Le site lanceur d’alerte Wikileaks s’attaque à l’Arabie saoudite, avec la publication vendredi de plusieurs dizaines de milliers de documents et de câbles secrets. Un flot d’informations peu reluisant pour le royaume wahhabite.
L’Arabie Saoudite est dans le collimateur du site lanceur d’alerte Wikileaks. Ce dernier a publié, vendredi 19 juin, quelque 61 000 câbles et mémos, s’étalant sur plusieurs années, présentés comme des communications confidentielles authentiques de la diplomatie saoudienne.
Mais le site créé par Julian Assange ne compte pas s’arrêter là, puisqu’il prévoit de publier au total près de 500 000 documents de ce type, comprenant des communications d’ambassades, des échanges de courriers électroniques entre diplomates et des notes préparées par d’autres organismes du pouvoir saoudien, dans le cadre de l’opération « The Saudi Cables ».
« Saudi Cables a mis en lumière une dictature qui devient de plus en plus imprévisible. Cette année, elle a non seulement célébré sa 100e décapitation, elle est aussi devenue une menace pour ses voisins ainsi que pour elle-même », a indiqué Julian Assange, réfugié dans l’ambassade d’Équateur à Londres depuis exactement trois ans, dans un communiqué de presse rendu public vendredi.
La pétromonarchie wahhabite, qui règne en maître sur la sphère sunnite du monde arabe, a de quoi s’inquiéter, au moment où le Moyen-Orient et la Golfe traversent une des périodes les plus critiques de son histoire. Les documents déjà disponibles révèlent notamment les manœuvres de la diplomatie saoudienne, grâce à sa puissance financière et son influence religieuse, pour contrecarrer l’influence grandissante de son ennemi intime iranien et ses alliés régionaux (régime syrien et Hezbollah libanais). Une obsession qui pousse le royaume, selon un des documents, à s’inquiéter vivement d’un rapprochement futur entre Téhéran et Washington en cas d’accord sur le dossier nucléaire iranien.
Clientélisme et tentatives d’influencer les médias
D’autres câbles traitent des questions régionales (Yémen) et des défis posés par le printemps arabe, qui a affolé Riyad. On apprend par exemple que l’Arabie saoudite a tenté de négocier avec les Frères musulmans d’Égypte la liberté de l’ancien président Hosni Moubarak contre la somme de 10 milliards de dollars.
En outre, on découvre que la diplomatie saoudienne cherche constamment à influencer les médias occidentaux (Canada, Australie, entre autres) et arabes (Égypte, Liban…) en sa faveur, en échange de participations et d’aides financières, voire en achetant des responsables au sein de chaînes récalcitrantes. Une politique destinée à acheter le silence des médias, par « la neutralisation ou la contrainte ». Ou encore en n’hésitant pas à demander à des diffuseurs de retirer des chaînes iraniennes de leurs offres d’abonnements.
Des documents révèlent par ailleurs les sollicitations par certains responsables politiques, notamment au Liban, réclamant des aides financières à Riyad en échange de leur loyauté à ligne politique du royaume. Un clientélisme à haute échelle qui risque de faire couler beaucoup d’encre dans les pays concernés dans les prochains jours.
Des documents « fabriqués », selon Riyad
Pour limiter l’écho et prévenir les dommages que pourraient produire ces révélations, les autorités saoudiennes ont mis en garde, samedi, contre la diffusion de « documents qui pourraient être des faux ». L’avertissement a été diffusé par le ministère des Affaires étrangères sur son compte Twitter.
Dans un communiqué diffusé dimanche, le porte-parole du ministère, Ossama Naqli, prévient que l’Arabie saoudite « ne permettra pas aux ennemis de l’État (…) de partager ou publier » les documents, dont « beaucoup ont été fabriqués de manière très grossière ». Sur place, une enquête a été ouverte et le ministère a prévenu qu’il engagera des poursuites contre les personnes impliquées dans cette fuite.
De son côté, Wikileaks ne précise pas comment il s’est procuré ces documents mais fait mention dans un communiqué de presse d’une déclaration saoudienne remontant au mois de mai, relative à un piratage informatique dans le royaume qu’avait revendiqué par la suite un groupe du nom de Yemeni Cyber Army.