[unitegallery ArchiEpoque]
A chaque époque, son architecture entend-on souvent dire. A Dakar, ville dans le rythme, la grande Ecole des arts et celle consacrée à l’urbanisme et à l’architecture ont laissé place à de nouveaux collèges et instituts d’enseignement spécialisés dans les beaux arts, le génie civil et les sciences du bâti dans la cité. La capitale change et en son sein, ses normes d’urbanisme et d’architecture qui vont avec son évolution. Pour preuve, tous ces terrains vendus dans le centre ville ont vu sortir de terre, de véritables œuvres architecturales depuis quelques années. Pour le plaisir des yeux ; mais surtout pour exposer le talent des inventeurs et designers que sont devenus, depuis bien des années, les architectes, autres artistes décorateurs et plasticiens qui pensent la vie dans la cité tous les jours.
«Changeons de monde et d’architecture», tel un nouveau slogan dont les Sénégalais qui en ont les moyens se sont appropriés en ne se fixant aucune limite des fois dans leur «nouvelle folie», le monde du bâti semble en pleine mutations. Sur le boulevard de la République, une rue où se mélangent toutes les formes architecturales héritées de la colonisation, comme celles encore plus fraiches issues de l’art nouveau, on voit que la capitale, du fait du génie des jeunes comme des vieux architectes, change fondamentalement de cap, et d’avenir dans le domaine du bâti.
Restauration, réhabilitation, rénovation… Les mots sont les mêmes, mais on leur colle des fonctions nouvelles du genre, «Projet de réhabilitation et de mise aux normes de l’immeuble Peytavin»… Plus loin, sur la Place de l’Indépendance, l’immense immeuble de l’Hôtel Indépendance, change aussi de forme et de façades. Cette fois, c’est l’Ipres qui s’y colle sous la forme d’un «Projet de construction et de rénovation à usage de bureaux et d’habitations pour l’Institution de Prévoyance Retraite du Sénégal» (Ipres).
Devant la façade en pleins travaux, le mot d’ordre est donc à la rénovation et partout, sous les coups des marteaux, sortent de grands trous d’air laissés désormais au vitrage et le verre. C’est gigantesque, c’est impressionnant pour celui qui tombe pour la première sur un tel ouvrage en plein centre de Dakar. Le monde change et La Place de l’Indépendance aussi s’affine et veut changer de cap dans l’esprit des Dakarois et des visiteurs. On veut aller plus «haut» dans la conception de projet; encore plus haut dans leur mise en perspectives.
Finalement, c’est le monde de l’architecture et des beaux arts sénégalais qui bouge, innove, se réinvente. Mais pour aller vers quoi, se demandent certains, architectes et urbanistes eux-mêmes ? Mais un peu plus prudents. De l’art déco avec comme tableaux principaux, les façades. L’idée est aussi celle de l’urbain qui pense la ville depuis la porte de la maison. Près d’un siècle, après que les premiers immeubles sortent de terre dans la vieille ville de Dakar, l’architecture contemporaine sénégalaise fait comme si elle interrogeait à nouveau la façade et, avec elle, le regard du citoyen; mais surtout une nouvelle perception dans la manière de concevoir l’habitat et l’immobilier dans la ville.
On cherche à impressionner, depuis le building administratif, ancien joyau de la capitale de l’Afrique occidentale française (Aof) parce que siège du gouvernement fédéral, actuellement en pleine phase de réhabilitation également, jusque dans les plus petites réalisations comme le nouveau bâtiment de la Cour des comptes sur le boulevard de la République, c’est un tout monde qui change. La Cité dite de l’émergence est un de ces nouveaux bijoux que le pouvoir actuel veut montrer et exposer pour ce qui est de ses capacités à rénover pour le premier immeuble, et à innover pour la cité qui veut coller si bien aux grands projets du président Macky Sall et ses futurs successeurs à l’horizon 2035. Vous avez bien dit «Emergence».
A vue d’œil, le Building administratif impressionne aussi. Avec ses nouvelles ouvertures sur la mer avec vue imprenable, il va inaugurer un nouveau vitrage tout en couleur de verre face au grand bleu. Il devrait accroître la pénétration des lumières et mettre encore plus de fraîcheur, pour les concepteurs. Le vitrage ou le verre, nouvelle trouvaille d’architectes bien décidés à montrer leur savoir faire et changer le monde, n’a pas que des inconvénients sous un climat plus chaud que dans les pays tempérés où il semble être dans son monde.
