Avec la présence de risques autour de la globalisation des affaires dans le cadre des grands projets internationaux devenus encore plus complexes dans leurs conditions, les mouvements de capitaux ainsi que l’intégration des pays émergents et africains dans ces flux ont donné naissance à un nouvel attrait des investisseurs et autres bailleurs internationaux pour les marchés nationaux.
Par le biais de la globalisation de l’économie, les grands projets d’infrastructures du continent africain se présentent davantage sous forme d’opérations complexes et requièrent une lourde logistique tout en impliquant diverses parties prenantes. La gestion des risques dans leur anticipation est devenue, au-delà de sa nécessité, une incontournable. Malgré cela, il est à signaler qu’à ce jour, nombre de projets d’envergure parmi les plus significatifs en termes d’investissements consentis, rares sont ceux qui présentent un système de gestion des risques clairement défini dès le départ.
De telles expériences et d’occurrences diverses autour de taux élevés d’échecs spectaculaires ont fini de convaincre les bailleurs, promoteurs et autres parties prenantes à intégrer le management des risques dans leurs dispositifs pratiques. Malgré tout de nombreux obstacles et verrous persistent encore.
L’Afrique de l’Ouest est encore caractérisée par des pays à innovations technologiques très peu avancées. Parmi ces obstacles on peut citer les récurrentes insuffisances ou inexistences de certains matériaux, la dotation technologique en machines dont le convoiement depuis l’extérieur s’avère complexe, périlleux et très souvent onéreux, et enfin l’assujettissement à des défaillances de type énergétique, occasionnées par des coupures d’électricité récurrentes. L’ensemble de ces composantes influent de manière directe ou indirecte aux projets et constituent de potentiels facteurs de risques pouvant atténuer la rentabilité des programmes menés dans cette zone précise de l’Afrique. Cette contribution tente de synthétiser les divers facteurs de risques pouvant être rattachés directement au marché.
Dans le cadre de la mise en œuvre des grands projets, le risque de marché, loin d’être celui dit spécifique ou systématique, est l’ensemble des facteurs de risque relatif à tout ce qui a trait à la matière première, à l’équipement, aux matériaux, à la technologie, à l’énergie etc., en somme l’ensemble des composantes nécessaire dont les projets auront besoin pour leur mise en œuvre.
Les éléments de notre analyse vont ainsi se concentrer sur les éventuels facteurs du marché allant de la matière première à la technologie disponible, à l’énergie, à la main-d’œuvre, aux fournisseurs, à la sous-traitance mais aussi à la législation régissant les codes du travail, généralement indispensable à la mise en œuvre des projets. Tous ces éléments cités sont susceptibles d’avoir un impact sur les projets et programmes et constituent de sérieux facteurs de risque pouvant compromettre leur rentabilité.
Certes, le marché africain ne peut à lui seul satisfaire la demande en termes de matériaux et matières premières indispensables aux projets ; cela peut s’expliquer aisément par le faible taux d’industrialisation du continent lequel augmente le degré d’exposition et de vulnérabilité des projets et programmes et les met souvent face à de sérieux problèmes d’approvisionnement. Par exemple, certains grands engins tels que les grandes grues de dernière génération dont le déplacement constitue une logistique lourde, coûteuse et complexe à la fois, peuvent souvent faire défaut. Ce risque d’ordre technologique face auquel les gestionnaires de projets locaux ne sont pas bien préparés, comporte son lot d’impacts non négligeables sur le rendement des projets et programmes en Afrique.
Les difficultés auxquelles le marché africain est confronté sont à la fois nombreuses et variées. On peut en énumérer entre autres: la complexité des systèmes d’approvisionnement en équipements et matériaux, les délais de livraison, les ruptures de stocks, l’indisponibilité de certains équipements technologiques, l’incapacité à répondre à la demande énergétique, la défaillance de la couverture internet, les routes de liaison parfois inexistantes ou souvent impraticables et défectueuses, le manque de personnel hautement qualifié, la détérioration des termes de l’échange, les problèmes de gestion et de suivi-évaluation des réalisations, etc.
