Inscrit en 2009 (4.COM) Patrimoine culturel immatériel de l’humanité

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UNESCO

Au début du XIIIe siècle, à l’issue d’une grande victoire militaire, le fondateur de l’Empire mandingue et l’assemblée de ses « hommes de tête » ont proclamé à Kouroukan Fouga la « Charte du Mandén nouveau », du nom du territoire situé dans le haut bassin du fleuve Niger, entre la Guinée et le Mali actuels. La Charte, qui est l’une des plus anciennes constitutions au monde même si elle n’existe que sous forme orale, se compose d’un préambule et de sept chapitres prônant notamment la paix sociale dans la diversité, l’inviolabilité de la personne humaine, l’éducation, l’intégrité de la patrie, la sécurité alimentaire, l’abolition de l’esclavage par razzia, la liberté d’expression et d’entreprise. Si l’Empire a disparu, les paroles de la Charte et les rites associés continuent d’être transmis oralement, de père en fils, et de manière codifiée au sein du clan des Malinkés. Pour que la tradition ne soit pas perdue, des cérémonies commémoratives annuelles de l’assemblée historique sont organisées au village de Kangaba (contigu à la vaste clairière Kouroukan Fouga, de nos jours au Mali, près de la frontière de la Guinée). Elles sont soutenues par les autorités locales et nationales du Mali, et en particulier les autorités coutumières, lesquelles y voient une source d’inspiration juridique ainsi qu’un message d’amour, de paix et de fraternité venu du fond des âges. La Charte du Mandén représente aujourd’hui encore le socle des valeurs et de l’identité des populations concernées.

 

Texte Charte du Manden

 

La charte du Manden, charte du Mandé1, ou encore, en langue malinké, Manden siguikan, est la transcription d’un contenu oral, lequel remonterait au règne du premier souverain Soundiata Keïta qui vécut de 1190 à 1255.

 

  1. Les chasseurs déclarent :
    Toute vie (humaine) est une vie.
    Il est vrai qu’une vie apparaît à l’existence avant une autre vie,
    Mais une vie n’est pas plus « ancienne », plus respectable qu’une autre vie,
    De même qu’une vie n’est pas supérieure à une autre vie.2. Les chasseurs déclarent
    Toute vie étant une vie,
    Tout tort causé à une vie exige réparation.
    Par conséquent,
    Que nul ne s’en prenne gratuitement à son voisin,
    Que nul ne cause du tort à son prochain,
    Que nul ne martyrise son semblable.

    3. Les chasseurs déclarent :
    Que chacun veille sur son prochain,
    Que chacun vénère ses géniteurs,
    Que chacun éduque comme il se doit ses enfants,
    Que chacun « entretienne », pourvoie aux besoins des membres de sa famille.

    4. Les chasseurs déclarent :
    Que chacun veille sur le pays de ses pères.
    Par pays ou patrie, faso,
    Il faut entendre aussi et surtout les hommes ;
    Car « tout pays, toute terre qui verrait les hommes disparaître de sa surface
    Deviendrait aussitôt nostalgique. »

    5. Les chasseurs déclarent :
    La faim n’est pas une bonne chose,
    L’esclavage n’est pas non plus une bonne chose ;
    Il n’y a pas pire calamité que ces choses-là,
    Dans ce bas monde.
    Tant que nous détiendrons le carquois et l’arc,
    La faim ne tuera plus personne au Manden,
    Si d’aventure la famine venait à sévir ;
    La guerre ne détruira plus jamais de village
    Pour y prélever des esclaves ;
    C’est dire que nul ne placera désormais le mors dans la bouche de son semblable
    Pour aller le vendre ;
    Personne ne sera non plus battu,
    A fortiori mis à mort,
    Parce qu’il est fils d’esclave.

    6. Les chasseurs déclarent :
    L’essence de l’esclavage est éteinte ce jour,
    « D’un mur à l’autre », d’une frontière à l’autre du Manden ;
    La razzia est bannie à compter de ce jour au Manden ;
    Les tourments nés de ces horreurs sont finis à partir de ce jour au Manden.
    Quelle épreuve que le tourment !
    Surtout lorsque l’opprimé ne dispose d’aucun recours.
    L’esclave ne jouit d’aucune considération,
    Nulle part dans le monde.

    7. Les gens d’autrefois nous disent :
    « L’homme en tant qu’individu
    Fait d’os et de chair,
    De moelle et de nerfs,
    De peau recouverte de poils et de cheveux,
    Se nourrit d’aliments et de boissons ;
    Mais son « âme », son esprit vit de trois choses :
    Voir qui il a envie de voir
    Dire ce qu’il a envie de dire
    Et faire ce qu’il a envie de faire ;
    Si une seule de ces choses venait à manquer à l’âme humaine,
    Elle en souffrirait
    Et s’étiolerait sûrement. »
    En conséquence, les chasseurs déclarent :
    Chacun dispose désormais de sa personne,
    Chacun est libre de ses actes,
    Chacun dispose désormais des fruits de son travail.
    Tel est le serment du Manden
    A l’adresse des oreilles du monde tout entier.

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