ATELIER DE PARTAGES ENTRE L’ORDRE DES ARCHITECTES DU SENEGAL (ODAS) ET LES AUTORITES LOCALES (MAIRES ET PRESIDENTS DE CONSEIL DEPARTEMENTAL)

Date:

Monsieur le Ministre de la Gouvernance Locale, du Développement et de l’Aménagement du Territoire, porte parole du Gouvernement,
– Monsieur le Président de l’Union des Associations d’Elus Locaux
– Monsieur le Président des départements du Sénégal
– Monsieur le Président de l’Association des Maires du Sénégal
– Monsieur le représentant du Ministre du Renouveau Urbain, de l’Habitat et du Cadre de Vie
– Monsieur le Représentant des Partenaires Techniques et Financiers
– Mesdames, Messieurs les Partenaires Techniques et Financiers
– Mesdames, Messieurs les invités
– Chers Confrères

L’acte III de la Décentralisation initié par son Excellence Monsieur le Président de la République et qui vise l’organisation du Sénégal en territoires viables, compétitifs et porteurs de développement durable, est une opportunité pour l’Ordre des Architectes d’assoir sa dynamique d’utilité publique auprès des collectivités locales.

C’est dans cette perspective que nous organisons cet atelier de partage avec les Autorités locales (Maires et Présidents de Conseil Départemental) afin de réfléchir sur les voies et moyens de valoriser notre savoir-faire pour une réelle implication auprès des collectivités locales pour que le Droit à l’architecture pour tous, inégalement réparti soit une réalité.

D’un côté nous avons une architecture savante, une commande valorisée ou d’exception, de l’autre un paysage urbain affligeant de quartiers et lotissements sans âme, sans verdure, peuplés de maisons sans esprit.

Dans cet immense désordre, l’Ordre des Architectes du Sénégal (ODAS) s’inscrit dans la démarche de rapprocher l’architecte du grand public qui a toujours gardé une vision approximative voire brouillée du métier d’Architecte.

Certes il reconnaît la qualité des prestations, mais il ne se sent pas concerné par cette valeur ajoutée qui s’identifie à leurs yeux à un surcoût ou à un luxe inabordable.

Cette conviction partagée entre les donneurs d’ordre et les décideurs politiques nous interpellent, pourtant dans notre pays, qui, déclare dans une loi, la qualité de l’architecture d’utilité et d’intérêt publics.

La culture architecturale est absente de l’école et la sensibilisation du citoyen à la qualité du cadre de vie et à l’architecture est quasi inexistante.

L’Ordre des Architectes se sent pleinement mobilisé à vos côtés pour un projet de société voulant que l’espace construit soit conforme aux besoins et aspirations de la société sénégalaise qui a besoin de « Remettre l’architecte au centre du projet architectural et urbain pour assurer la qualité du cadre de vie de chacun ».

Sur cette base, nous avons fondé nos actions en faveur de l’architecture sur trois axes :
– sensibiliser,
– développer
– et innover en mettant l’architecte au cœur de la cité.

Signes d’une prise de conscience ? Espérons-le !

Malgré les efforts notables de certains élus locaux qui ont su s’allier les services d’architectes, urbanistes, paysagistes, pour densifier et innover, force est de constater la médiocrité des paysages périurbains et des entrées de villes, le mitage des campagnes, l’abandon des centres urbains…

Dans le même temps, alors que le Sénégal s’est doté d’une loi sur l’architecture, la majorité des constructions, notamment en commande privée, sont construites sans recours à un architecte.

Dans le même temps encore, notre pays comme d’autres pays, traverse une crise économique mais aussi sociale et environnementale profonde dont les conséquences frappent très durement l’ensemble des métiers de la construction et de la maîtrise d’oeuvre.

Dans le même temps enfin, terrible paradoxe, le Sénégal manque plus que jamais de logements.

