Aussi méconnu que menacé, le pangolin aurait transmis le coronavirus chinois à l’Homme, selon des scientifiques chinois.
Le pangolin a-t-il transmis le nouveau coronavirus à l’Homme ? Ce petit mammifère, aux écailles prisées des braconniers, a été identifié par des scientifiques chinois comme le « possible hôte intermédiaire » ayant permis la transmission du virus à l’Homme, a indiqué ce vendredi l’Université d’agriculture de Chine du Sud dans un communiqué. Toutefois, des chercheurs appellent à la prudence. L’Express fait le point sur cette nouvelle piste animale.
Qu’est-ce qu’un hôte intermédiaire ?
Les scientifiques en sont persuadés : le nouveau coronavirus 2019-nCov serait venu de la chauve-souris. Mais le virus de chauve-souris n’étant pas équipé pour se fixer sur les récepteurs humains, il est sans doute passé par une autre espèce pour s’adapter et se transmettre à l’Homme. On appelle ce second animal un « hôte intermédiaire ».
« Des virus, comme les coronavirus, sont présents chez des animaux mais ne sont pas capables de passer directement à l’Homme. Ils vont donc muter, passer par un autre animal où ils vont évoluer, et ensuite pouvoir infecter l’Homme », explique à L’Express Olivier Terrier, chercheur du CNRS au Centre international de recherche en infectiologie.
L’identité de cet animal intermédiaire fait l’objet de nombreuses interrogations depuis le début de l’épidémie. Si l’hypothèse du serpent comme possible hôte intermédiaire a un temps été avancée, elle fut vite démentie par des analyses génétiques. Désormais, c’est le pangolin qui fait figure de suspect numéro un.
Insectivore édenté recouvert d’écailles, ce mammifère solitaire au corps allongé, avec une langue collante pouvant atteindre trente centimètres, s’apparente au fourmilier. Tout comme le tatou, il peut s’enrouler sur lui-même pour se protéger des prédateurs. Particulièrement ciblé par les braconniers, il est classé comme espèce « en danger critique d’extinction ».
Pourquoi le pangolin est-il suspecté?
Les recherches menées par l’Université d’agriculture de Chine du Sud révèlent que les analyses génétiques de virus prélevé sur les pangolins et sur les patients infectés par le coronavirus étaient identiques à 99%, rapporte l’agence de presse officielle du gouvernement chinois Chine nouvelle.
« Cette hypothèse est vraisemblable (…) La communauté scientifique semble plutôt s’orienter vers un mammifère », appuie Olivier Terrier, tout en rappelant que lors de l’épidémie de Sras en 2003, un petit mammifère, la civette, était responsable de la transmission du virus de la chauve-souris à l’Homme.
Une étude parue en 2019 et repérée par Le Monde apporte également du crédit à cette piste : des chercheurs cantonais avaient mis en évidence la présence de nombreux virus, dont des coronavirus, chez des pangolins saisis par les douanes chinoises en mars 2019.
Toutefois, le chercheur Olivier Terrier appelle à la prudence dans l’attente d’une confirmation définitive de ces résultats. « Les détails de ces recherches ne sont pas encore accessibles. A ma connaissance, cette étude n’a pas été publiée dans le cadre d’un article scientifique et n’a donc pas été évaluée par la communauté. Il s’agit d’un seul communiqué de presse de l’université », tempère-t-il.
« Aujourd’hui, il est un peu tôt pour trouver cet hôte intermédiaire. Les scientifiques sont à la recherche de l’origine du coronavirus, mais cette recherche prend du temps. Il faut accumuler beaucoup de données de séquençage, chez les animaux et chez les patients infectés, et plus le travail de comparaison sera important, meilleur sera sa qualité », renchérit le chercheur, notant au passage qu’il peut y avoir plusieurs hôtes intermédiaires.
Comment cet animal est-il consommé en Chine ?
Avant de cibler le pangolin, les chercheurs chinois de l’Université d’agriculture ont testé plus d’un millier d’échantillons provenant d’animaux sauvages, est-il détaillé dans leur communiqué, sans donner beaucoup plus de précisions.
Pour trouver l’origine du coronavirus, ils ont vraisemblablement dû recenser tous les types d’animaux vendus sur le marché de Wuhan, d’où est partie l’épidémie, et particulièrement ceux qui sont consommés pour leur viande.
Toutefois, on ne sait pas si le pangolin faisait partie des espèces vendues sur ce marché, connu pour son commerce illégal d’animaux sauvages et destinés à être mangés. Mais le pangolin est prisé des Chinois pour sa chair délicate. Ses écailles, ses os ou encore ses organes sont également utilisés par la médecine traditionnelle asiatique.
Cette consommation du pangolin aurait presque anéanti l’animal en Chine, rapporte le magazine Géo, et aujourd’hui l’espèce est menacée d’extinction. Près de 100 000 pangolins sont victimes chaque année, en Asie et en Afrique, d’un trafic illégal, qui en fait l’espèce la plus braconnée au monde, devant les éléphants et les rhinocéros, selon l’ONG WildAid.
Depuis 2016, le commerce de pangolins est ainsi strictement interdit par la Convention internationale sur le commerce d’espèces sauvages menacées d’extinction.
Désormais, la Chine a fermé le marché de Wuhan et interdit temporairement le commerce d’animaux sauvages, afin de lutter contre la propagation du coronavirus.
L’importance d’identifier au plus vite l’hôte intermédiaire du virus est capitale pour les chercheurs, car cela permettra « de freiner la transmission du virus », assure Olivier Terrier.
Une fois cet hôte intermédiaire trouvé, la Chine pourrait interdire provisoirement la consommation et le commerce de cet animal. S’il s’avère qu’il s’agit bien du pangolin, cela pourrait être salvateur pour cette espèce en danger.