Beaucoup de chaînes, mêmes programmes et peu de qualité

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Les sénégalais indexent la pauvreté des programmes télé
Les principales chaînes de télévision au Sénégal

Le paysage audiovisuel sénégalais s’est considérablement densifié ces dernières années, avec l’arrivée d’une dizaine de chaînes de télévisions. essentiellement axés sur les informations générales, les faits de sociétés, le divertissement, les talk-show, les programmes ne varient pas malgré la multiplicité des chaînes. une situation que déplorent de nombreux sénégalais qui indexent la pauvreté et la médiocrité de la grille programmatique. Les reproches ne viennent pas que des sénégalais. des étrangers se sentent exclus de ces grilles et s’en plaignent. 

Nos télés sont-elles en panne d’inspiration? Plus de 10 chaînes de télévision, mais peu de diversité dans les programmes! A longueur de journée, on a l’impression de suivre partout les mêmes émissions, tant elles se ressemblent, d’une télévision à une autre, aussi bien dans le format que le concept. Cela démarre très tôt (6h du matin) avec les émissions matinales qui sont à la mode depuis que la Rts a ouvert la voie avec Kinkéliba. Les autres ont tout naturellement suivi le sillon tracé par la Rts avec Yéwouleen à la Tfm, Good Morning pour la 2stv), Petit Déj…sur Walfadjiri…On y traite plusieurs thèmes allant de la santé au sport en passant par les faits-divers, la mode, la cuisine, la musique… Et comme si on s’était passé le mot, les émissions se font en Wolof (sans doute pour toucher le maximum de cibles) à l’exception de la doyenne «Kinkéliba» où le français, langue officielle du pays est de mise. 

Après les matinales, entre 10h et 12h on enchaîne avec les émissions qui traitent des faits de sociétés et de la vie conjugale… Il y a «Keurgui» sur la 2Stv, «Dieg ak keureum» à la Rts, «Wareef» à la Tfm, «Yoor Yoor» sur Walfadjiri. En début de soirée, presque aux mêmes heures, on reprend sur le même tempo avec les émissions de divertissement : Kouthia Show (Tfm), Népad musical (Walfadjiri), After work (2Stv) ; pour ne citer que celles-là. Plus tard dans la soirée, place aux séries locales (Un Café avec…, Dinama Nekh…), ou étrangères (indiennes ou latinoaméricaines). 

Dans le domaine du sport, on manque aussi d’originalité. Les émissions de football et de lutte se multiplient et se ressemblent d’une télé à une autre. Le téléspectateur n’a que quelques moments d’informations lors des principales éditions du matin, de la mi-journée et du soir, ponctuées de brèves. Les «intellectuels» se contenteront de débats souvent parasités par les préoccupations politiciennes ou partisanes. 

«Nos télévisions font la promotion de la médiocrité, de la perversion et de l’insolence » 

Le reproche le plus courant que les Sénégalais font aux télévisions locales, c’est la similitude frappante dans les programmes, alors que les nombreuses chaînes devraient déboucher sur plus de diversité. «Il y a plusieurs télés, mais on a l’impression que tout le monde fait la même chose. Du matin au soir, on retrouve partout les mêmes émissions. En dehors des noms et des animateurs et présentateurs, on a l’impression de voir et d’entendre les mêmes choses, surtout avec les émissions matinales et les émissions de sport», relève M. Kane, un enseignant, la cinquantaine, rencontré au terminus des bus de Dakar Dém Dikk de Liberté 5. Et notre interlocuteur de poursuivre : «Il y a trop de divertissements et de folklores du genre «Dakar ne dort pas»,… avec souvent des animateurs peu cultivés qui comblent leurs carences avec des expressions insensées et passent tout le temps à débiter des obscénités. Et malheureusement ces individus qui passent souvent aux heures de grande audience sont très suivis et toutes les bêtises qu’ils débitent sont reprises par les jeunes et même certains adultes (…) ». 

