C’est l’histoire d’un chef d’État qui décide de démissionner, après douze ans de pouvoir. Le 16 octobre dernier, le président James Michel, qui avait pourtant été réélu démocratiquement l’année dernière, a cédé le pouvoir à son vice-président, Danny Faure, sous les acclamations de la foule. La scène s’est passée à Victoria, la capitale des Seychelles, au cœur de l’océan Indien. Pourquoi a-t-il renoncé au pouvoir ? Que pense-t-il des chefs d’État qui s’accrochent à leur fauteuil ? En duplex des Seychelles, le président démissionnaire répond aux questions de Christophe Boisbouvier.
RFI : James Michel, un an après votre réélection vous avez perdu les législatives et aujourd’hui vous démissionnez. Est-ce que tout cela est lié ?
James Michel : Non, il n’y a aucune liaison. Personnellement, je ne me suis jamais attaché à m’accrocher au pouvoir. J’ai fait douze ans à la présidence et l’année dernière, nous avons passé un amendement à la Constitution pour limiter la présidence à deux termes [mandats ; NDLR]. Alors j’ai fait douze ans [au pouvoir ; NDLR] et il est temps que je passe la relève à quelqu’un d’autre qui est plus jeune que moi.
Mais franchement, James Michel, si vous n’aviez pas perdu ces élections législatives, vous auriez démissionné quand même ?
Définitivement, c’était dans mon plan de le faire.
Après douze ans à la présidence, est-ce qu’il y a une usure du pouvoir ?
Il y a toujours une usure du pouvoir. Mais naturellement, il faut que le parti qui est au pouvoir continue à travailler et à avoir le soutien du peuple, c’est ça l’essentiel.
C’est peut-être pour cette raison alors que vous démissionnez, non ?
Non, non… Ce n’est pas pour ça du tout. J’ai fait douze ans et il est temps que je me retire et que je laisse la barre.
Ce 16 octobre, vous avez laissé la barre à votre ancien vice-président Danny Faure qui est aujourd’hui le nouveau président de la République. Est-ce pour redonner du tonus à votre parti « Le peuple » avant la prochaine élection présidentielle de 2020 ?
Personnellement, je dois me concentrer à travailler avec le parti pour redonner un nouveau dynamisme au parti, pour qu’à la prochaine élection, on puisse remporter une grande victoire encore.
En vous retirant de la présidence, vous donnez à votre successeur Danny Faure la chance, peut-être, de gagner la prochaine élection présidentielle ?
Exactement. Il a quatre ans pour travailler pour s’assurer qu’il pourra se présenter aux élections, et naturellement, de sortir victorieux.
Après sa victoire aux élections législatives du mois dernier, l’opposition réclame une nouvelle présidentielle dès maintenant. Est-ce qu’il n’est pas préférable que Danny Faure remette en jeu son mandat de président ?
L’opposition réclame toutes sortes de choses. Mais en accord avec la Constitution, après la démission d’un président en exercice, le vice-président prend automatiquement la relève.
Mais comme l’opposition est majoritaire au Parlement, est-ce qu’elle ne peut pas bloquer ?
L’opposition va essayer naturellement de bloquer. Mais là, Danny Faure aura à travailler avec l’opposition pour avoir un consensus.
James Michel, vous avez succédé à France-Albert René, l’homme du putsch de 1977, l’homme du parti unique et du marxisme dans l’archipel. Est-ce qu’aujourd’hui vous pensez qu’une page se tourne ?
Une page a déjà été tournée avec la réintroduction du multipartisme en 1992. Pendant toutes ces années, nous avons travaillé à développer une démocratie très fonctionnelle.