Une étude néerlandaise réalisée sur des compteurs électriques communicants révèle que dans près de 8 cas sur 10, les consommations relevées sont fausses. Si elles sont parfois trop basses, elles sont souvent bien trop hautes. Un problème alors que des compteurs équivalents se déploient dans toute l’Europe, y compris en France…
Le compteur Linky n’est pas mis en cause, car cette étude a été réalisée par des chercheurs néerlandais des universités de Twente et d’Amsterdam sur des appareillages autochtones. Mais les conclusions des essais menés sur des compteurs électriques « intelligents » n’est pas de nature à rassurer les consommateurs désireux de réduire leurs factures. Publiée dans le journal scientifique IEEE Electromagnetic Compatibility Magazine et repérée par La Tribune, elle révèle que ces compteurs sont finalement très mal adaptés aux objets désormais usuels que sont les variateurs et éclairages à diodes.
Le professeur Leferink et ses assistants ont testé neuf compteurs électroniques qui, peu à peu, remplacent les compteurs analogiques à disque en Hollande. Ces machines, produites entre 2004 et 2014, ont été branchées à un tableau électrique lui-même relié à différents appareils consommateurs d’électricité : ampoules à économie d’énergie, radiateurs, éclairages LEDs et variateurs, selon des configurations variables. Selon Cees Keyer, l’un des co-auteurs de l’étude : « D’accord, ce sont des tests de laboratoire, mais nous avons délibérément évité d’utiliser des conditions exceptionnelles. Nous avons, par exemple, utilisé un variateur et 50 ampoules, là où une maison moyenne possède 47 ampoules« . Les résultats obtenus sont pour le moins déroutants : cinq des neufs compteurs ont affiché des consommations bien supérieures à celles effectivement mesurées en laboratoire et deux autres ont, au contraire, sous-estimé ces consommations. Et les proportions sont loin d’être anodines : elles s’étalent de -30 % jusqu’à… +582 %. Soit une surestimation de la consommation d’un facteur six !
Des automates mal conçus dès l’origine
Mais d’où viennent ces erreurs ? Selon les scientifiques, les plus grandes inexactitudes auraient été observées en combinant variateurs et éclairages à économie d’énergie et diodes électroluminescentes. Elles seraient dues à l’architecture même des compteurs électriques qui se trouveraient perturbés par ces dispositifs modernes, dont le profil de consommation est optimisé et n’adopte donc pas un schéma parfaitement régulier, en offrant plutôt une courbe avec pics et creux. « Les concepteurs n’ont pas suffisamment pris en compte les variations induites par les appareils de ce type« , résume le communiqué de l’université de Twente. En démontant les divers compteurs électroniques, les chercheurs ont découvert que les machines qui avaient tendance à surévaluer les consommations reposaient sur le principe de l’enroulement de Rogowski*, tandis que celles qui les sous-évaluaient étaient dotées d’un capteur à effet Hall**. Et malgré les résultats aléatoires observés, les appareils étaient tous conformes : « Les compteurs que nous avons testé répondaient à toutes les exigences légales et étaient certifiés« , note le professeur Leferink qui pointe du doigt un défaut dans la rédaction du cahier des charges.
Le chercheur invite les consommateurs hollandais à faire tester leurs compteurs électriques par une entreprise accréditée. Mais cette intervention restera à la charge des ménages et il n’est pas certain que les méthodes de détection adoptées permettent de relever les écarts réels. La méfiance semble donc être de mise aux Pays-Bas vis-à-vis des automates « intelligents » qui devraient y être généralisés d’ici à 2020. Selon La Tribune, le compteur Linky, déployé en France, repose sur le principe de l’effet Hall, ce qui laisse supposer que les consommations seraient plutôt sous-évaluées que l’inverse. Une bonne nouvelle pour les utilisateurs ?
* Enroulement de Rogowski : dispositif électrotechnique qui permet de mesurer le courant alternatif et ses impulsions grâce à un enroulement hélicoïdal de fil autour du conducteur. Il est relié à un circuit d’intégration à forte impédance d’entrée afin de fournir un signal de sortie proportionnel au courant mesuré.
** Capteur à effet Hall : capteur inductif mesurant les variations de champ magnétique et capable de déterminer l’intensité d’un courant électrique (avec un facteur de proportionnalité connu).