La constitution d’un réservoir stratégique est l’une des leçons apprises de la crise de de l’eau en 2013. Lorsqu’est survenu l’arrêt de l’usine de Keur Momar Sarr à cause d’une conduite défectueuse, une bonne partie de la capitale a été privée d’eau pendant deux semaines. Cette pénurie aurait été impensable s’il y avait une unité de production d’eau à Dakar. La productivité des forages de Dakar ayant montré des limites dues au biseau salé, le Ministère de l’Hydraulique et de l’Assainissement a choisi de préserver la nappe d’une surexploitation pour les générations futures. Le potentiel du Lac de Guiers n’en sera pas pour autant délaissé dans ce contexte de diversification des sources d’eau potable. Il y aura la troisième usine de traitement d’eau de Keur Momar Sarr (KMS3). Eclairage.
Depuis près d’une décennie, l’Alimentation en eau potable de Dakar est caractérisée par une forte demande qui s’explique par l’accroissement démographique, l’érection de nouveaux pôles de développement économique (Diamniadio, Lac Rose, Diass) et des pôles touristiques dans la Petite Côte. La capacité de production actuelle de 421.000 m3/j est très insuffisante face aux besoins en eau estimés à environ à 659.000 m3/j en 2025 et 963.000 m3/j (9,6 millions de litres) à l’horizon 2035 dans la zone du triangle Dakar-Thiès-Mbour/Petite Côte.
Le système d’approvisionnement en eau potable de la région de Dakar est marqué par sa forte dépendance des ressources du Lac de Guiers pour 45% et des eaux souterraines pour 55%. Toutefois, même si le Lac de Guiers, principale source d’eau douce, dispose d’un potentiel de plus 600 millions de m3, il est très éloigné de la région de Dakar (250 kilomètres). Une situation qui engendre des coûts d’investissement, de traitement, de transport et d’exploitation. S’y ajoute le fait que les nappes souterraines aient enregistré une baisse de 25 mètres en moins de 30 ans pour la zone de Pout. Outre l’avancée du biseau salé due à l’exploitation de la nappe, il y a un phénomène de contamination d’origine anthropique qui est la cause de l’abandon des forages de Thiaroye.
C’est pourquoi le Plan Directeur de l’Hydraulique urbaine réalisé entre 2009 et 2011 et mis à jour en 2015 et 2016 a pris l’option du dessalement de la mer pour mieux approvisionner la région de Dakar en eau potable.
Les scénarios préalablement envisagés
Avant d’arriver à cette option, plusieurs scénarios de mobilisation de ressources ont été élaborés : le Lac de Guiers, les ressources souterraines (Thiaroye, Tassette, Dahra, Linguère), la réutilisation des eaux usées, le dessalement d’eau de mer. L’exploitation des ressources souterraines a été écartée en raison de la stratégie de préservation de cette ressource confrontée à l’effet de saturation. La solution de réutilisation des eaux usées par épuration est une option généralement orientée vers les usages agricoles ou industriels. Pour la consommation humaine, il y a une réelle barrière psychologique et culturelle. A titre d’illustration, seuls 2% des eaux usées sont recyclées dans le monde.
Au finish, le ministère de l’Hydraulique et de l’Assainissement et la SONES ont retenu les deux solutions les plus structurantes : la poursuite des transferts d’eau depuis le Lac de Guiers avec la construction (en cours) d’une troisième usine de traitement d’une capacité de 200.000 m3/j (KMS3) et la diversification des ressources avec une première usine de dessalement d’eau de mer à Dakar d’une capacité de 50.000 m3/j extensible à 100.000 m3/j.
Le dessalement, une option stratégique
Le dessalement est une option stratégique pour la sécurisation de l’approvisionnement en eau potable de la capitale (continuité du service même en cas de dysfonctionnement des usines du Lac de Guiers et des forages du Littoral).
