Rénovation énergétique : comment convaincre les copropriétaires de se lancer ?

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Face aux difficultés de mise en mouvement des copropriétés privées dans le cadre de rénovation énergétique des immeubles, quels sont les leviers à actionner ? Quelle est la corde sensible à faire vibrer ? Des questions auxquelles tentent de répondre des chercheurs en sociologie et en économie qui ont mené deux études sur la question, avec le concours de l’Agence Parisienne du Climat.


Rénovation énergétique
Du Guesclin © Grégoire Noble

Claude Arnaud, le président de l’institut de R&D Efficacity, s’interroge : « Comment faire bouger les copropriétés ? Il existe des verrous psychologiques, juridiques, contractuels, qui sont longs à lever ». Les travaux de rénovation énergétique sont en effet difficiles à mettre en place dans des immeubles où les situations personnelles sont multiples et très différentes, entre des retraités en recherche de maintien à domicile, des familles accédant pour la première fois à la propriété ou des propriétaires bailleurs plus distants. Afin d’étudier les comportements de ces assemblées hétéroclites face à des projets de travaux, l’Agence Parisienne du Climat, un acteur opérationnel de la transition énergétique, a participé à deux études différentes, adoptant des approches sociologique et économique.

Un projet de rénovation c’est comme une élection

La première, le projet « Vilote » a été financé en partie par l’Ademe, et s’intéresse à la vision à long terme de la gestion/utilisation du bâtiment vers un bâtiment responsable. L’étude s’est penchée sur les motivations, les freins et les leviers à actionner pour lancer des chantiers de rénovation énergétique dans différents segments de l’habitat : la maison individuelle, le logement social et la copropriété privée. Le but est de rechercher des solutions transverses ou spécifiques à chaque segment et chaque territoire (Paris et région caennaise). Il ressort que les motivations sont plus fortes pour l’habitat individuel (« amélioration du confort des occupants ») et pour le logement social (« maîtrise des charges ») que pour les copropriétés où ces motivations sont plus fragiles face aux innombrables difficultés qui se présentent. Emilie Blosseville, du cabinet d’études Senzo, résume : « Outre la dépense, l’intérêt des travaux n’est pas forcément évident. Il y a une hétérogénéité des attentes et des comportements entre les différents foyers et il y a une crainte de nuisances. Enfin, la démarche est chronophage : elle est lourde, longue – au minimum 3 ans – et il faut des gens très motivés pour parvenir à la mener à bien ».

Mais comment y parvenir ? « Il existe des combinaisons de facteurs très favorables, dont un conseil syndical qui doit servir de moteur, un accompagnement par des experts des Espaces Info Energie, une mobilisation sans faille à toutes les étapes et un véritable plan de communication ». La spécialiste des études qualitatives fait une analogie entre la rénovation énergétique et une campagne électorale au sein de l’immeuble : « Il y a les adeptes et les opposants. Il faut convaincre, argumenter, avant le vote final ». Pour emporter la décision, plusieurs axes négligés semblent pourtant prometteurs : selon les résultats de l’étude Vilote, une opération de rénovation de la copropriété est une façon de fédérer les habitants, de créer un projet commun, une dynamique, voire d’interagir avec l’îlot ou le quartier. Emilie Blosseville soutient même l’idée de créer un « congé rénovation » pour motiver les actifs, sans pour autant définir comment il serait financé. Elle recommande également de valider la performance atteinte en fin de chantier.

Mieux valoriser tous les bénéfices d’une rénovation

Une autre étude, co-présentée par Efficacity et l’APC, s’est penchée sur des aspects plus économiques et statistiques. L’analyse s’est basée sur 630 audits énergétiques, menés entre 2008 et 2013, à Paris et en petite couronne, avec préconisations de travaux. Les auteurs estiment qu’il y a une « imperfection de l’information sur les gains énergétiques potentiels » et que les « incitations sont divergentes entre le propriétaire et le locataire » : « D’un côté, le locataire n’a pas d’incitation à réaliser des investissements en efficacité énergétique dans le logement puisqu’il n’a pas de garantie d’occuper ce dernier suffisamment longtemps pour pouvoir bénéficier de son investissement. Le propriétaire, de son côté, peut être enclin à ne pas investir car il ne profitera pas des économies d’énergie, la facture énergétique étant payée par le locataire ». Autre écueil, des coûts cachés, dans la phase de recherche d’informations en amont notamment, ou lors du chantier en termes de perte de confort, voire sur la fiabilité incertaine des équipements. Selon les spécialistes, les travaux les plus préconisés seraient le changement des fenêtres (85 % des cas), l’isolation des façades et pignons (70 %) et le changement des systèmes de chauffage générateur et/ou émetteurs (47 %). L’étude révèle le coût moyen d’une opération de rénovation pour atteindre la performance BBC : 16.300 € par logement, soit 256 €/m². « Mais le coût des travaux dépend fortement de la situation initiale de l’immeuble », tempère le document, qui note que le passage d’une étiquette énergétique « C » à « B » ne coûte que 117 €/m² mais que le bond depuis la classe « G » nécessite 411 €/m²… Les temps de retour sur investissement sont donc potentiellement longs, 28 ans en moyenne, une infime partie des projets présentant des temps inférieurs à 10 ans (6 % des cas).

Pour réduire ce temps, les spécialistes proposent plusieurs pistes. Tout d’abord, ne pas oublier de prendre en compte le surcoût énergétique, d’une part, et d’intégrer les aides financières de l’autre (-30 %). Ensuite, valoriser les « co-bénéfices » liés à la rénovation d’une copropriété : outre une valeur verte de patrimoine, estimée à +5 %, ils évoquent les impacts sur la santé grâce à une ventilation mieux maîtrisée, à la sécurité grâce à de nouveaux équipements, ou le maintien d’emplois locaux. « Il faudrait remplacer ce temps de retour par un indicateur de rentabilité socio-économique », annoncent-ils. Les experts de l’APC et d’Efficacity soumettent également l’idée de raisonner à l’échelle de l’îlot urbain en créant des « Zones de rénovation concertée », afin de réaliser des économies en rationalisant les chantiers et les commandes, voire de créer des dynamiques entre les immeubles mitoyens. Pour rappel, la seule Ville de Paris comporte 47.000 copropriétés qu’il faudra rénover avant 2050… Un immense chantier en perspective.

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