Plus de lumière naturelle, plus de fraîcheur, c’est bien pour un coup de frein à la consommation inutile d’énergies pour éclairer les salles, les bureaux en les aérant au mieux sans excès de consommation électriques. Les 17 milliards de F Cfa mobilisés par l’Etat pour réussir ce nouvel effort de restauration à la suite d’autres qui ont été tentés, en vain, constituent, estime-t-on du côté des autorités, «un investissement très rentable et également justifié, sans compter le confort, la sécurité et tous les avantages que présentent les travaux de restauration.»
L’idée, selon les autorités, qui est derrière la réhabilitation de cet immeuble est de préserver son identité de 1954, avec des conditions de sécurité, de fonctionnalités et de respect du système environnemental sans faille. Des images existent à cet effet pour démontrer que les relevés du sous-structures du bâtiment, sol, fondement ont été faits selon des technologies modernes, satellites, laser. Ces relevés ont été faits de la même manière pour préserver l’immeuble et l’adapter aux conditions actuelles. Le concept retenu est d’en faire un immeuble vert, c’est-à-dire écologique, avec une centrale solaire d’une capacité variant entre 1 et 5 méga installé sur la terrasse de 2.700 m2. Cette centrale devrait prendre en charge l’alimentation en courant dans une proportion de 80% des besoins énergétiques de l’immeuble. Un peu moins de 20% des besoins seront fournis par la Senelec. Pour les autorités, «c’est un immeuble intelligent qui sera livré à l’Etat.»
Entrons un peu dans l’histoire de ces immeubles d’alors dont l’un des plus beaux, qui date des programmes du Fonds d’investissement pour le développement économique et social de l’Afrique (Fides) qui ont démarré en 1946, est aujourd’hui en pleines ruines, sans aucun plan de réhabilitation. Il s’agit de l’ancien Palais de justice. Etabli sur une zone mobile composée de tufs volcaniques, comme pour la Tour de Pise, un moment inclinée avec le mouvement constant de cette roche spongieuse, l’immeuble du bord de mer, non loin du Cap Manuel, est aujourd’hui menacé de destruction parce que laissé en rade. L’urgence et la prudence serait pour l’Etat de sauver ce qui pouvait l’être par une restauration plus audacieuse et plus adaptée aux moyens de l’Etat. Le privé pourrait aussi y intervenir et lui faire changer d’option face à la mer avec le tourisme…
LE CICES, LA TOUR DE LA BCEAO… : Senghor, en inspirateur de l’art deco ?
La nouvelle tendance pour aller vers les chefs d’œuvres les plus improbables ne s’est pas faite au hasard. Elle est aussi dans la volonté des autorités au sortir des premières années d’indépendance, de changer la donne en matière d’architecture et d’urbanisme au niveau de la capitale surtout. C’est le résultat, selon certains architectes, de nombreuses rencontres, mais également la multiplication voire la diversification des horizons de formation. Et, dans ce jeu des nouvelles formes plus adaptées au plan culturel et social avec des matériaux plus faciles d’accès, le Centre international du commerce extérieur du Sénégal (Cices) et la Tour de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Bceao) ont été des monuments et des symboles des tendances de l’art du bâti dans le pays. Le début des années 1970 est une période faste pour l’émergence d’un nouvel art déco à la sénégalaise. Et Senghor l’inscrit dans un concept bien savant, comme d’habitude chez-lui; vous avez dit «Parallélisme asymétrique.»
Sur ce sujet, Mohamed Naby Sylla, architecte et Directeur du Collège d’architecture de Dakar, en connaît un petit bout de cette période charnière entre la fin de la colonisation et les indépendances. Un moment où le pouvoir colonial cherche, au sortir de la seconde guerre mondiale, à se donner une belle image dans les colonies en pleine effervescence. Tout partira d’ailleurs de là. «L’architecture sénégalaise, informe ainsi Mohamed Naby Sylla, a été caractérisée, si on se réfère aux différentes périodes de notre histoire contemporaine, par plusieurs choix d’ordre idéologique, culturel, technique et économique.»
Pour la période précoloniale, on peut distinguer: «-l’architecture domestique connue par la diversité des constructions répondant aux besoins spécifiques des différentes communautés ethniques du pays. Cette architecture nous offre des références culturelles et techniques immenses tant les différences en termes de matériaux, de formes, de techniques, d’éléments symboliques, mystiques ou mythiques sont sources de références. Les matériaux utilisés sont donc selon la disponibilité dans l’espace de vie (bois, pierre ou terre) ;-les architectures des grands empires qui ont presque toutes disparues ou démolies durant les invasions coloniales. Ces architectures faites de pierres et de terres avec des contre forts et murs de protection tels que le fort d’Ahmadou Cheikhou.»
