Ugur Sahin et Ozlem Türeci, deux médecins d’origine turque, ont fondé BioNTech, la société allemande qui est en train de développer un vaccin prometteur avec l’Américain Pfizer.
Et s’ils étaient le visage du salut ? Si c’était eux qui, après onze mois de pandémie mondiale et de recherches avec le géant américain Pfizer, permettaient de faire un pas de géant dans la course contre le Covid-19 ? Médecins d’origine turque, Ugur Sahin, 55 ans, et Ozlem Türeci, 53 ans, mari et femme à la ville, ont cofondé BioNTech, une «biotech» allemande désormais associée au géant américain Pfizer pour développer un vaccin. Leur annonce a eu lundi l’effet d’une petite bombe sur toute la planète : le vaccin qu’ils ont développé conjointement est efficace sur 90% des personnes testées, d’après les données issues de la phase 3 de leur essai clinique.
«C’est une étape importante pour la science, les données ont montré qu’un vaccin peut fonctionner, a sobrement déclaré le PDG de BioNTech Ugur Sahin au Financial Times lundi. La probabilité que d’autres vaccins soient également efficaces augmente aujourd’hui.» «Plus de huit mois après le début de la pire pandémie en plus d’un siècle, nous pensons que cette étape représente un pas en avant significatif pour le monde dans notre bataille contre le Covid-19», a réagi de son côté Albert Bourla, le PDG de Pfizer.
A eux deux, Ugur Sahin et Ozlem Türeci racontent un peu l’Allemagne d’aujourd’hui. Le père d’Ugur Sahin est venu de Turquie pour travailler à Cologne, dans une usine Ford. C’est dans cette ville que le jeune Sahin commence ses études de médecine. Il part ensuite travailler dans les hôpitaux universitaires de la petite ville de Homburg, où il rencontrera Ozlem Türeci. Elle aussi est originaire de Turquie : son père est un médecin d’Istanbul, venu exercer en Allemagne. L’agence Reuters raconte que les deux chercheurs étaient vissés dans leur labo le jour de leur mariage. Après leur rencontre, ces deux passionnés d’oncologie créeront Ganymed Pharmaceuticals en 2001, une société développant des anticorps dans le cadre de la lutte contre le cancer. Spécialiste en médecine moléculaire et immunologie et professeur universitaire à Mayence, Sahin n’a jamais arrêté la recherche et l’enseignement. Ozlem Türeci, elle, deviendra présidente de la Fédération européenne d’immunothérapie contre le cancer.
Obtenant des financements de sociétés de capital-risque, les deux médecins entrepreneurs et leurs équipes travaillent ensuite à la création de BioNTech, qui verra le jour en 2008. «En dépit de ses réalisations, il est toujours resté incroyablement humble et sympathique», raconte Matthias Kromayer, membre du conseil d’administration de la société de capital-risque MIG AG. Il n’est pas rare de croiser Sahin en jeans lors de grosses réunions, avec son casque de vélo et son sac à dos. Selon l’hebdomadaire allemand Welt am Sonntag, Ugur Sahin et son épouse figurent désormais parmi les 100 Allemands les plus riches du pays. Vendredi dernier, la valeur de BioNTech, cotée au Nasdaq, a atteint 21,6 milliards de dollars, contre 4,6 milliards il y a un an. Lundi, après l’annonce de Pfizer, l’action BioNTech a explosé et la start-up a terminé la journée avec une valorisation de près de 25 milliards de dollars !
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Avant l’emballement financier, l’histoire scientifique de leurs recherches communes sur le vaccin débute en janvier dernier. Alors que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) signale l’existence d’un groupe de cas de pneumonie à Wuhan, en Chine, Ugur Sahin tombe sur un article de la revue médicale The Lancet. «J’étais alarmé», dit-il alors. Si le virus n’a pas encore affolé la planète, il inquiète ce professeur d’oncologie expérimentale. Il lance alors un programme d’urgence, visant à développer rapidement un vaccin avec son épouse, qui est aussi la médecin en chef de BioNTech. Avec leurs équipes, ils cessent leurs autres travaux pour se consacrer pleinement à la recherche d’un vaccin contre le Covid-19. «J’ai dit à notre équipe en janvier que nous pourrions avoir un vaccin d’ici à la fin de l’année, a confié Ugur Sahin au Financial Times. Nous avons eu un peu de chance de n’avoir rencontré aucun problème majeur.» Un pari en passe d’être réussi.