À la tête de l’Allemagne depuis plus de 12 ans, l’inamovible chancelière Angela Merkel se voit sérieusement menacée par l’échec, dimanche, des négociations menées pour former un gouvernement de coalition.
Vit-on la fin de la carrière de la chancelière Angela Merkel, 63 ans, dont 12 au pouvoir ? Elle qui paraissait indéboulonnable à la tête de l’Allemagne risque désormais une sortie sans gloire.
Avec l’échec dans la nuit du dimanche 19 au lundi 20 novembre des pourparlers entre son camp conservateur, les libéraux du FDP et les Verts pour former un gouvernement de coalition, des élections anticipées paraissent désormais probables.
Merkel y conduira-t-elle sa famille politique ? Rien n’est moins sûr, tant sa victoire en demi-teinte aux législatives du 24 septembre, la percée historique de l’extrême-droite (AfD) et désormais son incapacité à former un cabinet, semblent l’avoir affaiblie.
L’accueil des migrants comme point de rupture
« En dehors de l’Allemagne, on continue à [la] regarder avec admiration, alors qu’elle entre dans sa treizième année à la chancellerie. Mais dans son pays, l’admiration a faibli », résumait la semaine dernière l’influent hebdomadaire Der Spiegel. Le journal conservateur Frankfurter Allgemeine Zeitung diagnostique lui une « érosion du pouvoir » chez la chancelière, élue pour la première fois en 2005.
Celle que les Allemands surnomment « Mutti » (« maman ») avait pourtant réussi jusqu’à présent un parcours étonnant, prenant au fil des crises une dimension croissante. Au cours des cinq dernières années, elle fut tour à tour dépeinte en bourreau des pays dépensiers en Europe, en « mère Teresa » des réfugiés fuyant guerres et terrorisme, et en « leader du monde libre » dans la foulée de l’élection de Donald Trump il y a un an.
Paradoxalement, c’est l’accueil de centaines de milliers de migrants en 2015 qui lui aura donné à la fois sa stature historique, mais aura aussi jeté les bases de son déclin.
Compromis impossible avec écologistes et libéraux
À l’époque, la gauche exulte, quand une grande partie du camp conservateur grogne. Après la douche froide des dernières législatives, l’aile dure de sa famille politique demande à la chancelière un virage à droite, au moment même où, pour former une majorité, elle doit trouver un compromis avec les libéraux et les Verts. L’équation s’est avérée impossible, même pour cette femme politique rompue à la négociation.
En Europe aussi, sa politique migratoire a conduit à son affaiblissement. Tout comme elle refuse la « mutualisation des dettes », nombre de ses partenaires de l’UE lui refusent de « mutualiser » les migrants.
Peu de prises de risque dans sa carrière
Pour autant, qui aurait parié sur un tel parcours à l’automne 2005, après sa victoire sur le fil face au chancelier social-démocrate Gerhard Schröder ? La physicienne sans charisme évident fait alors sourire.
Cette austère fille de pasteur, élevée en Allemagne de l’Est, a ainsi été longtemps sous-estimée par les politiques ouest-allemands. Au fil du temps, elle a pourtant su s’imposer comme un animal politique singulier.
Elle a largement tiré parti des réformes économiques impulsées par Gerhard Schröder, mais ses propres efforts pour préparer l’avenir sont discutables.
Outre la sortie du nucléaire, décidée en 2011 après la catastrophe de Fukushima, notamment pour satisfaire l’opinion, la crise migratoire est l’événement phare de ses trois mandats et sans doute sa seule vraie prise de risque. Son style, marqué par un ultrapragmatisme, est plutôt guidé par les rapports de force du moment que par une vision.
source : France 24