Pour M. Kane, les «télévisions font la promotion de la médiocrité, de la perversion et de l’insolence». Il souhaite qu’il y ait plus d’émissions éducatives qui «renvoient à nos valeurs les plus positives, conscientisent et informent les populations». A ses côtés, M. Niang, un peu plus jeune est pratiquement du même avis. «Quand on allume sa télévision le matin il n’y en a que pour ces émissions Kinkéliba, 
Yewoulène, Petit Dèj…et je ne sais quoi encore. A cette heure, je préfère capter les chaînes étrangères comme France 24. En réalité, je ne regarde les télévisions locales, qu’aux heures des bulletins d’informations, juste pour savoir ce qui se passe dans le pays. Encore que c’est souvent les mêmes informations qu’on répète toute la journée. (…). Il y a beaucoup de choses qui passent dans nos télés et qui ne sont pas bonnes à voir ou à entendre, surtout pour les enfants qui n’ont pas la capacité de discernement des adultes. Et que dire des émissions de lutte qui pullulent, ces talk-shows où la complaisance, la flatterie rivalisent avec la médiocrité et l’inculture ? 

Malheureusement, les émissions les plus nocives pour les jeunes sont diffusées le week-end, les jours fériés ou les heures pendant lesquelles les enfants sont à la maison », déplore M.Niang qui invite l’autorité de régulation à «plus de fermeté» sur le contrôle, quitte à «censurer certaines émissions». Plus radical, Julien, la trentaine, informaticien, rencontré dans une boutique de matériels informatiques à Sacré-Coeur 3 affirme : «franchement je regarde rarement les télévisions sénégalaises. A moins que quelque chose de particulier ne se passe ou pendant certaines heures d’informations. Je préfère les télévisions étrangères comme France 24, Tv5 et certaines télévisions africaines comme Africable, où je vois et j’apprends plus de choses intéressantes pour ma culture générale et mon information. Ici pendant qu’on se contente de débats de bas niveau et d’émissions bidon, ailleurs les gens font de très bonnes choses et on va se faire larguer très loin derrière. Et le malheur est que personne ne lève le doigt pour fustiger la médiocrité dans nos télés». 

Et Julien d’ajouter : «je me demande sur quels critères nos télés recrutent leur personnel. Ceux qui s’en tirent le mieux et ce n’est pas dans toutes les télés, ce sont les journalistes professionnels qui font de l’information pure et dure et animent certains débats. En dehors de ceux-là, c’est le désert. On a des animateurs et animatrices d’un piètre niveau. Ce n’est pas surprenant si on veut recycler les anciennes miss et musiciens en vedettes de la télé, on ne promeut que la médiocrité. C’est cela qui est à la base de toutes ces émissions bidon qu’on nous sert à longueur de journée. À la Tfm, le slogan est assez expressif : «Miroir du Sénégal». Et ils y vont à fond, autant avec ce qui est bon que ce qui est mauvais dans la manière d’être, de faire et de parler des Sénégalais. La Rts, avec un personnel souvent bien formé, aurait pu faire mieux, mais là aussi, on n’a ni plus ni moins qu’un organe de propagande au service du pouvoir». 

Les étrangers « oubliés » par les télévisions 

«Vos télés ne m’intéressent pas, parce que les émissions sont presque toutes en wolof et ça dérange. Je ne comprends pas cette situation, dans la mesure où le Sénégal fait partie d’un des plus grands pays francophones. Et audelà de la population sénégalaise, il y a beaucoup d’étrangers au Sénégal. Donc on devrait avoir plus de français dans les télévisions pour s’ouvrir plus aux communautés étrangères qui sont au Sénégal et qui ne comprennent pas le wolof», déclare Joceline Akoumba, une Camerounaise qui vit au Sénégal depuis 2009 et qui «préfère suivre d’autres chaînes africaines et européennes où l’on comprend ce qui se dit». Et s’il arrive qu’elle passe «quelques minutes» devant une télévision sénégalaise, c’est souvent pour regarder chanter Viviane. «La musique, ça va un peu. J’aime bien Viviane. Dans les grandes chaînes aussi, il y a souvent des débats qu’on peut suivre». 

