La Galerie nationale d’art (19, Avenue Hassan II ex Albert Sarraut) abrite, jusqu’au 2 mars, une exposition-hommage à l’artiste-plasticien Alpha Sow décédé le 16 avril 2016. Le défunt est présenté comme un maître-céramiste pétri de talent et d’humanisme.
« Alpha Sow ne s’est pas éteint. Il s’est retiré ». Le propos est sincère, chargé d’émotion. C’est en ces termes que l’artiste-plasticien Séa Diallo a témoigné sur son défunt ami, confrère céramiste décédé en avril 2016. Jusqu’au 2 mars, la Galerie nationale d’art accueille une exposition-hommage à un maître-céramiste pétri de talent et d’humanisme. S. Diallo n’a pas tari d’éloges pour saluer celui avec qui il a partagé, plus de vingt ans, des moments de joie, de douleur au Village des Arts de Dakar et ailleurs. « Alpha Sow était un homme digne et généreux. Il a formé beaucoup d’artistes. Il n’avait pas de préjugés sur ceux qui le sollicitaient ». A ce moment précis de la cérémonie de vernissage de l’exposition, l’assistance, composée essentiellement de confrères, parents et amis, est absorbée par une ambiance émue.
S’exprimant au nom du ministre de la Culture et de la Communication, le directeur des Arts a rendu un hommage appuyé à A. Sow qu’il a connu alors que tous les deux enseignaient à l’Ecole nationale des arts. « Alpha Sow était un pédagogue émérite. Il était le gardien de cette vieille tradition tout en s’inscrivant dans une céramique créative et renouvelée », a témoigné Abdoulaye Koundoul saluant une icône discrete et disponible. Auparavant, l’artiste-plasticien Kalidou Kassé avait pris la parole au nom de la famille du disparu avec qui il a grandi à Thiès. « Alpha Sow a décloisonné les choses au travers de sa pratique artistique. Il a opéré une rupture sur le plan esthétique en apportant un plus dans la céramique ».
Pour le commissaire de l’exposition, Idrissa Diallo, Alpha Sow était un « orfèvre de l’argile ». Avec ses modelages faits d’une dextérité et d’une habileté sans faille, « il a su imposer la céramique comme expression artistique au travers de sa touche particulière grâce à une parfaite maîtrise des différentes techniques en céramique, fruit d’un long processus de recherches constantes ».
« Orfèvre de l’argile »
Sur la même ligne, le commissaire ajoute : « Artiste d’une grande générosité, il aimait transmettre sa connaissance aux étudiants et partager son expérience ». Séa Diallo a entonné le même refrain : « De la collecte de l’argile sèche à Thiky (village non loin de Dakar) à sa préparation, le maître y excellait. Du modelage au tournage, au colombinage, à la sculpture avec des patines et des ajouts harmonieux, le maître y excellait également ».
Le parcours de l’exposition donne à voir et apprécier une vingtaine d’œuvres réalisées par Alpha Sow. A l’entrée de la galerie, le « Buste » du défunt accueille les visiteurs avec ce sourire affectueux et bienveillant. Une vidéo de Stéphane Tourné donne le ton. On y voit l’artiste à l’œuvre. L’éternel chapeau sur la tête, la paire de lunette qui pend au nez, il malaxe, tripote, moule ses créations avec une rare minutie. Cette finesse est poussée à l’extrême avec un dernier coup de brosse pour lustrer une jarre, une « Tête de femme africaine » au nez aquilin et aux lèvres généreuses ou pour admirer un buste de « Jeune fille Peulh » avec un collier qui pend au cou au-dessus de deux ceintures de perles tombant lascivement sur les reins. Sublimant toujours la plastique féminine, la sculpture « Passage obligé » met en évidence des courbes, des rondeurs à ravir.
Sur la vidéo, A. Sow, qui a reçu une formation d’artisan avant de se perfectionner à l’art, y explique qu’il est céramiste depuis plus de 50 ans et qu’il a exposé pour la première fois en 1966 lors du Festival mondial des arts nègres. « Tout ce que je vois m’inspire. Je travaille sur des sujets qui me plaisent avant de plaire aux autres », confie l’artiste fasciné depuis l’âge de 5 ans par l’argile qu’il modèle.
« Artiste mais aussi formateur, il agissait déjà dans les années 1960 en tant qu’élève-instructeur au Centre de formation artisanale de Dakar. Les années suivantes, il participe à de nombreuses expositions au Sénégal et à l’étranger », a rappelé le commissaire Idrissa Diallo, soulignant que l’année 1992 marque un tournant décisif dans la vie d’Alpha Sow. « Il participe, entre autres, au cinquième Salon des artistes plasticiens de Dakar et à la Biennale, Dak’Art. En 1994, il participe au Symposium international de Toubab Dialaw, au Sénégal, et il initie 21 femmes aux techniques de céramique moderne ».
Après plusieurs années de pratique individuelle, Sow s’associe à la céramiste Jegou Claire. En 1998, ils fondent l’atelier de céramique Clairalpha Céramique Japoo, avec le soutien de l’Association française d’action artistique (Afaa) et le Programme de soutien aux initiatives culturelles (Psic) de l’Union européenne.
Dans son parcours professionnel, Alpha Sow a également participé à un stage à la Staaliche Fachschule Für Keramik, en Allemagne, et à un stage de sculpture monumentale en béton à la Maison de la culture de Dakar, avec l’artiste québécois Roger Langevin.
L’exposition-hommage à Alpha Sow est à voir jusqu’au 2 mars à la Galerie nationale d’art.
E. Massiga FAYE