Au résultat, une profession dont le champ d’intervention se réduit et dont la viabilité économique se fragilise chaque jour un peu plus. Les architectes doivent faire face à une commande publique qui se raréfie, qui multiplie les procédures dérogatoires qui compromettent l’indépendance de la maîtrise d’oeuvre. Au nom de la simplification, le caractère obligatoire des concours risque d’être supprimé ainsi que la spécificité des procédures de passation des marchés publics de maîtrise d’oeuvre, alors qu’il est essentiel d’avoir une dévolution de commande vertueuse pour des marchés à forte valeur ajoutée conditionnant directement notre cadre de vie.

Quant à la commande privée l’architecte, tout en endossant une lourde responsabilité, perd peu à peu la maîtrise de son projet et voit de plus en plus son intervention réduite à la portion congrue, au détriment de la qualité de la construction et de la prise en compte du coût global.

Le diagnostic est sévère car, les architectes sont au service de l’intérêt général et de la qualité des territoires urbains et ruraux. Rappelons-le, l’architecture est avant tout un acte politique et elle répond à des enjeux transversaux :
culturels, économiques, environnementaux, et sociaux.

C’est pourquoi, les architectes demandent, à être replacés au centre de la construction du Sénégal Émergent. Ce cadre devrait permettre :
– de garantir la transparence et l’équité et d’organiser les relations contractuelles entre maîtres d’ouvrages et maîtres d’oeuvre pour leur confier une mission complète de la conception à la livraison des projets;

– de systématiser les règles assurant l’indépendance de l’architecte et de la maîtrise d’oeuvre avec pour les marchés publics, la limitation des dispositifs dérogatoires pour revenir à des pratiques capables de susciter et de stimuler la création architecturale », ainsi que le recours à des procédures qualitatives de choix de la maîtrise d’oeuvre (concours ou, pour les projets à faible montant et faible enjeu, procédure négociée sur références et moyens) ;

– de reconnaître le statut et le titre d’architecte, pour les architectes exerçant dans la fonction publique ;

– de développer le conseil architectural et urbanistique auprès des élus locaux pour accompagner leur réflexion sur l’aménagement et la concertation.

Les architectes proposent d’ouvrir des champs d’expérimentation : repensons les procédures de la commande avec des missions mieux adaptées aux marchés de travaux, et redéfinies pour inventer de nouvelles façons de travailler avec les maîtres d’ouvrage en intégrant une réflexion sur l’usage, l’entretien et l’évolutivité du bâti.

Les architectes proposent que soient mises en place sur des territoires choisis, des expérimentations pour un urbanisme et un habitat démocratiques :

– pour créer des territoires où la règle s’inventerait avec les élus et les habitants dans le cadre du projet urbain,

– pour mettre en oeuvre des opérations de logements proposant de nouvelles formes d’habitat avec des espaces collectifs réinventés.

Il y a beaucoup à faire pour que le cadre de vie soit l’affaire de tous.

C’est une condition indispensable à l’équité des territoires.
La réforme territoriale, à travers l’acte III de la Décentralisation est une opportunité unique pour que les élus et les architectes, ensemble, imaginent pour demain un territoire durable, économe et un cadre de vie aimable pour tous.

Le défi lancé, à savoir, la construction des chantiers du Plan Sénégal Émergent, n’est pas, pour les architectes, contradictoire avec l’exigence de qualité architecturale et de développement durable qu’ils revendiquent depuis de nombreuses années.

Construire plus, c’est construire mieux et particulièrement au bon endroit en fonction des besoins réels des différentes catégories de population.

L’intelligence et la réflexion préalable avec l’ensemble des partenaires de l’acte de construire, et particulièrement le dialogue en amont avec les élus locaux responsables de l’urbanisme et les citoyens, doivent permettre aux architectes de répondre à l’ambition et à l’urgence de la construction de notre pays.

Construire mieux, c’est permettre aux citoyens de s’investir dans la maîtrise de leur cadre bâti.

Construire mieux, c’est d’abord maîtriser le foncier.
Pour les collectivités locales, maîtriser le foncier c’est anticiper les jeux spéculatifs et l’essaimage des constructions et des lotissements selon les seules « opportunités » foncières.
Pour que les coûts fonciers soient en adéquation avec les objectifs de développement urbain, de mixité sociale et d’équipements collectifs, les collectivités territoriales doivent :

– permettre aux architectes, de participer le plus en amont possible mais aussi tout au long des projets, aux réflexions et à la réalisation de schémas d’aménagement des agglomérations mais aussi des territoires interstitiels ;

Construire mieux c’est aussi fabriquer une ville durable, équilibrée.
Pour être accepté, le projet urbain doit être discuté et partagé le plus en amont possible entre les élus locaux, les usagers et les professionnels que sont les architectes, les urbanistes, les paysagistes.

