Pendant quinze ans, un partenariat mondial pour le financement du développement a généré de remarquables résultats en Afrique. Cependant, ce partenariat est aujourd’hui sérieusement compromis.
Lundi, lors de ma rencontre avec les dirigeants du G7, aux côtés d’autres chefs d’Etats africains, je souhaite que nous saisissions cette rare opportunité pour remédier en urgence à cette situation. Depuis l’an 2000, 100 milliards de dollars d’annulation de dettes ont été accordés aux pays africains, et l’aide financière offerte à la région a plus que doublé.
Durant la même période, les ressources domestiques africaines dédiées au développement ont plus que quadruplé. Ce financement, accompagné par une solide mobilisation locale, a eu une incidence considérable.
L’extrême pauvreté recule
Au Liberia, la mortalité infantile a été réduite de deux tiers, et il en est de même dans de nombreux autres pays. Sur l’ensemble du continent, un million d’enfants en moins meurent chaque année de maladies évitables. Des millions de filles supplémentaires vont à l’école. Neuf millions d’Africains ont maintenant accès à des médicaments antirétroviraux capables de sauver leur vie. La croissance économique s’est accélérée, des millions de personnes ont trouvé un travail, et l’extrême pauvreté recule.
Dans quelques semaines, les nations du monde vont se rassembler à Addis Abeba pour décider de la meilleure façon de renouveler ce partenariat financier. Mais trop peu prennent ce sujet suffisamment au sérieux et nous risquons de rater une opportunité historique de poursuivre sur cette lancée.
Les enjeux sont de taille. Prenons le cas du Liberia par exemple : alors que nous avons fait des progrès énormes, nous sommes toujours l’un des pays les plus pauvres du monde et nous avons très peu de ressources financières. Nous avons produit les meilleurs résultats possibles avec les moyens à notre disposition. Mais ce n’est pas suffisant.
Bien que les donateurs aient augmenté leurs financements ces dernières années, le total de leurs contributions ne représente aujourd’hui que 0,3 % de leurs richesses nationales. Il est crucial que les donateurs se rapprochent davantage de l’objectif international, pris de longue date, de 0,7 % du revenu national brut alloué à l’aide au développement.
Les pays les moins avancés devraient recevoir la moitié de l’aide. De plus, une plus grande partie de cette aide devrait revenir aux pays les plus pauvres du monde, les pays les moins avancés. Actuellement, contrairement à ce que pensent sûrement les contribuables du monde développé, moins d’un tiers de l’aide internationale est accordé à ces pays. Ils devraient en recevoir la moitié. Des pays comme le Liberia ont besoin de ce soutien et en feront bon usage.
Bien sûr, l’aide n’est qu’un seul élément de ce partenariat. Les pays en développement doivent aussi s’engager à augmenter le plus possible leurs recettes fiscales, l’objectif étant à hauteur d’environ 20 % du PIB pour les pays les moins avancés. Un objectif dont nous devrions nous rapprocher de moitié d’ici à 2020. Puisque nos économies sont en pleine croissance, l’augmentation des ressources domestiques devrait aller de pair.
Endiguer la corruption et la fuite illicite de capitaux
Pour atteindre ce but, nous devons investir dans des systèmes de collecte d’impôts modernes, endiguer la corruption, coopérer avec nos partenaires mondiaux pour freiner la fuite illicite de capitaux et sévir contre la fraude fiscale.
Si les donateurs et les pays les moins avancés font chacun leur part, nous pourrions augmenter le financement pour les services essentiels à hauteur de 300 dollars au moins par personne et par an pour les pays les plus pauvres, soit le minimum pour répondre aux besoins de base de nos concitoyens.
Ces fonds doivent être méticuleusement ciblés là où nous savons qu’ils auront le plus d’impacts. Beaucoup d’exemples suggèrent notamment que le meilleur investissement est celui en faveur des femmes et des filles car cela a un impact sur l’ensemble de la société.
Priorités à l’agriculture et à l’énergie
Ce partenariat pour le développement doit également tirer davantage parti des investissements publics et privés en Afrique, surtout dans les infrastructures rurales, l’agriculture et l’énergie, pour créer de nouvelles opportunités économiques là où de nombreuses personnes parmi les plus pauvres du monde vivent de petites exploitations agricoles.
Enfin, comme l’ont soutenu le philanthrope et entrepreneur Mo Ibrahim et bien d’autres, nous devons garantir que ce nouveau partenariat soit renforcé par une plus grande transparence et un meilleur accès aux données informant sur ce qui fonctionne ou non. Une révolution des données est nécessaire pour s’assurer que l’aide parvient à ceux qui en ont le plus besoin.
L’Afrique comptera bientôt 40 % de la jeunesse mondiale qui peut être un moteur pour l’économie mondiale ou bien une vraie poudrière
Tout comme l’ONG internationale de lutte contre l’extrême pauvreté ONE l’a fait valoir dans son récent rapport DATA, toutes ces démarches peuvent et doivent être au cœur de ce partenariat du financement, prérequis pour atteindre les nouveaux objectifs de développement durable qui seront adoptés à New York en septembre. Les enjeux ne pourraient être plus cruciaux.
L’Afrique comptera bientôt 40 % de la jeunesse mondiale, une génération entreprenante qui peut être un moteur pour l’économie régionale et mondiale ou bien une vraie poudrière si elle ne connaît que le pillage de ressources, le chômage et des gouvernements fragiles.
Ces jeunes gens veulent bâtir le futur de l’Afrique et s’assurer que leurs dirigeants cherchent avant tout le progrès. Nous devons les écouter et les mettre au centre de ce partenariat mondial renouvelé pour un financement du développement intelligent. Le temps est compté. Nous devons agir maintenant.
Ellen Johnson Sirleaf Présidente du Liberia
Source : Presse