Selon Christrine Lagarde : « Il faut un partenariat multiforme pour financer le développement inclusif »

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Christine Lagarde - Directrice du FMI
© Malick MBOW

Une “opportunité qui ne se présente qu’une fois par génération » — C’est la manière dont Christine Lagarde, Directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), qualifie les possibilités de mobiliser des ressources pour financer le développement économique et social des pauvres du monde.

Après un discours à Washington DC en prélude à la conférence Financing for Development à Addis Abeba, Ethiopie, du 13 au 16 juillet, Lagarde s’est entretenue avec Allafrica.com pour parler des défis qui se posent au développement.

L’objectif de la rencontre d’Addis est d’élaborer un plan pour payer les coûts de la réduction de la pauvreté dans le monde qui est généralement admis par les Etats, le secteur privé, les organisations non-gouvernementales et la société civile.

Les objectifs fixés pour cette initiative s’appellent les Objectifs de développement durables (ODD). Lors de son allocution à la Brookings Institution, Lagarde a souligné que, pour être durable, la croissance économique doit être plus «inclusive» et doit profiter à un plus grand nombre de personnes.

Elle a annoncé une décision stratégique importante du FMI, une augmentation de 50 pour cent des financements à faible coût, ainsi que la prolongation des prêts sans intérêt aux pays assiégés. Lors des discussions qui ont suivi, elle a répondu aux questions posées par le public d’AllAfrica.

Que faut-il faire pour que les pays africains puissent libérer leur plein potentiel économique?

D’abord, les pays africains disposent d’un grand potentiel. Vous ne serez pas surpris que, venant du FMI, je soutienne que cela commence d’abord par les bases. De notre point de vue, les bases sont représentées par des politiques macroéconomiques viables, stables, qui garantissent que l’inflation est contrôlée, que la dette ne s’accroit pas de manière excessive, et qu’il y ait une bonne stratégie en vue d’augmenter adéquatement les revenus afin de permettre un meilleur accès à la santé et à l’éducation, particulièrement pour les filles. Je considérerais cela comme les fondamentaux avec lesquels on peut réellement mettre en place quelque chose.

Qu’est ce qui sera nécessaire pour financer les ODD?

Pour les pays africains en développement – particulièrement les plus faibles, les plus exposés aux conflits – Leurs efforts respectifs seront nécessaires, mais aussi ceux de la communauté internationale. Ce sera une approche multiforme. Dans une première partie, dans l’approche nationale, [Il y a] la base macroéconomique [et] la mobilisation des revenus. J’aimerais y ajouter l’efficacité de la gestion des finances publiques et les investissements adéquats qui seront favorables à la croissance.

Du côté de la communauté internationale, cela comprend aussi plusieurs aspects. Cela inclut l’aide, bien sur. Espérons qu’il n’y aurait pas de déficit dans ce domaine. Cela implique aussi la coopération internationale. Pour avoir une bonne mobilisation des revenus, il doit y avoir une coopération internationale.

Pour lutter contre l’évasion fiscale, par exemple, la coopération entre les différents Etats et l’implication du secteur privé est nécessaire. La communauté des entreprises sait qu’elle doit participer à cet effort – et que tout en ayant une intelligence fiscale, les entreprises doivent être appelées à rendre des comptes, par exemple, aux territoires, au sein desquels elles extraient des ressources.

Ce sont deux exemples dans lesquels le projet national devrait être soutenu par la coopération internationale.

Pour sa part, le FMI s’engage aussi à aider les pays à réaliser les ODD, notamment en élargissant l’accès à tous nos prêts concessionnels à des taux de 50 pour cent et à des taux d’intérêt zéro pour les pays à bas revenus en proie à des désastres de niveau national et à des conflits.

Est ce qu’une partie des financements nécessaires pour ces initiatives de développement peut être générée en augmentant les impôts et en exigeant des intérêts majeurs dans des projets d’exploitation minière, pétrolière et de gaz par les pays qui disposent de ces ressources, Ou cela a-t-il un effet dissuasif sur les investisseurs?

Il y a deux principes essentiels. Le premier est l’efficacité. Le deuxième est la transparence. Il y a beaucoup de frais cachés que les investisseurs directs étrangers connaissent, le pays ou la population du pays ne bénéficient pas directement de cela.

Je pense qu’il faut appliquer le principe de l’efficacité et de la transparence, même si c’est au prix d’une augmentation des taux ou en exigeant un certain niveau ou pourcentage de capitaux propres. Je pense qu’il serait très bénéfique pour les pays qui peuvent attirer des investissements directs étrangers, car ils présenteront un cadre plus favorable aux affaires. Cela ne veut pas dire être “frileux”; l’efficacité et la transparence peuvent favoriser un environnement propice aux affaires.

Sur l’impact du développement chez les jeunes et leur à jouer dans la définition des priorités dans leur pays, selon vous, comment la jeunesse pourrait contribuer?

Dans la plupart des pays en développement, il y a une grande, très grande, partie de la population qui est âgée de moins de vingt cinq ans. Cette population est souvent considérée comme le « dividende démographique » de ces pays. Très souvent, c’est le cas en Afrique, mais pas seulement en Afrique. Cela pourrait être un dividende démographique si les jeunes ont accès à l’éducation — si cette éducation est en phase avec les besoins du marché, ainsi les jeunes peuvent – après leur éducation, accéder aux marchés.

Nous considérons l’accès du public à l’éducation, que ce soit l’enseignement professionnel ou la formation professionnelle, comme une nécessité pour transformer le dividende démographique tant évoqué en un réel bien être, «mieux être», pour les jeunes et pour contribuer au développement économique du pays.

Comment les politiques de prêt du FMI ont elles été affectées par l’émergence de la Chine comme source de financement alternative à travers l’Afrique ?

Les autorités chinoises et quelques entreprises publiques chinoises ont été extrêmement actives dans les pays africains, particulièrement dans les pays bien dotés en ressources. La concurrence entre les circuits financiers est une bonne chose, tant qu’elle est faite avec les principes d’efficacité, en évitant de surcharger les pays de dettes, et surtout en n’abusant pas de sa position de bailleur de fonds d’un projet particulier. Les investissements chinois sont parfaitement légitimes s’ils sont conformes à ces principes.

Un grand nombre de nos lecteurs voudraient savoir comment les défis actuels du système financier international pourraient affecter le financement pour le développement de l’Afrique.

L’économie mondiale traverse certes une période de reprise. Notre dernière prévision pour 2015 montre une croissance d’un taux de 3,3 pour cent, plus élevée que celle de l’année dernière. Donc, il y a croissance. Il est clair qu’il y a un ralentissement dans certaines des économies de marché émergents, y compris la Chine, qui a été un grand investisseur direct étranger, une force de financement, mais aussi un grand partenaire commercial. Ils ont certainement acheté beaucoup de marchandises. Comme il y a un ralentissement en Chine et dans d’autres économies de marché émergents, il y a également un ralentissement sur les prix des marchandises. Cela se voit clairement en ce moment. Cela produit manifestement un impact sur les fournisseurs de marchandises.

C’est encore une raison pour laquelle des sources de croissance alternatives devraient être explorées par ces pays, principalement au sein des marchés nationaux.

Source : Presse

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