjab. 456 Dyer était un officier de l’armée indienne britannique qui, en tant que brigadier général, était
responsable du massacre de Jallianwala Bagh à Amritsar
La non-violence de Gandhi 189
tiré sur une réunion de peuple qui s’était tenue à Jallianwala Bagh, près du
temple d’or d’Amritsar, tuant et blessant des milliers de manifestants. Le
massacre est devenu l’événement le plus impopulaire de la domination
britannique en Inde. L’appel de Gandhi a pris la forme d’une manifestation
nationale contre l’Empire britannique. Tous les bureaux et usines restaient
fermés. Les Indiens étaient encouragés à s e retirer des écoles du
gouvernement britannique, des services de police, de l’armée et de la fonction
publique, et les avocats étaient invités à quitter les tribunaux du
gouvernement britannique. Le transport et les produits fabriqués par les
Anglais, en particulier les vêtements, ont été boycottés. Les Indiens ont rendu
les honneurs et les titres donnés par le gouvernement et ont démissionné de
divers postes comme enseignants, avocats, services civils et militaires. En
1922, en ville de Chauri Chaura457, la police abattit plusieurs manifestants
participant au mouvement de non-coopération. Un poste de police fut
incendié par les manifestants, tuant au moins 22 policiers. Finalement,
Gandhi mit fin au Non-cooperation mouvement parce qu’il sentait que celuici n’était plus basé sur le principe de la non-violence458.
Le Salt March ou Dandi March est la marche du sel, également
connue sous le nom de Dandi March. C’était un acte de désobéissance civile
de nature non violente dans l’Inde coloniale, conduit par Gandhi afin de
produire du sel à partir de l’eau de mer dans le village à côté de Dandi459
(aujourd’hui au Gujarat). C’était l’activité traditionnelle commerciale de la
population locale, pour laquelle les autorités britanniques introduisaient des
impôts sur la production de sel. La marche de 24 jours s’est tenue du 12 mars
1930 au 6 avril 1930, sous la forme de résistance fiscale et de manifestation
non violente contre le monopole britannique du sel. Cet acte a attiré
l’attention du monde entier. Mahatma Gandhi a commencé cette marche avec
78 de ses bénévoles. Ils marchaient seize kilomètres (10 milles) par jour
pendant 24 jours, pour distance totale supérieure à 380 km460.
Le Quit India Mouvement fut lancé en 1942 pendant la Deuxième
Guerre mondiale, lorsque Gandhi demanda la fin de la domination
britannique. Gandhi a p rétexté que l’Inde était impliquée contre sa volonté
dans cette guerre et pour cette raison demandait l’indépendance. C’était
contre le principe de la non-violence. Gandhi était très hostile à la
participation de l’Inde à la guerre et voulait que les Anglais se retirent sans
plus tarder.
L’Inde a ainsi obtenu son indépendance en 1947. Après la mort de
Gandhi, son héritage demeure et les Indiens continuent de se souvenir de lui
comme le père de la nation indienne.
457 Chauri Chaura est une ville située près de Gorakhpur, dans la région d’Uttar Pradesh, en Inde 458 S.R. Bakshi and S.R. Sharma, Gandhian Technique of Non Cooperation Movement. Jaipur :
Sublime Publications, 2009, , ISBN-13:9788181921536 459 Dandi est un village de la région de Gujarat en Inde. 460 Thomas Webber, On the Salt March: The Historiography of Mahatma Gandhi’s March to
Dandi. New Delhi : Rupa & Co2nd Revised Edition, 2009.
190 Gitanjali Singh
La non-violence après Gandhi
La non-violence selon Gandhi n’est pas un simple outil pour résister
à un p ouvoir étranger. Elle trouve aussi son expression pour combattre
d’autres formes de maux qui existent dans la société post coloniale. Pour
montrer comment la non-violence de Gandhi continue d’être pertinente même
aujourd’hui nous allons examiner certains mouvements populaires au sein
desquels le peuple a utilisé les principes de Gandhi pour combattre l’injustice
et l’exploitation. Elle est ainsi à l’œuvre dans :
Le Chipko Mouvement en 1964
Le cas d’Irom Chanu Sharmila en 2000
Le India anticorruption mouvement en 2010
Le mouvement Chipko 461
ou « Chipko Andolan 462 » était un
mouvement de protection de la forêt en Inde, par lequel des personnes
embrassèrent les arbres pour les empêcher d’être abattus. Ce mouvement fut
lancé en avril 1973 dans le village de Reni, dans la région d’Uttarakhand463,
en Inde. Ensuite il a montré la voie à plusieurs mouvements écologiques dans
le monde entier. C’était un effort majeur pour ralentir la déforestation rapide.