L’avis de Joceline est largement partagé par deux étudiants congolais rencontrés devant un grand institut de formation professionnelle. «On voudrait bien, mais on ne comprend pas grand-chose à vos télévisions; toujours grougrou! grou-grou…(…), la lutte avec les dames aux boubous-là qui chantent… Vous ne pensez pas aux autres», a martelé d’un ton moqueur Carole. Son compatriote Patrick émet sur la même longueur d’ondes, lui qui «ne comprend rien, car on ne parle pas beaucoup français et on met trop de folklore sénégalais». Pour les deux Congolais, les télévisions sénégalaises devraient donner plus de place à ce qui se passe et se fait dans les autres pays en termes d’informations, de divertissements et de musique. 
Et ces témoignages ne sont que l’arbre qui cache la forêt des reproches faits par les étrangers à nos télévisions qui, en réalité, sont très introverties. Par exemple, dans toutes les émissions matinales, à l’exception de «Kinkéliba» de la Rts où le français est de rigueur, on parle Wolof, avec peu de français. C’est pareil aussi pour les talk show et autres émissions de divertissement. Seules quelques émissions conçues pour les gens d’un certain niveau intellectuel sont en français. 

Des télés à l’image de la société sénégalaise ? 

La trentaine, gérant d’un centre de services (transfert d’argent et divers) à Liberté 5, Yousso Ndione considère que cette situation (la domination du folklore et du divertissement) n’est pas le propre des chaînes de télévision sénégalaises. «C’est une tendance mondiale. On retrouve ces émissions bidon dans presque toutes les télévisions, même dans les plus grands pays. La médiocrité, les scandales et les choses qui peuvent heurter la morale sont de plus en plus banalisés dans les télévisions. Et nos télés ne font que suivre la tendance. (…). La société sénégalaise est aussi hypocrite. On dénonce les programmes des télés et pourtant, les émissions indexées sont généralement les plus suivies. Comment expliquezvous cela? Les télévisions sont des entreprises qui cherchent toujours à offrir ce que les gens veulent voir et entendre. Si les Sénégalais aiment les émissions dites médiocres ou perverses, pourquoi les télévisions s’en priveraient? Les émissions éducatives et intellectuelles ne vendent pas, c’est la triste vérité. Parce que ce sont les Sénégalais eux-mêmes qui n’ont plus cet attachement à l’éducation. Chez nous comme partout ailleurs, c’est le folklore, le divertissement qui attirent le plus les gens. Et les télévisions ne font que suivre la tendance», dit-il. 

Les arguments de ceux qui se régalent 

Margo Fall, une ménagère domiciliée à Castor fait partie de ceux qui se retrouvent dans les programmes des télévisions. «Je ne peux pas dire que nos télévisions font de mauvaises choses. Car à chacun ce qui l’intéresse. Les émissions que certains critiquent sont pourtant suivies par beaucoup de gens. Moi, j’apprécie beaucoup les émissions de faits de société comme «Dieg ak keureum» et «Wareef», qui est devenue plus intéressante avec l’arrivée de Mamadou Ndoye Bane et Mamy. Dans ces émissions, on sensibilise les gens sur beaucoup de dangers et on donne de nombreux conseils aux les femmes au foyer, etc. Les gens peuvent apprendre beaucoup de choses avec ces émissions ». 

Fatou Niang, la vingtaine, étudiante est une accro des séries locales et des telenovelas. «Je trouve que les télévisions font pas mal de bonnes choses. C’est une question de choix aussi. On n’est pas obligé de suivre un programme ou une émission qu’on juge médiocre ou malsain. Moi j’aime bien les séries comme «Dinama nekh» (Tfm), «Un Café Avec…», les telenovelas, les émissions de divertissements comme «Kouthia Show» (Tfm). Il y a aussi les émissions de jeunes comme «Entre nous» de la Sen Tv qui sont intéressantes. (…). Vous savez, le quotidien des Sénégalais n’est pas facile. On a besoin de temps en temps de décompresser, de sortir du stress en suivant des émissions de divertissements ou de folklore ». 

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