Lamine Diack, Président IAAF: « Je sais qu’il est temps de passer le relais »

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Le Président de la IAAF sait qu'il doit passer le relais
© Malick MBOW

Dans un grand entretien accordé à l’Agence internationale de la presse sportive (Aips), Lamine Diack, Président sortant de l’IAAF se livre sans détour. Sa brève carrière politique, ses débuts à la fédération internationale de l’athlétisme, les candidats à son poste,…il parle de tout. Morceaux choisis.

 
Aips: Comment êtes-vous entré à l’IAAF et comment cela a été pris par la classe politique sénégalaise ?
Le premier congrès de l’IAAF auquel j’ai assisté, c’était à Rome en 1974, et je me souviens qu’il était difficile alors de parler ou de se faire entendre. J’étais assis avec la délégation nationale sénégalaise parce que le Congrès ne reconnaissait pas la Confédération Africaine que je dirigeais. Mais plus tard, Montréal a été décisif car c’est lors de ce congrès que j’ai été élu et quelques modifications majeures ont été apportées quant à la composition de notre Bureau.
J’étais le Vice-président qui avait enregistré le plus de voix en sa faveur avec 300 voix tandis que le second obtenait 270 voix. Je suis devenu Premier Vice-président en 1995.
L’Afrique du Sud a été bannie à Montréal et deux ans plus tard, en 1978, la Chine a été admise comme fédération affiliée indépendante de l’IAAF.
Nous avons créé la Coupe du Monde en 1977 à Düsseldorf et organisé indépendamment des compétitions en tant que IAAF. Avant 1977, nous avions une seule compétition avant les Jeux Olympiques qui était les Championnats du Monde, hormis la marche, la course et le cross-country. En 1982, nous avons changé les règles pour permettre aux athlètes de gagner des primes lors des courses et événements internationaux. 1984 a été l’année où nous avons commencé le programme de marketing après la signature de l’accord IAAF/ISL en 1983.

En 1999, vous avez été élu Président de l’IAAF, mais vous êtes aussi resté Président de la Confédération Africaine. Comment avez-vous pu gérer les deux instances simultanément ?
En Afrique, il y a toujours eu des consensus. Au cours de mon mandat, nous n’avons jamais eu d’élections et je me suis toujours assuré que toutes les nations d’athlétisme étaient représentées au sein du Comité de la Confédération. Mais comme je me préparais à passer le témoin, il était clair que le consensus allait échouer car nous avions des dirigeants de l’Afrique occidentale, orientale et centrale désireux de me succéder. Après avoir discuté jusque tard dans la nuit, avec chacun des candidats, j’ai compris que le consensus avait échoué : ils insistaient pour recourir au vote. J’ai cependant clairement porté mon choix sur Malboum Kalkaba parce qu’il parle bien anglais et français, et a bien travaillé pour l’Afrique. Il est aussi originaire du Commonwealth et président de Comité National Olympique : il pouvait donc être un bon leader. Il a également une solide expérience sportive. Comme vous le savez, ils n’ont pas tenu compte de mes suggestions et ont insisté pour aller au vote, et Kalkaba a finalement gagné.

Ce sont les mêmes modalités que j’ai tenté d’instaurer au sein du Conseil exécutif de l’IAAF. Ma nomination en 1999 comme Président de l’IAAF a été faite par consensus et acclamation de la majorité. Prendre le relais de l’italien Primo Nebiolo a été un moment fort, mais comme je l’ai expliqué c’était un périple qui m’a fait faire le tour de l’administration du sport. Et maintenant je sais qu’il est temps de passer le relais.

Question: La présidence de l’IAAF sera certainement de retour en Europe et pour la première fois nous allons avoir des élections pour le poste. Que pensez-vous des deux candidats, Seb Coe et Serguei Bubka?

Eh bien un consensus ne peut pas fonctionner cette fois ci car ils ont tous deux déjà déclaré leur désir d’accéder au poste … Je ne sais pas. Mais, ils sont tous deux mes choix. En 2006, j’ai rencontré ceux de ma génération qui siégeaient au Conseil, je leur ai dit que je partirais en 2015 et que je pensais que nous avions besoin d’une nouvelle génération de dirigeants, parce que la plupart étaient mes compagnons d’âge. Je leur ai dit que Seb Coe et Serguei Bubka étaient tous les deux de grands champions, avaient été dans le Conseil assez longtemps et étaient bien impliqués dans l’Association comme Vice-présidents. Donc pour l’instant, ils sont tous les deux mes choix et je suis attentivement leurs campagnes. Si plus tard, je dois décider d’en soutenir un, j’annoncerai le choix que j’ai porté sur celui que je pense être le meilleur des deux et je dirai pourquoi.