Dans un contexte où le développement d’infrastructures est devenu une préoccupation majeure et où la plupart des gouvernements de la région se sont lancés dans de vastes plans et programmes de développement, la capacité du marché à approvisionner les projets et programmes en matières premières, matériaux et équipements pourraient constituer un défi majeur.
Offre limitée du marché local:
Dès lors, un constat immédiat se dresse, et nous permet de noter que la demande est largement supérieure à l’offre. Ceci crée un lien de dépendance étroite avec le marché extérieur. Mieux, si on admet qu’il y’a une forte corrélation entre la fluctuation des prix des matières premières, équipements etc. et les prix prévisionnels, on se rend aisément compte que le risque lié à la hausse des prix est très élevé, du seul fait de sa non maîtrise et des coûts de transport qui sont soumis aux divers aléas et dictés par ce marché extérieur. L’offre reste très limitée et restrictive et la mise en œuvre des projets peut alors être compromise faute d’équipements et de matériels locaux indispensables à leur exécution. Pour les managers de projets, la composition du marché africain, à première vue, limite leurs choix ; il ne leur permet pas de se s’approvisionner en matériel et les oblige à s’ouvrir à d’autres marchés étrangers en s’exposant à tous les risques inhérents à ces derniers.
Si les marchés nationaux étaient en mesure de répondre et de satisfaire à la demande, il serait alors possible de stabiliser les prix et d’atténuer les risques encourus. Compte tenu de la forte dépendance vis-à-vis des marchés extérieurs qui imposent les prix, alors il s’en suit que ces risques vont constituer de réels menaces susceptibles d’atténuer et d’impacter le rendement des projets et programmes. Le plus gros et sérieux problème, et non le moindre, réside dans la difficulté des Etats de la sous-région africaine à disposer d’entreprises et d’industries compétitives capables de fournir aux projets et programmes ce dont ils ont besoin en matières premières, équipements et matériels. Ainsi cela nous ramène à la grande question d’industrialisation de l’Afrique et particulièrement de la sous-région ouest africaine.
Si aujourd’hui la Chine est devenue en l’espace de quelques années, un des poids lourds dans la construction et la maîtrise d’ouvrage, c’est parce qu’elle a su capitaliser l’expérience internationale, et a développé de véritables entreprises compétitives et performantes. Tant que cette dépendance vis-à-vis de l’extérieur existera, il y’aura toujours de potentiels facteurs de risques qui pourront compromettre la réalisation des grands projets et programmes en Afrique.
Actuellement l’offre du marché local est très limitée et plus de 80% des composantes en équipements et matériaux qui rentrent dans la fabrication des projets nous viennent du marché extérieur. Ceci expose forcément les projets et programmes à divers facteurs de risques dont les impacts peuvent être lourds de conséquences. Pour créer les conditions favorables d’un environnement économique dynamique et viable, d’une émergence stable, les états devront s’orienter vers la création de chaînes de valeurs industrielles compétitives par le biais de transfert de technologies, de compétences et de connaissances.
Faible taux d’industrialisation :
Pour la réussite des différents grands projets et programmes, il est nécessaire d’améliorer considérablement la capacité du marché local pour mieux lutter contre les risques inhérents à la hausse des prix et à la logistique. Les possibilités d’innovation technologique grâce à la valorisation de la recherche et les stratégies d’industrialisation devront être identifiées et mises à profit. Dès lors une collaboration entre universités et entreprises s’avère être inévitable pour tendre vers cette compétitivité. Ainsi, pour asseoir une émergence durable, compétitive et pérenne, les différents Etats concernés doivent s’orienter vers des marchés locaux forts, soutenus par une puissante industrie de pointe, des entreprises innovantes, compétitives et performantes.
Pour mieux cerner ces risques qui sont liés à la flambée des prix des matières premières, des équipements, des matériels, en somme de la logistique, etc., il convient de scruter minutieusement plusieurs paramètres pour mieux comprendre les causes réelles de ces dépassements de coûts qui ne cessent de prendre de plus en plus d’ampleur. D’abord l’une des principales raisons réside dans le fait que le marché local n’est pas bien fourni afin de pouvoir satisfaire les besoins des projets et programmes en matières premières, équipements et matériels. Dès lors, il devient indispensable de s’ouvrir aux marchés internationaux, ce qui expose les projets à deux types de risques majeurs : d’une part aux risques liés aux fluctuations des prix des matériaux et équipements pouvant résulter de la hausse du pétrole et d’autre part aux risques induits par les surcoûts liés au transport, à la manutention, au stockage, etc.