Cette technologie présente des avantages. Contrairement au transfert d’eau sur des centaines de kilomètres, la particularité de la future unité de dessalement des Mamelles est d’être très proche des grandes zones de consommation. Elle sera érigée à côté des réservoirs déjà réalisés sur ledit site, d’une capacité de 35.000 m3.
Autre avantage, le dessalement de l’eau de mer a connu, au cours des dix dernières années, un progrès technologique notable en raison de la baisse du coût des équipements et de la réduction importante de la consommation d’énergie. D’ailleurs, pour l’alimentation en électricité, on note également la présence, sur le site, d’une boucle de 90 kV à partir de laquelle l’usine sera raccordée.
Les deux composantes principales du projet
Le projet a deux principales composantes. Il s’agit d’abord de la construction d’une usine de dessalement y compris la prise d’eau, l’émissaire, la station de pompage, le poste de transformation électrique. Mais aussi, le renouvellement de 460 kilomètres des conduites de distribution dans la zone de Dakar.
Héritées de la colonisation, ces conduites sont vétustes et occasionnent des pertes d’eau importantes. Ce renouvellement occasionnera des économies d’eau d’un volume égal à une usine de 40.000 à 50.000 m3/jour (équivalant à la production quotidienne de l’usine de Ngnith, sur le Lac de Guiers). Actuellement, les pertes représentent 27% du volume distribué dans la zone contre une tolérance de 15%.
Pas d’incidence sur le prix de l’eau
Le coût global du projet est évalué à 137 milliards FCFA réparti entre les infrastructures de l’usine de dessalement pour 56 milliards FCFA, le renouvellement des anciennes conduites du réseau de distribution de Dakar pour 56 milliards FCFA, les services de maîtrise d’œuvre complète, les imprévus financiers et physiques. Le financement est assuré par la JICA à des conditions très concessionnelles, notamment un taux d’intérêt inférieur à 0,7% sur une période de 30 ans.
La réalisation de l’usine de dessalement, à l’instar de tous les autres investissements, n’aura aucun impact sur le prix de l’eau. L’eau est déjà fortement subventionnée, notent les services de la SONES. Pour un prix moyen de 515 FCFA, le m3 est vendu à 200 FCFA pour la tranche sociale (une consommation de 0 à 20 m3 le bimestre qui concerne environ 40% des abonnés). Cette subvention représente une TVA de 5 milliards FCFA à laquelle l’Etat renonce.
Mesures sociales
Vu l’importance du projet pour l’amélioration des conditions de vie des populations, l’Etat du Sénégal a signé deux décrets : le décret d’utilité publique n°2015 – 1146 du 03 août 2015 et le décret de cessibilité n°2016-947 du 12 juillet 2016 déclarant cessibles les titres fonciers compris dans l’assiette du projet.
Toutefois, les pertes définitives de terre sont circonscrites au seul site de l’usine de dessalement où trois propriétaires de titres fonciers sont impactés. Les activités économiques et touristiques au niveau de la plage ne sont impactées que pendant les travaux.
Les conduites seront enterrées comme d’habitude dans le domaine public pour faciliter leur exploitation. Une passerelle d’accès sera construite au site du rituel lébou. Une chambre froide de stockage sera installée en faveur du Comité Local de Pêche et un moyen de transport frigorifique sera acheté pour les mareyeuses de poisson de Ouakam. Un récif artificiel sera créé à proximité des zones de pêche des pêcheurs de Ouakam, entre autres commodités.
Les études préparatoires terminées
Les études préparatoires (étude de faisabilité, étude de courantologie et études environnementales) étant terminées, le projet entre dans sa phase de conception détaillée avec le recrutement (en cours) du bureau d’ingénieurs-conseils qui aura la charge des prestations d’avant-projet détaillé, d’élaboration des dossiers d’appel d’offres, d’assistance à la sélection des entreprises, de supervision des travaux et d’assistance aux premières années d’exploitation de l’usine. Les prestations vont démarrer en juin 2017 pour un lancement des appels d’offres en début 2018.
La mise en service est attendue en début 2021 après une période de réalisation de 2 ans à partir de 2019.
source : Seneweb