Il est important de noter que le moyen utilisé était non-violent. Les militants
accordent du crédit aux principes de Gandhi et à leurs caractères non violents
qui les conduisent à résister de façon pacifique à l’injustice464.
Irom Chanu Sharmila, née dans la région de Manipur465, Inde du
Nord-est, a co mmencé une grève de la faim le 5 novembre 2000 qu’elle a
terminée le 9 août 2016 après 15 ans, 9 mois et 4 jours de jeûne. Ayant refusé
de se nourrir et de prendre de l’eau pendant plus de 800 semaines, son jeûne
est considéré comme la plus longue grève de la faim au monde. Elle a été
hospitalisée et un incubation nasogastrique lui a ét é imposée pour la
maintenir en vie. Elle demandait l’annulation « d’Armed Forces (Specail
Powers) Act »
466 qui a encore cours de nos jours dans sa région. Selon cette
loi si le gouvernement d’une région déclare « un état d’urgence », quand
l’administration locale a failli pour maintenir la loi et l’ordre, c’est l’armée
qui prend contrôle de la région. A maintes reprises Sharmila a affirmé qu’elle
croit fortement dans la non-violence de Gandhi et qu’un jour elle va réaliser
son rêve grâce à ce principe467.
Le India anticorruption mouvement est une lutte contre la
corruption, qui a débuté en 2011, et qui consistait en une série de
461 Chipko est un mot de la langue hindie qui signifie coller. 462 Andolan en hindi signifie manifestation 463 Uttarakhand est une région dans la partie nord de l’Inde 464 T. S. Bankoti, Chipko Movement. New Delhi, Global Vision Publishing House, 2nd Edition
2017. 465 Manipur est une région du nord-est de l’Inde 466 Loi du Parlement indien permettant de conférer des pouvoirs spéciaux aux membres des
forces armées dans les régions perturbées
467 Deepti Priya Mehrotra, Burning Bright: Irom Sharmila and the Struggle for Peace in
Manipur. New Delhi : Penguin Books India, 2009.
La non-violence de Gandhi 191
manifestations en Inde destinées à mettre en place une législation solide et à
faire appliquer les lois pour lutter contre la corruption politique. Le militant
Anna Hazare468 a commencé sa grève de la faim le 5 avril 2011. Son jeûne a
duré cinq jours et finalement le gouvernement indien a accepté d’examiner
les demandes des manifestants. Hazare s’inspire aussi de Gandhi : il insiste
sur le fait que la voie de l’Inde vers un avenir prospère ne repose pas sur
l’industrialisation ou la mondialisation, mais plutôt sur un renforcement de la
vie des villages et une réaffirmation des principes de Gandhi d’activisme non
violent.
Ainsi pour conclure, nous pouvons dire que la référence la plus
marquante de la non-violence reste celle de la pensée de Mohandas
Karamchand Gandhi, qui après son combat contre le racisme en Afrique du
Sud, participa au mouvement d’indépendance de l’Inde. A la fois symbole de
la lutte pour l’autodétermination des peuples, partisan d’une politique
économique et sociale visant à sortir des millions de ses concitoyens de la
misère, il a él aboré une conception originale de la non-violence qui pour
certains peut guérir non seulement le mal de la guerre de ce monde, mais
aussi l’injustice afin de bâtir un monde où la priorité est donnée à la paix
pour sauver l’humanité. Cette conception s’inspire à la fois de la tradition
indienne de la Bhagavad-Gita et des textes sacrés hindous, du message
chrétien, islamique, bouddhiste, etc, des penseurs occidentaux, tels que Henry
David Thoreau, John Ruskin ou Tolstoï. Ce qui est nécessaire aujourd’hui,
c’est de promouvoir une politique de désarmement, il importe donc de
concevoir des « équivalents fonctionnels de la guerre » qui offrent aux
nations les moyens de se défendre contre une nouvelle agression, ainsi que
des moyens efficaces de lutter contre l’injustice. Cela nous engage dans un
travail créatif d’alternatives à la guerre, pour la défense de la justice. Nous
avons la responsabilité de proposer des moyens réalistes pour mettre un
terme aux « horreurs de l’injustice », aussi bien qu’aux « horreurs de la
guerre ». Nous nous inscrivons dans une morale de responsabilité face aux
défis de l’histoire.
Ainsi, la non-violence de Gandhi qui était une recherche des moyens
d’une défense civile non violente peut-elle offrir une alternative fonctionnelle
aux moyens de la guerre. Il faut voir en elle une alternative permettant à la
population d’organiser une véritable résistance en cas d’agression ou de la
guerre et d’assurer la paix au monde dans lequel nous vivons.

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