La presse s’est fait récemment l’écho de la situation sociale à l’Agence de presse sénégalaise (APS). Selon ces informations délivrées par des sources anonymes, la situation de l’entreprise présente des inquiétudes. Elle n’est pas nouvelle et correspond à ce que nous appelons à l’interne, ‘’le syndrome du dernier trimestre’’.
De tout le temps, les fins d’années sont très difficiles à l’APS à cause d’une tension de trésorerie qui repose encore une fois la question du financement de l’agence. Un problème qui, hélas, ne trouve pas encore une solution durable.
En 2012 déjà, les projecteurs s’étaient braqués sur l’entreprise. A l’époque, le personnel avait dû multiplier les sorties médiatiques pour réclamer trois mois d’arriérés de salaires à cause d’un budget épuisé avant terme. Ce problème connaîtra une solution au mois de février 2013 grâce à une procédure d’urgence qui a permis à l’établissement de rentrer dans ses fonds.
Ces dernières années, l’APS a pu boucler son budget grâce à une rallonge exceptionnelle du chef de l’Etat et à deux Lois de finance rectificative. Ces perfusions ont permis le paiement des salaires.
Comme évoqué plus haut, cette situation est le résultat d’un problème structurel : le financement de l’entreprise. L’APS a trois sources de financement. La principale est la subvention qu’elle reçoit de l’Etat. Il y a ensuite l’aide à la presse et les revenus du service commercial.
De 221 millions puis 321 millions, la subvention de l’Etat est passée en 2017 à 442 millions de francs CFa. Le montant de l’aide à la presse est de 40 millions de francs et les revenus du service commercial ne sont pas stables. C’est avec ces fonds que l’entreprise doit faire face à ses charges (plus de 570 millions de francs Cfa, pour l’exercice 2016, dont plus de 478 millions de francs Cfa pour les charges du personnel permanent et contractuel).
Ce tableau peu reluisant va à l’encontre des recommandations du Sous-comité technique du secteur de l’information et de la communication sur les modalités de calcul de la compensation financière au titre de la rémunération du Service public. Selon ce Sous-comité, le coût des prestations de l’APS au service de l’Etat et de ses démembrements se chiffre à 1 057 875 000 FCFA, pour les frais de fonctionnement (site Internet, voitures, carburants, frais de reportages, etc.) et les salaires du personnel de la rédaction centrale et des bureaux régionaux.
Aujourd’hui, la subvention de 442 millions de francs Cfa correspond pratiquement à la masse salariale, compte non tenu des créances à apurer auprès des banques et des arriérés de cotisations sociales (IPRESS et Caisse de sécurité sociale). Elle ne permet de dégager aucune marge de financement pour l’investissement.
Et dépit de ces difficultés financières, le personnel de l’APS garde le cap et travaille au quotidien pour la diffusion de l’information à destination de sa clientèle, notamment les médias (radios, télé, journaux et sites Internet). Avec une rédaction centrale basée à Dakar et des bureaux régionaux, l’APS assure, depuis sa création le 2 avril 1959, une couverture quotidienne de l’actualité nationale. Ses dépêches sont largement reprises par la presse nationale et internationale. Et, en 2005, au terme d’une étude menée par l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), elle a été désignée comme l’agence la plus utilisée par les journaux en Afrique de l’ouest francophone.
Les travailleurs de l’APS ont depuis des années fait valoir auprès des autorités le fait que l’agence est l’organe le moins bien loti des médias publics, en dépit des missions de service public communes avec Le Soleil et la RTS.
Face à cette entrave structurelle, l’engagement de l’Etat sera crucial afin de conforter son statut d’agence d’information généraliste d’envergure continentale. A cet effet, un financement public conséquent, quels que soient ses mécanismes, est un gage pour assurer la pérennité d’un outil qui peut être la vitrine de l’information au Sénégal.
La mission de service public des médias d’Etat, dont l’APS, est de répondre au droit du public sénégalais à l’information juste et crédible touchant tous les aspects de la vie économique et sociale de la nation sénégalaise.
Le service public de l’information met à la disposition des usagers des contenus qui ont vocation à informer, éduquer et distraire. Il exerce une influence sur la culture, la démocratie, l’éducation et contribue au progrès technique et à la vie économique et sociale. Dans une époque marquée par les fake news (fausses informations), les discours de haine, l’extrémisme, le service public doit continuer à faire entendre sa voix : celle d’une source d’information crédible, digne de confiance.
Pour toutes ces raisons, l’APS mériterait une revalorisation, avec plus de moyens afin de renforcer sa position dans le paysage médiatique. Dans un contexte de diffusion continue de l’information et de foisonnement des sites Internet, la présence de l’APS dans le paysage médiatique garde toute sa pertinence. Si Internet facilite la circulation de l’information, il n’en garantit pas la fiabilité. Dans ce chaudron, le label APS peut être une plate-forme de référence grâce au professionnalisme et à la rigueur de son personnel.
Des députés se sont vivement préoccupés de la situation de l’agence lors du vote du budget 2018 du Ministère de la Communication. Avant eux, le président du Conseil national de régulation de l’audiovisuel (CNRA), Babacar Touré, avait fait le plaidoyer, dans son discours de présentation du rapport annuel 2015 du CNRA au président de la République.
‘’L’Agence de presse sénégalaise, doyenne des agences africaines, doit être dotée de façon à s’imposer sur le plan national mais surtout régional africain, voir international. Cela est possible, cela est faisable. Si nous ne voulons pas rester sur les bords des autoroutes de l’information et de la communication, il nous faut produire et diffuser par nos propres outils, des contenus adaptés à nos objectifs et à notre quête d’identité, imposer notre capacité contributive’’, disait-il.
Il préconisait ‘’le réarmement de notre principal moyen de production et d’échange de contenus, l’agence de presse sénégalaise, qui possède déjà les bases d’une véritable plateforme digitale primordiale pour produire et fournir des news, des images, du son, des données et des documents aux diffuseurs’’.
En procédant ainsi, l’APS sortira du tunnel de l’incertitude.
Ousmane Ibrahima DIA
Journaliste à l’APS