Assécher la Méditerranée, construire une réplique exacte de Paris, ériger une tour de 3 kilomètres de haut… Parfois, les ingénieurs, les architectes ou les militaires travaillent très sérieusement sur des projets complètement secoués. Linternaute vous emmène découvrir leurs rêves les plus fous. Imaginés, conçus, mais jamais terminés.
Une réplique de Paris pour tromper l’ennemi
1918. La nuit, les avions allemands Gotha et autres Zeppelins de combat bombardent Paris. Le ministère de la Guerre français cherche une parade… et décide de construire une réplique de la capitale pour éviter morts et dégats ! A cette époque, les aviateurs ne possèdent ni radar, ni GPS et se guident à la clarté de la Lune. Difficile de se repérer… L’état-major établit le plan : dans une zone A située près de Roissy, on reconstruira en bois et en toile le nord de Paris (avec sa fausse gare de l’est, ses wagons, ses fausses usines d’Aubervilliers, ses lampions…). Près de Conflans-Sainte-Honorine, on prévoit d’ériger des Champs-Élysées et un Champ de Mars en carton pâte tandis que près de Chelles, on doit reproduire les usines de l’est parisien. Sur la zone A, les premiers bâtiments sont construits peu avant l’Armistice de novembre 1918. On ne connaîtra jamais l’efficacité de ce stratagème…
Des immeubles de 2 kilomètres
1000 mètres de hauteur pour un gratte-ciel ? Une hauteur envisageable pour les architectes japonais des années 1980, au moment où le prix du mètre carré doublait tous les trois ans à Tokyo. Des projets délirants tel que Sky City 1000 (1 km de hauteur, forme de cylindre) ou Aéropolis 2001 (2001 mètres, découpé comme un diamant) furent sérieusement envisagés avant que la bulle n’explose et que les plans ne restent dans les cartons. Depuis, la boite a idées a été rouverte : la cité-pyramide de Shimizu espère culminer un jour à 2004 mètres, tandis que X-Seed 4000 est conçue comme un volcan dépassant les 4 kilomètres. Mais la première réalisation dépassant le kilomètre est en cours de construction… à Jeddah, en Arabie-Saoudite. La Kingdom Tower de l’architecte Adrian Smith devrait mesurer 1001 mètres en 2019.
Assécher la Méditerranée pour agrandir l’Europe
Difficile de voir plus grand ! Le 1er mars 1928, l’architecte allemand Herman Sörgel présenta son projet, nommé Atlantropa. A l’aide d’un barrage large de 35 kilomètres (!) situé au détroit de Gibraltar, on fermerait la Mer Méditerranée, dont on ferait descendre le niveau de 200 mètres. En clair, on rayerait l’Adriatique de la carte et on mettrait Marseille à 30 km du rivage… Bénéfice ? Le barrage produirait assez d’électricité pour toute l’Europe, les terres dégagées seraient fertiles, le pétrole africain serait accessible par route et chemin de fer, le Sahara pourrait être abondamment irrigué, assurant la meilleure entente entre les continents. L’homme promeut son projet aux expositions universelles, dans des dizaines de villes européennes et obtient même l’oreille d’Hitler, qui se montre… pas intéressé. La mort de Sörgel en 1952 laisse sombrer le dessein dans l’oubli.
100 millions d’habitants sur une cascade
Le projet n’avait rien de rasoir. King Camp Gillette (1855-1932), fondateur de la marque préférée des visages glabres, était aussi un socialiste utopique. Dans son livre The Human drift (1894), il expose sa vision de l’avenir où le progrès technique apporte le progrès social. L’Amérique du Nord sera dominée par une mégalopole unique, Metropolis, s’étalant sur 200 kilomètres sur 70 et construite sur trois niveaux. Ici, les immeubles cylindriques de porcelaine surmontent des trottoirs transparents et sont couronnés de jardins. Les chutes du Niagara font tourner des turbines géantes, alimentant la cité en électricité. L’environnement urbain favoriserait la productivité des hommes et femmes, qui travailleraient en toute égalité dans une gigantesque entreprise unique. Aujourd’hui, Gillette fabrique toujours des rasoirs.
Un stade nazi de 400 000 places
Fusionnez le Stade de France, Wembley, l’Estadio Azteca et le Camp Nou et vous n’y serez pas encore. Un an après les jeux olympiques de Berlin de 1936, Adolf Hitler ordonna la construction d’un stade gigantesque, le Deutsches stadion, près de Nüremberg, au sud de l’Allemagne. L’architecte officiel du régime nazi, Albert Speer vit très grand : l’enceinte, en forme de fer à cheval devait contenir 400 000 spectateurs. Le stade, de 800 mètres de longueur,devait être inauguré avant 1945… Le Führer avait établi qu’après les JO de 1940 à Tokyo, les olympiades auraient lieu à jamais dans cette enceinte, de même que les « Jeux aryens » et des rassemblement du NSDAP. A partir de 1939, le projet fut stoppé au nom de l’effort de guerre. Une « maquette » de 40 000 places construite dans la campagne bavaroise git dans l’oubli.
Construire des autoroutes avec des bombes atomiques
Au début des années 1960, les Américains vivent dans la hantise de l’atome. Alors que la tension est au plus haut avec l’URSS, Washington décide de favoriser l’utilisation civile de sa technologie nucléaire via l’opération Plowshare (« soc » en français). Première application : les travaux publics. Ainsi, une société autoroutière californienne envisage de faire exploser 22 charges nucléaires afin de faire passer la Highway 40 à travers les Bristol Mountains dans le désert de Mojave. Des essais sont menés dans le Nevada, creusant des cratères d’un kilomètre de diamètre. Efficace. On envisage aussi d’utiliser la puissance destructrice pour l’exploration pétrolière ou l’élargissement du canal de Panama ou le regroupement des nappes phréatiques. Difficultés techniques et opposition de l’opinion publique mettent fin au programme en 1977.
