Vente aux enchères d’Africains noirs : A qui la faute ?

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Depuis que la journaliste soudanaise, Nima El Bagir, de la CNN a révélé la vente aux enchères d’Africains noirs en territoire libyen, les populations africaines ont commencé à mettre la pression sur leurs dirigeants, exigeant des réactions appropriées, efficaces et urgentes.

Comme c’est souvent le cas dans pareille situation, les chefs d’Etat africains ont réagi mollement après coup, comme s’ils étaient surpris par ce qui vient d’être porté à la connaissance du grand public !

Le Président sénégalais, M. Macky Sall publie un communiqué d’indignation et  parle de la saisine de l’Union africaine. Le président guinéen, Président en exercice de l’Union africaine dépêche une mission en Libye, alors que son homologue du Niger condamne ces actes ignobles et barbares et celui de la Rdc, rappelle son ambassadeur en Libye.

Au même moment, le Président de la République française Emmanuel Macron va plus loin que les principaux concernés en qualifiant « la vente aux enchères d’Africains noirs en Libye, de crimes contre l’humanité » et a immédiatement initié la réunion du Conseil de Sécurité sur le sujet !

Or, l’article 2 du règlement intérieur de ce même Conseil de sécurité, stipule que chaque pays membre du Conseil a la possibilité de provoquer la réunion de cet organe.

Il est, dès lors, regrettable, de constater que le Sénégal, membre non permanent du Conseil de sécurité n’ait pas songé à initier une telle réunion sur ce qui se passe en Libye !

En se référant aux propos du  journal Libération, très proche du Pouvoir, l’on se rend compte que l’Etat du Sénégal était bel et bien au courant du scandale depuis quelques mois : «  Un dossier pendant devant le doyen des juges d’instruction de Dakar permet de comprendre que le trafic de migrants en Lybie est entretenu par un vaste réseau parfois lié à des entreprises terroristes.

L’affaire est actuellement en instruction devant le doyen des juges d’instruction de Dakar.

Il y a de cela quelques mois, la Police judiciaire sénégalaise avait reçu des renseignements faisant état d’un réseau de trafic d’êtres humains vers l’Europe entre le Sénégal, le Mali, le Niger et la Libye », nous rapporte « Libération » dans son édition du 20 novembre 2017.

L’autre fait bizarre dans cette affaire scandaleuse, est qu’aucun média africain n’a pu nous renseigner sur cette tragédie qui se passe dans le continent africain, avant que CNN des  lointains Etats-Unis ne le fasse à leur place !
Devant tous ces manquements criards, l’on est tenté de se demander : si les Africains sont-ils prêts à se prendre en charge ?

C’est malheureux de constater que nos chefs d’Etat, pour qui le président Macky Sall, demande « un peu plus de respect », se comportent comme des chefs de canton du temps colonial et ne vouent aucun respect à leurs propres peuples. Le drame libyen ne date pas d’hier.

Depuis l’assassinat de Khadafi à Syrte, le 20 octobre 2011, suite à une intervention d’une patrouille d’avions français, la Libye est devenue une jungle où règnent deux gouvernements, un à l’Est et l’autre à l’Ouest, avec au Centre des milices qui font la loi, au nom de leurs tribus.

Le gouvernement d’entente nationale, dirigé par  Fayez  Al Sarraj, sous la bénédiction de l’Onu, n’a jamais pu s’imposer dans la totalité du territoire libyen. Son autorité est même défiée dans la capitale Tripoli où il a son siège. A l’Ouest, le Maréchal-rebelle  Khalifa Haftar règne en maître absolu, en dépit de sa non reconnaissance par la communauté internationale.

Ainsi, plus de 60% des jeunes africains, candidats à la migration vers l’Europe passent maintenant par la Libye via sa frontière avec le Niger, longue de 35 km.

Cette bande désertique est devenue une sorte de no man’s land, dominée par des milices armées qui s’adonnent à toutes sortes de trafics, y compris, du trafic humain.

Entre la Méditerranée et cette bande, meurent plus de 49% des candidats africains à l’émigration. Plus de 38% des rescapés, tombent entre les mains des trafiquants qui les réduisent ainsi en esclaves.

Mais à qui la faute ?

Vouloir se décharger sur un prétendu racisme arabe, ne me semble ni pertinent, ni responsable.

La faillite des politiques d’éducation, de formation et d’emploi  des gouvernements africains est la première cause de ces folles aventures, considérées par la jeunesse africaine, comme le dernier recours pour la survie.

L’Europe, qui, après avoir pillé les maigres économies de l’Afrique, colonisé ses territoires et balkanisé ses Etats indépendants, a fermé ses portes aux fils du continent, en filtrant les entrées au nom d’une politique isolationniste appelée « Immigration choisie ».

Seuls des professeurs d’université confirmés ou des sportifs hautement performants sont les bienvenus dans cette terre, jadis défendue par des tirailleurs sénégalais.

L’élite africaine n’a pas, non plus, mené le combat qui est le sien pour sensibiliser et décomplexer cette jeunesse, tombée sous le charme trompeur d’une Europe, en butte à des difficultés économiques et sociales difficilement surmontables.

Les gouvernants africains, incapables d’inspirer confiance à leurs jeunesses, sont les premiers responsables de cette hécatombe que représentent, pour les jeunes africains, le désert libyen et les eaux de la Méditerranée.

Face à la tragédie de vente aux enchères de noirs africains en Libye, ces dirigeants africains ont tous, fait profil bas, se rangeant honteusement derrière le Président français, Emmanuel Macron.

Restés insensibles aux souffrances de leurs populations, aucun d’entre eux n’a pensé convoquer d’urgence, une réunion au sommet d’une de  leurs organisations régionales ou sous-régionales, ou actionner le Conseil de sécurité, comme ils l’auraient pourtant fait, si un de leurs sièges souvent démérités, était menacé.

Pauvre Afrique, où les présidents demandent qu’on leur accorde « un peu plus de respect », alors qu’ils n’ont, eux-mêmes, aucun respect pour les populations qui les ont mandatés !

Mamadou Bamba Ndiaye
Ancien Ministre

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