En d’autres termes, cet énorme besoin en infrastructures des pays africains entraîne une forte augmentation des besoins en matières premières et matériaux pour soutenir les activités de mise en œuvre des projets, accentuant du coup la dépendance et le risque lié aux approvisionnements. La maturité d’un marché est reflétée par l’aptitude potentielle de ce dernier à faire face aux différentes demandes et commandes de ses clients, c’est-à-dire la capacité du marché à fournir des biens et des services en temps réel aux clients.
En Afrique il est fréquent de voir le marché dans une situation qui ne permet pas aux projets de progresser normalement, du fait des ruptures de stocks, du retard de livraison des commandes, de l’incapacité des sous-traitants à faire face aux exigences etc. A partir de ce moment, il est évident de constater que les pays africains en majorité dépendent encore des marchés étrangers en termes de fournitures de matières premières et d’équipements. Tout compte fait, une situation qui pourrait être contraignante et entraîner une augmentation du risque d’exposition, mais aussi impacter les projets et programmes du continent.
En effet, dans la mise en œuvre des grands projets d’infrastructures, les marchés locaux jouent encore un rôle secondaire en termes de fourniture de matériels, d’équipements et de main-d’œuvre dont ils ont besoin. Par conséquent, la plupart des projets en cours de réalisation ne peuvent envisager de recourir à ces marchés pour s’approvisionner, ce qui constitue un risque potentiel lié à la dépendance vis-à-vis du marché extérieur. Si les grands projets et programmes qui se déroulent actuellement en Afrique sont confrontés à des surcoûts et exigent plus de capitaux, cela s’explique en partie par cette forte dépendance qui induit des coûts additionnels pouvant être rattachés directement aux écarts et à la fluctuation des prix des intrants.
Toute chose étant égale par ailleurs, les coûts encourus par le transport, la logistique et la fluctuation des prix des matières premières sont de potentiels facteurs de risques qui impactent négativement les grands projets d’infrastructure. Ce manque de dynamisme des marchés nationaux résulte directement de l’absence d’industries de pointe capables de produire l’équipement et les matériaux nécessaires en quantité et en qualité dont les grands projets ont besoin pendant leur exécution. Dans la pratique, bon nombre de projets ont été confrontés à d’énormes difficultés d’approvisionnement sur le marché local et ont été contraints de subir des retards occasionnés par ce temps latent d’attente.
Actuellement le constat reste unanime ; le continent africain dans son ensemble est à un tournant de son développement et tend vers l’émergence. Cependant, en dépit des nombreux efforts déployés, des progrès importants restent encore à accomplir pour doter le continent d’une industrie compétitive pouvant approvisionner à suffisance les projets et programmes en matières premières et en équipements.
Face à ces nombreux défis et risques auxquels sont confrontés actuellement la quasi-totalité des projets et programmes en cours d’exécution en Afrique, des solutions pertinentes pourraient être envisagées dès à présent afin d’atténuer les impacts et limiter les conséquences dus à cette carence en équipements et matériels. Mieux cela dépendra bien sûr fortement de la volonté des différents gouvernements de concevoir des stratégies visant à fournir aux marchés nationaux de véritables industries, capables de fournir suffisamment de matériel et d’équipements indispensables de qualité pour soutenir les énormes besoins des grands projets.
La capacité d’un marché national, sous régional voire régional à fournir en quantité suffisante des matériaux locaux de qualité par le biais d’une forte industrialisation, est considérée comme déterminant et par-dessus un réel facteur de succès des projets et programmes. Si le marché national ou régional peut répondre à la demande, alors forcément les coûts liés aux matériaux et équipements seraient considérablement réduits. Les prix seraient plus stables et un gain de temps significatif pourrait être économisé dans la phase de la mise en œuvre des projets et programmes ; ce qui aurait pour avantage d’atténuer, d’amortir les risques liés à la fluctuation de prix, aux hausses des coûts de transport, aux retards de livraison, etc.