Question: Il y a beaucoup d’intérêt sur la vice-présidence de l’IAAF, avec beaucoup de prétendants …
Ils sont assez nombreux. Je pense qu’il serait bon d’avoir un représentant pour chaque continent. L’Afrique ne peut avoir deux représentants. Kalkaba et Kiplagat (Isaiah) doivent s’entendre. Je vais essayer de leur parler, mais ils doivent s’asseoir et trouver un accord. Kalkaba est déjà un représentant du Conseil de l’IAAF alors peut-être qu’il peut se dire: «Je vais appuyer Kiplagat pour la vice-présidence». S’ils veulent être deux à se présenter, un seul d’entre eux sera élu parce que les autres continents et même l’Afrique ne votera pas pour deux Africains. Si Kalkaba décide d’aller de l’avant et qu’il réussisse dans l’intérêt de l’Afrique, il est préférable qu’il trouve un successeur. Mais de toute façon, cela est un problème que l’Afrique doit résoudre. Je n’interviendrai que si je suis sollicité.

Question: En tant que Président sortant, quelles sont vos plus grandes réalisations ?
Je pense que je serais fier de la situation financière de la Fédération parce que dans chaque situation, nous ne pouvons pas atteindre tous nos objectifs. Durant mon mandat, l’IAAF et son partenaire marketing Dentsu ont réalisé plus d’un milliard de dollars de recettes de télévision et sponsors. En 2015, les réserves financières seront entre 65 et 67 millions de dollars. Je pense que c’est une grande réussite et j’ai eu beaucoup de succès pendant tout ce temps. J’ai essayé d’universaliser l’athlétisme et maintenant l’athlétisme est partout.
Je souhaitais amener les Championnats du monde en Afrique. Même si ça n’a jamais été une priorité, nous sommes parvenus à augmenter le soutien financier que les continents et les fédérations reçoivent.
L’IAAF avait l’habitude d’avoir six meetings européens avec quelques athlètes qui participaient chaque année. Maintenant, nous avons une ligue de 14 meetings répartis sur trois continents.
Les athlètes vivent mieux maintenant et parviennent à gagner de l’argent grâce à l’athlétisme.
Nous avons également un programme anti-dopage très solide. L’IAAF a, pendant des décennies, sanctionné des athlètes pour un maximum de quatre ans pour violations des règles antidopage. En 1993, l’IAAF a suspendu John Ngugi pour avoir refusé de subir un test anti-dopage. C’était il ya 22 ans! Nous avions notre propre panel d’arbitrage en place. Maintenant, nous avons même été plus loin et avons créé un programme de passeport biologique qui suit le profil sanguin d’un athlète sur des années afin de traquer des signes de dopage. Cela va prendre des années et c’est également une entreprise coûteuse. Nous mettons en place les moyens nécessaires pour établir suffisamment de preuves qui interdiraient à un athlète qui triche la pratique de notre sport.

Je pense que la Fédération Internationale d’Athlétisme a été parmi les premiers à se soucier d’avoir un sport propre, peu de temps l’introduction de l’argent dans le sport. Nous avons été la première fédération à mettre en place un programme anti-dopage et médical complet et bien financé, avec des règles très claires, des manuels sur le dopage et des contrôles à la fois en compétition et hors compétition. En 2014, nous avions 3600 cas de tests anti-dopage avec 120 cas positifs, mais personne ne parle jamais des 2900 cas négatifs. C’est un combat dans lequel le Comité Olympique, l’AMA et les gouvernements ont tous un rôle à jouer. Nous devons poursuivre la lutte contre la tricherie et c’est une bonne chose qu’il y ait maintenant des organismes nationaux de lutte contre le dopage dans les grandes nations d’athlétisme. Ce qu’il faut c’est aider le Kenya et l’Ethiopie à mettre en place des centres comme l’ont fait la Jamaïque et les Etats-Unis. Je pense qu’il est tout à fait absurde de dire que 99% des athlètes russes sont dopés. Nous avons eu les championnats du monde en 2013 et les Jeux olympiques d’hiver là-bas l’an dernier à Sotchi, et durant ces deux événements, les athlètes russes ont été exceptionnels, et vous voulez dire que toutes ces performances ont été du leurre? Lors des récents championnats d’Europe à Prague et des Championnats d’Europe par équipes à Cheboksary, la Russie a dominé l’ensemble de l’Europe.

Question: Avez-vous des regrets, ou des souhaits que vous auriez voulu réaliser ?
Oui, en Afrique, je n’ai pas pu faire de l’athlétisme le sport numéro un. Regardez l’athlétisme dans mon pays et à quel niveau nous sommes maintenant … très loin de ce que nous avions l’habitude d’avoir comme niveau. Nous étions de bons sauteurs aussi bien en hauteur qu’en longueur, produisions de grands sprinters, et organisions de grands championnats. Mais la raison de la baisse est tout simplement due au fait que l’athlétisme a disparu des écoles à Dakar, contrairement par exemple aux îles des Caraïbes qui ont un programme sérieux d’athlétisme à l’école.

Source : Presse

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