Le « grand remplacement » cher à Eric Zemmour étrillé dans cette note

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Portrait d'Eric ZEMMOUR - Ecrivain, essayiste et journaliste politique français © Malick MBOW
Portrait d’Eric ZEMMOUR – Ecrivain, essayiste et journaliste politique français © Malick MBOW
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  • Journaliste, écrivain et homme politique français

Pour défendre cette théorie complotiste et xénophobe, le candidat d’extrême droite à l’élection présidentielle Eric Zemmour agite un chiffre massue, largement discutable.

POLITIQUE – Le grand n’importe quoi. Candidat à l’élection présidentielle, le polémiste d’extrême droite Eric Zemmour ne manque pas une occasion médiatique ou politique de défendre la théorie du “grand remplacement.”

Dans son premier discours de campagne à Villepinte, au début du mois de décembre, il s’était par exemple dit “prêt à prendre les manettes” du pays pour répondre aux “craintes” qui “hantent les Français”, parmi lesquelles “celle du grand remplacement avec l’islamisation de la France.”

Cette théorie xénophobe, très controversée, qui prophétise l’effacement organisé de la population européenne par une population immigrée, a inspiré le terroriste de l’attentat de Christchurch, en Nouvelle-Zélande, en 2019. Qualifiée de complotiste par nombreux chercheurs et spécialistes des migrations, elle bénéficie, pour cette élection présidentielle, d’un écho massif, inédit, de l’extrême droite à la droite conservatrice. Pourtant, elle ne correspond pas à grand-chose.

              « Rien ne résiste à l’épreuve des faits. Il n’y a pas de déferlante migratoire, il n’y a pas de changement de civilisation », Terra Nova

C’est la conclusion écrite par le think tank progressiste Terra Nova, dans une note publiée vendredi 7 janvier. Le laboratoire d’idées, en bon français, proche du centre-gauche, a repris les différents chiffres agités par l’ancien journaliste de Cnews et du Figaro pour les confronter aux réalités démographiques.

Les calculs ne sont pas bons, Eric

Et le résultat est sans appel. “Rien ne résiste à l’épreuve des faits. Il n’y a pas de déferlante migratoire, il n’y a pas de changement de civilisation, il n’y a pas d’“invasion africaine”, souligne ainsi l’association en dressant au moins trois “problèmes” dans l’argumentation qu’Eric Zemmour répète de plateaux en meeting.

Selon le polémiste, la France aura accueilli 2 millions d’immigrés sous le quinquennat d’Emmanuel Macron (400.000 par an). Un chiffre massue, censé accréditer sa thèse… Mais “qui ne tient pas debout”, selon Terra Nova puisqu’il est le fruit de l’addition de données brutes relatives aux titres de séjour délivrés, aux demandes d’asile déposées dans notre pays, et aux mineurs isolés non-accompagnés. Autant de catégories qui méritent plusieurs précisions.

Dans son calcul, Eric Zemmour table par exemple sur 100.000 demandeurs d’asile pour l’année 2019. Or, comme le rappelle le think tank, toutes les demandent ne viennent pas d’Afrique et n’aboutissent pas à une migration réelle. En 2019, seules 36.275 personnes se sont vues accorder l’asile dans notre pays. Surtout, elles sont déjà intégrées dans les titres de séjour que le polémiste, condamné pour incitation à la haine, ajoute à son total. En d’autres termes: il “compte trop” d’immigrés et “en plus il les compte deux fois.”

Quant aux déboutés, ils finissent par réapparaître dans les statistiques l’année suivante, soit parmi les “nouveaux” demandeurs soit au sein des titres délivrés.

Deuxième problème : les mineurs isolés non-accompagnés. “La vérité est qu’il est difficile d’en connaître précisément le nombre, que l’on parle du flux ou du stock”, écrit Terra Nova en relayant une récente publication de la Cour des comptes qui relevait les nombreuses incertitudes pesant sur les décomptes de cette population. Un flou qui, sans trop de surprise, aboutit chez Eric Zemmour à des chiffres gonflés par rapport aux quelques données existantes.

Des entrées… Mais pas de sorties ?

Dans son calcul, l’essayiste ajoute chaque année leur nombre estimé, en tout, soit 40.000 âmes dans le pays. Il mélange ainsi leur “stock” aux “flux” d’entrées sur le territoire. D’autant que, selon les chiffres des départements, les mineurs isolés ”étaient un peu plus de 21.000 en 2017, de 28.400 en 2018 et de 31.000 en 2019″, quand le think tank précise, au passage, que certains peuvent être comptés en double ou triple s’ils se sont présentés dans plusieurs départements différents.

Enfin, Eric Zemmour raisonne comme si les immigrés constituaient une masse “parfaitement immobile et immortelle”, comme si, écrit Terra Nova, ils ”étaient tous appelés à rester de manière permanente sur le sol national, comme si la population immigrée ne connaissait aucun décès”. Ce qui n’est, évidemment, pas le cas. En 2017, par exemple, si le nombre d’entrées s’élevait à quelque 250.000 immigrés, 215. 000 personnes ont quitté le territoire dans le même temps, dont 62.000 immigrés.

En résumé, le calcul phare d’Eric Zemmour, qui compte 400.000 migrants par an, multipliés par cinq, soit 2 millions à l’échelle du quinquennat, est franchement -très- discutable.

Au-delà de ces chiffres nationaux, un simple coup d’oeil sur les données de nos voisins permet également de se rendre compte “du caractère relatif et maîtrisé du volume d’immigration enregistré dans notre pays”, selon la note de l’association. En 2019, la France était au 13e rang des pays de l’Union européenne en ce qui concerne le nombre d’entrants rapportés à la population. On y comptait alors six entrants pour mille habitants contre 11 en Allemagne, 16 en Espagne, 13 en Belgique ou 10 au Royaume-Uni. Le grand remplacement n’est pas pour tout de suite.

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