Quelle attitude face à l’insulte ?

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Les différentes facettes de l’invective et de celui qui les profère, l’attitude de la victime : la psychologue Isabelle Levert nous explique les raisons de cette violence verbale.


Portrait de Donald Trump © Malick MBOW
Portrait de Donald Trump © Malick MBOW

« Sordide », « Atroce », « Infâme ». Les critiques n’ont pas manqué pour qualifier le deuxième débat pour la présidentielle américaine entreHillary Clinton et Donald Trump. La virulence et l’agressivité permanente du candidat républicain ont atteint des sommets, aiguisant jusqu’à la langue de Robert de Niro qui n’a pas résisté à le qualifier de « porc » et de« crétin ». Des propos insultants, un registre auquel recourt aussi Donald Trump, notamment sur Twitter. « Un tweet sur huit du candidat comporte une insulte ou une attaque », recense le New York Times. Au total, 237 personnes, lieux ou objets ont été insultés par le républicain en quinze mois.

« Dans une majorité de situations, avant d’être insulteur, on s’est senti insulté », observe avec pragmatisme – et sans vouloir se prononcer sur le cas Trump – Isabelle Levert, psychologue clinicienne et psychothérapeute, auteure des Violences sournoises dans la famille (Robert Laffont, 352 p., 21 euros) et des Violences sournoises dans le couple (Robert Laffont, 2011).
Qu’est qu’une insulte ?
Pour exprimer sa colère et son mécontentement, voire sa frustration, l’offenseur recourt à la violence verbale et frappe avec des mots blessants. Ainsi, au « Touche-moi pas, tu me salis », l’impulsif « Casse-toi, pauv’ con ! » qui a échappé à toute bienséance présidentielle.
« Par définition, une insulte est un acte qui porte atteinte à l’autre », explique la psychologue pour qui cela ne se limite pas à proférer des noms d’oiseaux ou à commettre des gestes déplacés. Elle peut être plus subtile, comme par exemple cette insuffisance de prise en compte de la personne présente à nos côtés et qu’on ne prend pas le soin de présenter à un tiers. Jusqu’à certains silences, plus insultants qu’il n’y paraît, car ils peuventinduire une forme de dénigrement. « Ou encore les sous-entendus en public à l’adresse d’une seule personne visée, poursuit Isabelle Levert, un procédé humiliant qui ne peut être dénoncé et qui oblige l’offensé àmasquer ses émotions. »
Pourquoi insulter ?
Les raisons d’en venir à la violence verbale varient selon le contexte et les individus. Mais, elle naît invariablement « d’un manque de considération pour autrui », avance Isabelle Levert. « L’injure est la manifestation d’une réelle volonté de porter atteinte à autrui, et de l’amoindrir, ce qui implique mépris et irrespect profond. Bien souvent l’insulté(e) se sent sali(e). » Plus généralement, certaines personnes en viennent aux injures, « non parce qu’elles sont mal-intentionnées, mais parce qu’elles perdent le contrôle de leurs émotions et se laissent submerger par la colère ; elles déversent leurs hostilités comme on vide une benne à ordures ».
À court d’argument lors de joutes rhétoriques, par exemple, l’insulteur vachercher à détruire l’interlocuteur qui le met en difficulté. « Dans ces situations, ce sont très souvent le fait de personnes au narcissisme malade qui ne supportent pas d’être remises en question et tiennent à avoirtoujours raison. Si on pointe leurs failles, elles surréagissent avec des attaques véhémentes parce qu’elles se sentent persécutées. »
Selon Isabelle Levert, ceux qui ont l’insulte facile sont extrêmement fragiles et surcompensent cette fragilité au détriment des autres. Invariablement, en sortant de leurs gonds, ils perdent tout discernement, toute mesure et toute intelligence, explique la psychologue : « Ils se placent comme victimes d’une attaque et s’octroient le droit de répondre par une autre attaque. » Mais, poursuit-elle, « certains individus sont structurés de façon perverse et tirent une réelle jouissance à faire du mal aux autres. Un individu qui use et abuse de l’insulte peut être rattaché à une personnalité paranoïaque ».
Et l’insulté dans tout ça ?
On ne se sent offensé(e) qui si l’on accorde de l’importance aux insultes et à la personne qui les profère, considère Isabelle Levert. « Pour faire face à une telle situation, il importe de se demander si l’insulteur est digne d’intérêt et si ses propos ont de la valeur », préconise-t-elle. Lorsque la relation avec l’insulteur est d’ordre affective, c’est souvent bien plus difficile et déroutant. « Dans une relation affective, à l’insulte s’ajoute la déception », souligne Isabelle Levert.
Toutefois, nul n’est à l’abri d’une réplique viscérale face à une agression. Mais choisir de répliquer induit un risque d’escalade, qui peut aller jusqu’à l’agression physique. « Le plus souvent, conseille la psychologue, quand on réussit à adopter ce qu’on appelle en systémique, une position basse – qui n’est pas la même chose que de se soumettre – cela désamorce une situation potentiellement explosive. » Dans d’autres cas, la fuite peut être la meilleure chose à faire car, selon Isabelle Levert, l’agression verbale peut être l’acte inaugural d’une longue série de violences que l’agresseur est déterminé à poursuivre jusqu’à ce que son souffre-douleur soit à terre. »
Rien ne justifie le fait d’être la cible d’une agression verbale. « Toutefois, on peut être un déclencheur, ce qui n’induit pas forcément d’en être responsable et coupable, observe Isabelle Levert. Il importe alors de prendre le temps d’accueillir ce que l’autre a besoin d’exprimer, ce qu’il a accumulé. Cela l’aidera peut-être à exprimer ensuite des choses plus constructives. Car derrière l’agressivité, il est souvent un besoin qui n’est pas entendu. »

Marlène Duretz

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