Voilà plusieurs semaines qu’on l’alertait, qu’on le tourmentait, qu’on l’enguirlandait même ! Difficile pour Alain Juppé de dormir tranquille depuis que Nicolas Sarkozy a remis sur la table sa marotte 2015 : élaborer pour le parti un « socle commun » idéologique. À peine l’annonce était-elle formulée par ce rival toujours soupçonnable d’un coup pendable que les mises en garde ruisselaient déjà sur la longiligne et imperturbable silhouette de l’édile bordelais. Lors de leur dernière entrevue, le chiraquien Pierre Mazeaud, ancien président du Conseil constitutionnel à qui on ne la fait plus, avait par exemple osé recommander méfiance et vigilance à « Alain », sentant que se cachait dans la proclamation sarkozyste une manœuvre destinée à déstabiliser ce dernier. D’autres, ensuite, l’ont imité, poussant in fine le sage Juppé à se manifester ce mardi en bureau politique.
Un candidat hors famille ?
« Un socle commun pour le parti, oui, mais hors de question que cela engage les candidats à la primaire », a, en substance, énoncé le frondeur au début de la réunion qui se tenait ce 22 septembre, à 18 heures, au siège des Républicains. La réplique du chef de la droite a aussitôt carillonné dans la grande salle de réunion de la rue de Vaugirard : « Ce projet d’alternance sera celui des Républicains, de notre famille politique. »
Rassurant ? Pour Juppé, qui s’est empressé de rétorquer : « Les réponses étaient induites, mais j’aime bien qu’elles soient formulées », cela semble ne faire aucun doute. Pourtant… Que sous-entend, que dit presque, le stratège Sarkozy quand, elliptique, il lance à la cantonade que « ce projet d’alternance sera celui des Républicains, de notre famille politique » ? Si l’on tire le fil de sa pensée, une autre conclusion saute aux yeux : tout candidat portant un autre projet que celui validé par le vote des adhérents ne serait pas le candidat des Républicains. Un candidat hors de la famille, un candidat hors cadre en somme. Certainement pas le candidat de la droite.
Un pari risqué
Depuis le début de la compétition, l’ex-président raille la modération et les amitiés centristes du maire de Bordeaux. En l’observant sans broncher prendre ses distances avec le socle commun du mouvement, en lui permettant de s’émanciper en tant que candidat des idées que les militants souhaitent voir portées par leur leader, il emmagasine des billes pour, le jour venu, pointer du doigt cet adversaire coupable de décalage avec la droite. Juppé entrevoit-il la manœuvre ? Sans doute. L’affole-t-elle ? Pas le moins du monde. Sûr que le scrutin de novembre 2016 sera un véritable succès quantitatif, persuadé d’assister à la venue en masse d’électeurs de la droite modérée, du centre et même de la gauche, il estime inutile de veiller à ne pas être mis au ban de sa famille politique par le chef Sarkozy. Risqué.
Source : Yahoo