Risques liés aux Sous-traitants :
L’incertitude liée à la solvabilité et à la compétence des sous-traitants ainsi que qu’aux retards de paiement et changements de procédures, sont aussi des risques majeurs qui plombent la rentabilité des projets et programmes en Afrique. Ces différents manquements récurrents pénalisent lourdement les processus en amont et, in fine, la bonne exécution des projets, rendant ainsi leur délai de livraison incertain. L’impartialité des études de faisabilité incomplètes dans bon nombre de cas, des hypothèses de prévisions erronées et imparfaites, des planifications inexactes peu fiables, etc., sont autant de facteurs potentiels de risques qui gangrènent les projets et programmes dans le continent.
L’ensemble de ces facteurs de vulnérabilité susceptibles de menacer directement la rentabilité devront être intégrés et pris en compte rigoureusement dans des prévisions sérieuses et solides afin de pallier aux éventuels manquements pouvant compromettre l’atteinte des objectifs des projets et programmes en Afrique. Ainsi les nombreuses défaillances observées aux niveaux de la gestion des commandes, des stocks, des défaillances des sous-traitants et contractants, engendrent des surcoûts impactant négativement la rentabilité de ces derniers.
En outre, prenant en considération les diverses interactions et dépendances qui unissent les sous-traitants, les contractants et autres parties prenantes des projets, toute défaillance, erreur et autre manquement d’une des parties peut avoir de sévères répercussions directes ou indirectes sur la rentabilité des projets. De ce fait, dans cette complexe et ambiguë chaîne de valeurs de responsabilités, les projets restent plus que jamais exposés à de potentiels facteurs de risques non négligeables qui méritent une attention toute particulière.
En effet, ces divers facteurs liés directement ou indirectement aux risques de marché, induisent des effets négatifs sur les résultats des projets. Cette situation provoquent ainsi des surcoûts considérables qui sont à l’origine des dépassements budgétaires assez fréquents et récurrents dont bon nombre de projets en général (près de deux projets sur trois en sont confrontés).
A titre illustratif nous listons ci-dessous quelques facteurs de risques potentiels liés à la mise en œuvre des projets et programmes en Afrique de l’Ouest:
Conclusion :
Ce manque de points de repère, aggravé par des procédures et des règlements souvent contraignants, plonge la gestion des projets et programmes en Afrique dans une situation délicate que les différentes parties prenantes peuvent améliorer par une volonté de rendre ces mécanismes simples, compréhensibles et fiables. La complexité des procédures, de la législation et code du travail, des décrets et d’autres textes et leur application dans la gestion des projets constituent une source de risques propres au marché du travail et de l’emploi.
Ces différents facteurs de risques ont un impact non négligeable sur les projets et programmes principalement en termes de coûts, de délais, en raison de la lenteur constatée dans l’application de certaines décisions. Dans certains pays africains, les procédures réglementaires relatives à la mise en œuvre des projets peuvent être relativement restrictives, en particulier en raison des procédures lourdes d’obtention de licences et d’autorisations et de la complexité des règles et de la bureaucratie.
Par conséquent, quatre projets sur cinq accusent du retard, freinés souvent dans leur mise en œuvre par ces risques majeurs. Les retards et surcoûts qui affectent la quasi-totalité des projets et programmes du continent sont devenus une préoccupation majeure des investisseurs, contractants et promoteurs, à tel enseigne que de vastes réformes des systèmes actuels de gestion des projets sont devenues à la fois nécessaires et indispensables. La maitrise de ces risques nés de l’incapacité des marchés nationaux à satisfaire la demande des projets, est incontournable pour la réalisation des projets dits rentables, c’est-à-dire obéissant aux délais, aux coûts et à la qualité. Pour ce faire, les différents acteurs devront dès à présent mener à bien des réformes profondes visant à harmoniser les différentes procédures et réglementations par une gestion efficace des risques de projets.
- Ph.D., Doctorant Chams Dine NDIAYE, en Responsabilité Sociale de Projet.
- Ph.D., Doctorant Papa Momar Fatime AW, en Sociologie de Grands Projets.
- Pr. Hamdouraby SY, Ph.D., Professor of Risk Management.
CASR 3PM ACADEMY®_ RISK _INSTITUTE N° 05_RI5_SEPTEMBR_2017/