Le philosophe sénégalais Souleymane Bachir Diagne, dont une nouvelle édition du livre ’’Léopold Sédar Senghor, l’art africain comme philosophie’’ vient de paraître, assure que la pensée du premier président sénégalais « est plus que présent » dans un monde en train selon lui de mourir dans « une sorte d’enfermement’’.
« Senghor est plus que présent dans ce monde où l’on vit une sorte d’enfermement, ce qui fait qu’on est en train voir le monde mourir », a-t-il dit, ajoutant que dans ce contexte, la pensée de Léopold Sedar Senghor « donne une leçon de pluralisme, d’ouverture et de tolérance ».
Souleymane Bachir Diagne intervenait à l’occasion de la cérémonie de dédicace de la nouvelle édition de son ouvrage publié aux éditions Riveneuve, mercredi à Saint-Louis, en présence d’un public composé d’hommes de lettres, d’enseignants, d’étudiants, d’élèves des lycées et collèges de la capitale nord du Sénégal.
Selon l’auteur, la réédition vient « donner une nouvelle vie » à cet ouvrage, « un mélange de philo et littérature ».
Il a rappelé que l’idée d’écrire cet ouvrage, « Léopold Sédar Senghor, l’art africain comme philosophie », était partie d’une conférence hommage à Léopold-Sédar Senghor, organisée par l’Université Cheikh Anta Diop (UCAD) de Dakar en 1996, à l’occasion des 90 ans du poète-président.
Il fut question, lors de cette rencontre, « du président qu’il avait été, et de ce que furent sa longue carrière et ses décisions politiques », peut-on lire dans la préface.
L’heure était « surtout au dialogue intellectuel avec le philosophe et le +maitre de langue » quand, dans l’espace qui avait été par excellence le territoire de l’opposition de gauche à sa pensée et à sa politique, les universitaires sénégalais décidèrent ainsi de l’accueillir et de le célébrer, comme un collègue », ajoute le texte.
Selon Souleymane Bachir Diagne, agrégé de philosophie et professeur à l’Université de Columbia (New York), le livre qu’il a publié une première fois il y a 10 ans s’inscrit « dans l’esprit et dans la continuation du colloque de 1996 ».
L’ouvrage « répond à sa manière à l’appel pour une relecture de Senghor, en ce qu’il a réellement pensé, afin de restituer le sens et la portée d’une œuvre qui excède ce à quoi ses critiques l’ont souvent réduite : un essentialisme primitiviste en réaction à l’essentialisme colonial », lit-t-on encore dans la préface.
La nouvelle édition en livre-proche, fruit d’une nouvelle relecture, a l’ambition de montrer « comment le poète-président, prisonnier de la politique, a pu se libérer de cette politique, pour redevenir lui-même, dans son rôle de poète-philosophe et écrivain », explique M. Diagne.
« Senghor était fondamentalement attaché aux objets d’art africains », a-t-il rappelé, avant d’ajouter qu’à travers la pensée du premier président sénégalais, « c’est d’abord une affirmation de soi et la rencontre de l’autre » qui est mis en exergue, par le biais de la Négritude, ’’tout en cultivant en soi les vertus du métissage, car chacun doit être métissé à sa façon ».
Le philosophe cite Gaston Berger, « père de la prospective », pour dire que « s’enfermer dans sa propre identité, tout en ayant la capacité de se déconcentrer, pour donner l’hospitalité à l’autre, c’est cela la base de la tolérance ».
Souleymane Bachir Diagne, élève de Louis Althusser et de Jacques Derrida à l’Ecole Normale Supérieure de la rue d’Ulm, à Paris, a été reçu à l’agrégation de philosophie en 1978.
M. Diagne est un logicien et spécialiste réputé de la philosophie des sciences et de la philosophie islamique, domaines dans lesquels il a écrit des ouvrages de référence, dont « Boole, 1815-1864 : l’oiseau de nuit en plein jour » (1989).
Il y a aussi « Logique pour philosophes » (1991), mais aussi « Islam et société ouverte : la fidélité et le mouvement dans la philosophie d’Iqbal » (2001) ou « Comment philosopher en islam ? » (2008).
source : Aps