Le TGV Paris-Pékin-Los Angeles des Chinois
Va t-on demain traverser la planète en train ? Visiblement, des officiels chinois répondent par l’affirmative. Au printemps 2014, un responsable des chemins de fer a évoqué publiquement l’étude d’une ligne à grande vitesse reliant la Chine à San Francisco, via un tunnel de 200 kilomètres sous le détroit de Béring, qui sépare la Russie de l’Alaska (un projet déjà envisagé par le tsar Nicolas II au début du XXe siècle). En tout, la ligne mesurerait 13 000 kilomètres, parcourus à 350 km/h… Mais l’appétit du TGV chinois ne s’arrête pas là. D’ici 2050, Pékin envisage de connecter son réseau avec les LGV européennes. Bref, prendre un train Gare de l’est, à Paris, à destination de Shanghai pourrait un jour devenir une réalité…
Quand Le Corbusier voulait raser Paris
Le baron Haussmann s’est peut-être retourné dans sa tombe. En 1922, l’architecte suisse Le Corbusier (1887-1965) présente sa vision radicale et moderniste de Paris. Parrainé par une marque d’automobiles de l’époque, le projet prend le nom de Plan Voisin. La vie est organisée autour d’une large autoroute reliant Vincennes à Levallois-Perret. Les quartiers de Châtelet, Bourse, du Marais et du Sentier, jugés malsains, sont intégralement démolis et cèdent leur place à une cité d’affaire hérissée de 18 tours cruciformes, où travaillent plus de 500 000 personnes. A l’ouest, autour de Saint-Lazare et de l’arc de triomphe, se dressent des immeubles d’habitations, disséminés tous les 500 mètres et entourés de parcs et de parkings, où se distinguent les quelques monuments conservés. Les Champs-Elysées sont transformés en voie piétonne. Une vision qui ne s’est jamais réalisée…
Un tunnel pour traverser l’Atlantique
C’est l’une des vieilles lunes des ingénieurs depuis un texte de Jules Verne et un obscur film de 1935 : construire un conduit reliant Londres (ou Paris) à New York. Jusqu’ici, les projets routiers ou ferroviaires n’ont jamais vu le jour. Mais la technologie pourrait bientôt (enfin… d’ici la fin du siècle) rendre le projet viable. Pour cela, il faudrait probablement utiliser la sustentation magnétique – le train flotte au-dessus de la voie grâce à un champ magnétique crée par l’électricité – et surtout de faire le vide, en enlevant l’air du conduit. Des capsules pourraient ainsi être propulsées à 4000 km/h (c’est presque deux fois plus vite que le Concorde) dans les souterrains, où l’air serait aspiré par des pompes géantes placées tous les 20 à 30 km. Le coût estimé d’un tel projet ? 100 milliards de dollars, soit 80 milliards d’euros. On risque donc d’attendre encore un peu…
Le titanesque palais des Soviets
Staline voulait un bâtiment spectaculaire. En 1931, l’Union soviétique organise un grand concours d’architecture afin d’élever une cité administrative et une salle de congrès pour le Soviet suprême. Le trio Iofan-Schuko-Gelfreikh remporte la mise et promet un immeuble néo-classique de 415 mètres abritant une salle de 100 mètres de diamètre, pouvant accueillir 21 000 dignitaires communistes. Au sommet du bâtiment trônera une statue de Lénine plus grande que la statue de la Liberté et pesant 6 000 tonnes ! On fait place nette en démolissant la Cathédrale du Christ-Sauveur (elle sera rebâtie dans les années 1990) et les travaux démarrent en 1939. L’effort de guerre gèle le projet, qui finit par être abandonné. Un autre Palais des Soviets, à Kaliningrad, sera lui aussi abandonné avant l’effondrement de l’URSS.
Le débarquement allemand aux Etats-Unis
En 1897, l’empereur allemand Guillaume II (1859-1941) est agacé par la puissance croissante des Etats-Unis. Il ordonne donc à sa marine d’établir un plan pour un débarquement militaire… en Amérique. Le jeune lieutenant Eberhard von Mantey prévoit de faire monter 100 000 hommes sur 60 navires de guerre, qui doivent traverser l’Atlantique en 25 jours. Le plan se précise et évolue : l’artillerie allemande bombardera Boston et New York, semant la panique chez les civils tandis que des soldats poseront le pied à Cape Cod… Le maréchal von Schlieffen ne croit pas à la réussite de l’entreprise et fait pression auprès du Kaiser pour qu’il renonce. L’idée est abandonnée en 1906. On se concentre alors sur la guerre en Europe. Ce n’est qu’un siècle plus tard que des historiens retrouveront le plan dans des archives militaires déclassées…
Coloniser la lune
C’est typiquement le genre de projet prévu « dans 20 ans »… depuis 50 ans. La colonisation de la Lune, évoquée dès 1638 par l’évèque John Wilkins, était envisagée par les Etats-Unis autour de 1967. Un projet ranimé par George W. Bush en 2004 dans le cadre du projet Constellation : la base lunaire devait servir de tremplin vers Mars. Les différences de température, la nécessité de développer un système de fret, les inconnues sur la tenue des plantes (et des hommes) ne cesse de repousser le projet. En attendant la colonisation de Mars, dont il est déjà question, la Russie, la Chine, l’Inde ou le Japon veulent s’établir sur le sol lunaire autour de 2030. Dans une vingtaine d’années.