Construire mieux c’est encore garantir les meilleures procédures pour le choix des équipes de maîtrise d’oeuvre. Dans le cadre d’un plan massif et prioritaire de construction de logements, les maîtres d’ouvrage vont se trouver confrontés au problème du choix des équipes d’architectes chargées de concevoir et réaliser les projets.

Les architectes, conscients, de cette double exigence souhaitent :

1- proposer des méthodes de sélection permettant le meilleur choix des architectes, la place nécessaire à accorder aux jeunes équipes, tout en garantissant l’intérêt public de la création architecturale;

2- systématiser la mission complète de l’architecte dans les marchés pour garantir l’intérêt public de l’architecture tout au long du processus de construction ;

3- accompagner le particulier en dessous des seuils d’intervention obligatoire de l’architecte par l’instauration d’une assistance architecturale préalable à tout dépôt de demande de permis de construire.

Ce diagnostic permettrait de guider et sensibiliser le demandeur d’une autorisation aux enjeux paysagers, urbains, architecturaux, voire patrimoniaux auxquels se confronte son projet. Il permettrait aussi aux élus de disposer d’un support pour l’instruction de la demande ;
Pour que l’urgence de la construction soit respectée, il convient bien sûr que les délais d’instruction de permis de construire ne connaissent plus les dérapages constatés ces dernières années.

Construire mieux c’est enfin allier efficacité, créativité et confort d’usage.
S’agissant de la conception et de la construction proprement dite, les architectes mettront en oeuvre leurs compétences pour que les logements soient moins chers en termes de coût global et notamment de consommation
d’énergie (transition énergétique oblige), plus agréables à vivre, et plus adaptés aux exigences d’accessibilité et d’évolution.

Cette urgence de la construction doit être pour les architectes et pour les maîtres d’ouvrage public l’occasion de renouer avec la tradition d’excellence en matière de construction du logement social dans laquelle, notre pays s’est distinguée dans l’Espace UEMOA ; elle doit être l’occasion pour les architectes, de développer toute leur créativité quel que soit le programme et quelle que soit l’échelle.

Pour garantir l’excellence de la prestation architecturale, il faut former plus d’architectes qualifiés et pour cela, réhabiliter l’école nationale d’architecture en la dotant de moyens conformes aux standards universitaires internationaux.

Pour que l’architecture soit familière et désirée par le public, il faut l’intégrer dans les programmes scolaires comme un art qui s’impose au regard de tous.
Elle s’inscrit nécessairement dans l’espace collectif et, à ce titre, elle est « opposable aux tiers ».

Mesdames et Messieurs, pour conclure, nous ne cesserons de clamer que l’architecture est l’expression de la collectivité et de ses valeurs. Elle ne peut exister qu’au travers des règles qui organisent la vie des citoyens auxquels il faut donner les moyens de pouvoir appréhender la création architecturale assumée par les architectes comme une opportunité tel que l’édicte la loi sur l’architecture « d’utilité et d’intérêt publics sur l’ensemble du territoire national ».

Au nom de tous mes confrères, je remercie Monsieur le Ministre de la Gouvernance Locale, du Développement et de l’Aménagement du Territoire, Porte parole du Gouvernement ainsi que les autorités locales et administratives qui, malgré leur emploi du temps chargé ont répondu à notre invitation.

Mes remerciements s’adressent également à nos différents partenaires techniques et financiers, qui ont tenu à associer leur nom et leur image à la tenue de cette importante activité que nous inscrivons dorénavant dans notre agenda.

Mention spéciale aux membres du comité d’organisation qui n’ont ménagé aucun effort pour la réussite de cette manifestation.

Je vous remercie de votre aimable attention.

Fodé DIOP Architecte DPLG
Président du Conseil de l’Ordre des Architectes du Sénégal.

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