«Avec les indépendances, explique encore Mohamed Naby Sylla, le président Léopold Sédar Senghor commence à développer les revendications identitaires avec la négritude et la référence à nos valeurs culturelles. Cette révolution culturelle s’est accompagnée d’une pensée sur aussi la direction ou l’orientation que devrait prendre l’architecture sénégalaise voire africaine. Et, débute donc la théorie du «parallélisme asymétrique» de l’architecture africaine et dont le Cices, qui est dans un état de dégradation très avancé, en est le symbole. Les architectes avec qui il travaillait l’ont suivi dans cette recherche identitaire.»
En analysant cette architecture, on se rend compte qu’elle est indéniablement africaine, contemporaine et très orientée sur l’efficacité énergétique avec ses cours, ses pans coupés, les orientations possibles de façades… D’autres références ont existé telles que celles à l’architecture soudano sahéliennes des centres urbains de Tombouctou, Djenné ou Mopti. Cette tendance s’est beaucoup développée avec les enseignements de l’Ecole d’Architecture et d’Urbanisme de Dakar et l’Ecole africaine des métiers d’architecture et d’urbanisme (Eamau) basée à Lomé, au Togo. Cependant, à la mort de Léopold Sédar Senghor, la philosophie n’a pas été développée par les architectes sénégalais de nouvelle génération.
Naby Sylla d’ajouter qu’«en effet, avec la fermeture de l’ l’Ecole d’Architecture et d’Urbanisme de Dakar, les architectes sénégalais sont formés à travers tous les continents, de l’Europe aux Etats Unis ou Canada en passant par l’Amérique Latine. Maintenant, les nouvelles tendances sont le Maghreb, voire l’Asie. C’est pourquoi, on assiste à une diversité de références, de formes en matière de production architecturale contemporaine, et avec de plus en plus, les clients sénégalais qui voyagent et découvrent d’autres contrées, les matériaux nouveaux sont toujours sur le marché, permettant des performances volumétriques et de textures très intéressantes.»
LA FAÇADE, CE PETIT DETAIL QUI CHANGE TOUT
Il existe de nombreux travaux sur les façades dans les écoles et instituts d’architecture. L’art du bâti en a fait les frais dans le bon comme dans le mauvais sens. Mais, le débat se poursuit pendant que l’option sénégalaise pour Dakar ne fait que confirmer la nouvelle tendance.
Depuis le début des années 1990, aussi bien en France qu’à l’étranger, les façades constituent à nouveau, pour les architectes, un lieu privilégié de recherche et d’expérimentation qui va de pair avec un retour massif du décoratif et de l’ornement. Ce faisant, leurs architectes semblent marquer une rupture avec leurs aînés du Mouvement moderne qui avaient, eux-mêmes, instauré une rupture radicale avec la tradition décorative des surfaces, entraînant une révolution de l’esthétique architecturale et de la sensibilité qui diffuse encore aujourd’hui ses effets.
Les principaux instigateurs de cette révolution furent Adolf Loos (1), avec son célèbre pamphlet «Ornement et crime» qui est publié en 1908 et Le Corbusier (2), avec «L’art décoratif d’aujourd’hui» paru en 1925. L’architecture, selon eux, devait se consacrer à des tâches plus nobles et plus utiles, à des sujets plus profonds ou plus élevés et œuvrer pour le Bien et le progrès de l’humanité. Avec l’invention du béton armé et du système poteau-poutre au début du 20e (XXe) siècle, la façade (3) s’est affranchie du rôle qui consistait à tenir le bâtiment debout.
Depuis l’extérieur, ce que proposait Loos aux regards des passants, c’était une enveloppe austère et froide qui dissimulait la vie privée. «Rien ou presque ne devait, selon lui, filtrer derrière ce masque d’anonymité, de moralité et de respectabilité.» Le Corbusier, de son côté, s’est concentré sur les percements et les possibilités de vue. «L’architecture, expliquait le grand Maître, au-delà de la simple construction et des «choses utilitaires», avait à voir avec la science ; «il s’agissait, selon lui, de (dé-couvrir pour connaître et progresser) ou avec la philosophie (passage graduel du sensible à l’intelligible, du tactile au visuel et de la matérialité à l’immatérialité).»
