Les toitures végétalisées se couvrent de puces… électroniques
INNOVATION. Afin de servir de réservoir-tampon et ainsi mieux gérer les eaux pluviales, les toitures végétalisées se font intelligentes. La société Le Prieuré a développé une solution connectée, qui contrôle les débits de fuite vers les réseaux urbains. Explications.
La gestion des eaux pluviales est une problématique grandissante, avec une urbanisation galopante qui étanche les sols et la survenue d’événements orageux de plus en plus violents. « D’où des débordements, des inondations et des problèmes de pollution », énonce Raphaël Lamé, le gérant de Le Prieuré. « Les toitures végétalisées sont comme des éponges qui font tampon, mais, une fois saturées d’eau, elles n’ont plus la capacité d’en absorber davantage et rejettent l’excédent », poursuit-il. La société, spécialiste du végétal qu’il soit en toiture, en façade ou en aménagement paysager, s’est donc penchée sur la question de la limitation du stockage d’eau pluviale. Pendant 4 ans, elle a consacré 1 M€ et plus de 10.000 heures de travail à concevoir une solution de toiture connectée, en partenariat avec le laboratoire LGCIE (Insa Lyon), le Cerema Île-de-France (Trappes) et l’université de Milwaukee (Etats-Unis).
Près de 90 litres d’eau stockés
Jean-Christophe Grimard, le responsable R&D chez Le Prieuré, explique : « La toiture hydroactive connectée contrôle les micro-débits de fuite vers les réseaux, stocke de grands volumes d’eau dans les bacs et assure une irrigation par capillarité. Les capteurs contrôlent en permanence et permettent un pilotage à distance, notamment pour anticiper les précipitations en vidangeant les bacs ». Le spécialiste compare les capacités de stockage et de régulation du débit de fuite des différentes solutions du marché : « Une toiture nue ne stocke rien et n’a pas de régulation du débit. Une toiture végétalisée classique retient environ 20 à 25 litres par mètre carré mais ne régule pas non plus. La toiture hydroactive enfin, retient 90 l/m² et permet d’ajuster l’écoulement depuis 1 litre/seconde/hectare jusqu’à 10 voire 20 l/s/ha ou plus ». Techniquement, la solution repose sur l’utilisation de deux bacs superposés, combinant le produit Hydropack – créé en 2005 – à un système de sous bacs. Ensemble, ils peuvent stocker près de 90 litres d’eau. Des goutteurs brevetés sont reliés à la centrale de commande qui contrôle le niveau d’eau toutes les 3 minutes et permet de connaître le débit de fuite en temps réel. La solution, consultable depuis n’importe quelle plateforme (smartphone, tablette ou ordinateur), autorise également de surveiller un éventuel bouchage de l’évacuation afin d’y remédier.
Coût et surpoids ou poids et surcoût ?
Des mèches en tissu remontent l’eau vers les plantes par capillarité et améliorent de ce fait l’évapotranspiration des plantes. « La solution connectée n’est pas un gadget, elle permet d’optimiser la ressource en eau », assure Raphaël Lamé. L’automatisation des largages d’eau en fonction des prévisions météorologiques seraient, dit-il, dans la logique des choses et constituerait la prochaine évolution. La solution soufre toutefois de deux limites : un surcoût estimé à +30 voire +50 % par rapport à une toiture végétalisée standard et un poids conséquent, qui la destinent à des constructions neuves. L’ensemble saturé en eau – suite à un orage par exemple – peut entraîner une surcharge de 150 kg/m². Côté plantes, en revanche, aux côtés des classiques sédums, la société propose un panachage d’œillets, ciboulettes et crassulacées, qui égayent la toiture et amènent une plus grande biodiversité.
Les performances de la solution hydroactive connectée ont convaincu plusieurs maîtres d’œuvre, comme l’architecte Brigitte Bosco qui en a dotée l’éco-crèche de Poissy (Yvelines). Elle confie : « Nous avions des réponses à apporter à des contraintes au niveau du rejet des eaux pluviales à l’environnement pour la commune de Poissy à 5 litres/seconde/hectare, et d’Achères à 2 l/s/ha. (…) J’étais personnellement favorable à l’option de toiture terrasse végétalisée avec stockage d’eau ». De même, la société Sogaris, qui dispose d’une importante plateforme logistique à Rungis (Val-de-Marne), a choisi d’anticiper le durcissement de la réglementation vers le zéro rejet d’eau pluviale pour sélectionner la solution et intégrer trois palettes végétalisées sur une terrasse. De quoi verdir l’espace de travail des employés et améliorer l’impact environnemental du site.
Interface
Le module de pilotage permet de contrôler les niveaux d’eau stockée et de l’évacuer en cas de prévision de pluie, ou au contraire, de la garder en cas de sécheresse.
Un capteur cactus
Le capteur doit être installé au cœur de la végétation de la toiture. Il prend des airs de petit personnage ludique, croisement de « Cactrot » (de la saga Final Fantasy) et du « Bidule » (de la saga de Canal +).
Source : Bati Actu