Tout change à partir de ce moment pour les architectes de l’époque et aussi pour les Grandes écoles. Avec l’invention du béton armé et du système poteau-poutre au début du XXe siècle, la façade s’est affranchie du rôle qui consistait à tenir le bâtiment debout. Tout à coup, ses fonctions (structure porteuse, isolation, étanchéité, vue, finition, ornement), qui auparavant étaient pincées et fusionnées dans une même épaisseur, un même plan vertical et une même peau, ont pu être séparées et désolidarisées.
Ainsi, les architectes ont bénéficié d’une liberté sans précédent à l’égard des contraintes physiques des matériaux et la possibilité d’un langage complètement nouveau. La façade est devenue «libre» (selon l’expression de Le Corbusier) et plastique; elle a pu s’adapter à tous les principes et à toutes les intentions sans menacer la stabilité de l’édifice.
L’essentiel était ailleurs, pour le grand architecte qui proposait aux regards extérieurs, des façades planes, lisses et largement ouvertes pour se conformer aux principes de mise en lumière, de transparence et de vérité. Côté intérieur, il proposait avant tout un cadre pour les vues en envisageant la maison ou l’appartement comme de véritables dispositifs de prise de vues. Habiter, selon lui, revenait à «habiter» un appareil photo, avec les fenêtres qui remplacent l’objectif. Ensuite seulement, venait s’organiser l’espace en-deçà de ces vues. Plus que la construction d’un espace domestique, c’était la domestication des vues qui, selon lui, importait: habiter, c’était voir dorénavant pouvait-on dire.
Ce débat du début du 20e siècle va se prolonger ainsi sur la suite jusqu’en ce début de 21e, comme pour donner raison à ce génie. Pour les architectes contemporains, le problème de l’architecture n’est donc plus d’interroger la nécessité ou la pertinence du vêtement – leurs prédécesseurs ont épuisé cette question en démontrant sa persistance – mais sur l’infinité des moyens de sa mise en œuvre. En France, c’est sans doute Jean Nouvel qui, le premier, a entrepris ce travail.
Avec la Fondation Cartier (Paris, 1994), il a proposé, en prolongeant et en développant les idées du feuilleté et l’interface, un travail du revêtement qui a fait événement tant l’espacement qui est instauré avec le corps du bâtiment et le jeu sur les apparences, sont importants. Il l’avait déjà esquissé en 1987 avec l’Institut du Monde Arabe et sa façade de moucharabiehs; mais tout s’y jouait encore, selon lui, «sur une micro-stratification que toutes les fonctions innervent comme une peau, au sens biologique du terme.»
Face à cet édifice, la critique architecturale n’a pu faire usage des théories ou des outils d’analyse traditionnels. Elle le réduit souvent à une magnifique ode à la transparence, à la légèreté, à la disparition, ou bien, il n’aurait plus rien à donner dès lors qu’on en aurait saisi l’idée ou l’effet. Mais, si l’on convoque le vêtement, la réflexion peut être prolongée. Comme elle l’est d’ailleurs présentement dans tous les pays en mutation dans le domaine de l’architecture et de l’urbanisme dit innovant.
UNE VILLE QUI CHANGE DE CAP : Et le verre devient le matériau de référence
Dans les métiers de construction, d’architecture et d’urbanisme, le béton reste sans doute le matériau de base le plus utilisé dans le monde. Mais de plus en plus, d’autres accessoires plus fins comme le bois, le verre, la pierre ornementale, et même le papier peint et les tissus sont entrés dans le bâti.
Ici, au Sénégal, dans les domaines de la conception et du design, un astucieux mélange de saveurs et d’inspiration est perçu dans l’édification d’un immeuble comme celui consacrée à la future Cour des Comptes avec une sorte de cœur en triangle fait en bois qui apparaît sous le ventre de l’immeuble avec une couleur ocre qui donne à cet ouvrage. Cela change sensiblement, la petite monotonie de cette grande voie qui sort du portail principal du Palais de la République, pour se diriger vers la mer.
Sur cet espace pourtant, quand on prend le temps d’observer, sont sortis de terre, depuis plus d’une centaine d’années, de beaux édifices comme l’immeuble des eaux, (énorme édifice en béton d’une vingtaine d’étages), mais encore, de petites maisons pittoresques, avec vues sur la mer, que les embouteillages devraient permettre aux passants, aux usagers de la routes, d’observer tous les jours.
En effet, avec la fermeture de l’ l’Ecole d’Architecture et d’Urbanisme de Dakar, les architectes sénégalais sont formés à travers tous les continents, de l’Europe aux Etats unis ou Canada en passant par l’Amérique Latine. Maintenant, les nouvelles tendances sont le Maghreb, voire l’Asie. C’est pourquoi, on assiste à une diversité de références, de formes en matière de production architecturale contemporaine, et avec de plus en plus, les clients sénégalais qui voyagent et découvrent d’autres contrées, les matériaux nouveaux sont toujours sur le marché permettant des performances volumétriques et de textures très intéressantes.
On assiste en effet de plus en plus à l’utilisation de façades légères telles que le vitrage ou les plaques d’aluminium, la pierre agrafée ou autres. «La question fondamentale qu’on doit se poser, selon Mohamed Naby Sylla, c’est quels types d’architecture voulons-nous au Sénégal ? Est ce l’architecture internationale qu’on peut retrouver partout dans le monde (New York ou Manhattan, Paris la défense, Dubaï ou Qatar…) ou recherchons nous une architecture ancrée à la culture sénégalaise ou tout simplement une architecture adaptée à notre environnement»?
Copier et ne pas tomber dans le mimétisme facile, voilà l’enjeu pour l’avenir. Mais les jeunes générations d’architectes se donnent-ils les moyens de réfléchir sur la qualité et l’opportunité de tels matériaux dans le bâti sahélien et sénégalais ? Pour l’architecte, «Le vitrage tout azimut dans nos contrées ne peut être en aucun cas une réponse adaptée car contraire à l’économie d’énergie, donc à l’économie, au développement durable. Mais, ce qui est certain, face aux enjeux énergétiques actuels de nos pays, au réchauffement climatique, l’architecture doit être obligatoirement contextuelle, c’est-à-dire prenant en compte outre les références culturelles, les facteurs environnementaux tels que l’ensoleillement, l’humidité, la chaleur, la lumière, le régime des vents, la pluie, le sol et surtout faire en sorte que l’ouvrage soit efficace énergétiquement, les facteurs économiques et sociaux.»
Architecte et formateur, Mbacké Niang tire dans le même sens que son confrère. Le commentaire qu’il en fait est le suivant ; «La ville est en train de changer de cap avec deux risques: (1) de déraillement culturel non adapté aux traditions sénégalaise; (2) de dérapage climatique non adapté à l’environnement sénégalais. Il nous faut aller vers l’élaboration d’établissements durables au Sénégal (urbanisme, architecture, construction et paysage), par la synergie de l’habitat bioclimatique, l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables.»
Le beau et l’utile ensemble
Le renouveau de l’art passe par la refonte de la hiérarchie artistique. La distinction entre arts majeurs et arts mineurs est abolie : l’artiste, soucieux d’implanter l’harmonie dans la vie quotidienne, ne conçoit plus l’objet isolé de son environnement. Désormais, l’art est dans tout, et il découle de l’utile (5). Cette liaison du beau et de l’utile apparaît dans un contexte de révolution industrielle: la machine inquiète et séduit à la fois, car elle déshumanise le travail tout en produisant pour le plus grand nombre.
L’art est offert à tous et s’attache à tous les domaines : William Morris, assez proche des utopistes, ne dessine-t-il pas des papiers peints ou des objets destinés à la production industrielle ? Lutter contre l’académisme, c’est aussi lutter contre l’élitisme, car, selon Van de Velde, « ce dont seule une minorité profite est à peu près inutile ». Le retour à l’observation non conventionnelle de la nature, l’abolition de la distinction entre arts majeurs et arts mineurs concourent à ouvrir l’art au plus grand nombre. L’artiste devient militant, et se trouve investi d’un rôle essentiel : faire entrer la beauté dans la vie.
Notes
1 – Né le 10 décembre 1870 à Brünn et mort le 23 août 1933 à Vienne, Adolf Loos est un architecte autrichien, défenseur du dépouillement intégral dans l’architecture moderne. S’il n’a jamais rencontré Louis Sullivan, il a été profondément influencé par l’École de Chicago dès le début du siècle, après un voyage aux États-Unis.
2 – De son vrai nom, Charles-Édouard Jeanneret-Gris, Le Corbusier est un architecte, urbaniste, décorateur, peintre, sculpteur et homme de lettres, suisse de naissance et naturalisé français en 1930 ; Il est né le 6 octobre 1887 et est mort le 27 août 1965.
3- Sandrine Amy, « Les nouvelles façades de l’architecture », Appareil [En ligne], Numéro spécial