« Racisme systémique » aux États-Unis : Barack Obama aurait-il pu mieux faire face au fléau ?

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Portrait de Barack OBAMA © Malick MBOW
Portrait de Barack OBAMA © Malick MBOW

Lucile Descamps

 

 

Barack Obama a tenté de combattre le racisme durant ces deux mandats. Il a mené des réformes en ce sens mais à aussi dû faire face à des pouvoirs limités et quelques erreurs.

Le meurtre de George Floyd fait écho à d’autres drames qui ont eu lieu sous la présidence Obama. De quoi donner une impression de continuité, alors que le président démocrate avait tenté de combattre le racisme, malgré quelques erreurs.

Les États-Unis connaissent une crise sociale d’une grande ampleur, déclenchée par la mort de George Floyd, le 25 mai dernier à Minneapolis, à la suite d’une interpellation brutale. Depuis, Minneapolis et d’autres grandes villes du pays sont chaque jour le théâtre de manifestations pacifiques. En parallèle, des soulèvements éclatent, menant à des violences, des pillages et des incendies.

Si la réaction de Donald Trump met de l’huile sur le feu, l’ancien président américain, Barack Obama, oppose un discours bien différent. Il s’est notamment réjoui d’un “changement de mentalité” et a appelé au dialogue.

D’Obama à Trump, une impression de continuité

Le problème, dénoncé par les manifestants depuis près de 10 jours, est loin d’être récent : le racisme systémique, qui mène, entre autres conséquences, aux violences policières envers les personnes noires. D’ailleurs, le mouvement “Black lives matter”, qui réagissait à la même problématique, a éclos sous le deuxième mandat de Barack Obama, à la suite de l’acquittement de George Zimmerman en 2013. Ce vigile d’une propriété privée de Floride avait abattu le jeune Trayvon Martin, qui venait rendre visite à son père. D’autres drames similaires avaient suivi, comme la mort de Michael Brown et celles d’Eric Garner.

La mort de George Floyd y fait tristement écho. De quoi donner une impression de continuité entre deux présidents que tout oppose. “On voit que d’Obama à Trump, rien ne s’est passé de fondamental” de ce côté-là, commente Nicolas Martin-Breteau, historien des États-unis, et maître de conférences à l’université de Lille. “Ça explique pourquoi certains manifestants ont recours au concept de racisme systémique, une idée selon laquelle peu importe les personnes au pouvoir, si vous ne changez pas les institutions – dans la police, la justice, le système carcéral – les choses restent les mêmes”, résume-t-il.

Les victoires de Barack Obama

L’ancien président démocrate a pourtant tenté, durant ces deux mandats, d’effacer les inégalités qui minent les États-Unis. Et il compte quelques belles victoires à son actif. Notamment symboliques. “Avant Barack Obama, les hauts ministères n’avaient jamais été occupés par des personnes noires. Il a mis Eric Holder puis Loretta Lynch à la justice, Lisa Jackson à la tête de l’Agence de protection de l’environnement, Charles Bolden à la Nasa…”, énumère Jean-Éric Branaa, maître de conférences à l’université Paris 2 et auteur de “Rien ne sera plus comme avant – L’Amérique au temps du coronavirus”. De plus en plus de maires, de responsables à tous les niveaux, de juges à la Cour suprême afro-américains ont été nommés.

Monde : Monde : Eric Holder, premier Noir américain ministre de la justice : Eric Holder est devenu lundi.. http://tinyurl.com/clt67p

— La Croix (@LaCroix) February 3, 2009

Les actions du président démocrates ne se sont pas arrêtées à des symboles. “Il a mis en place l’Obamacare, qui a bénéficié aux plus défavorisés et donc aux Noirs, il s’est attaqué à la crise financière de 2008, parce que le chômage frappait les plus fragiles…”, analyse le maître de conférences. À la fin de son mandat, à partir du mois de septembre 2016, le président à remis en question une loi sur les stupéfiants datant des années 1990, et a signé un grand nombre de grâces présidentielles. “Pas une ou deux, mais plusieurs milliers, qui concernaient essentiellement des personnes noires”, nous rappelle Jean-Éric Branaa. Une action d’ailleurs “dénoncée, à l’époque, par la campagne de Donald Trump”.

L’action limitée du président

“Barack Obama a agi” pour les minorités, conclut-il, “seulement, il y a tellement de racines auxquelles il faut s’attaquer en même temps, et il n’a eu ‘que’ deux mandats de quatre ans, ce n’était pas suffisant”. D’autant qu’à la fin, Barack Obama devait composer avec un Congrès qui lui était opposé, nous rappelle le maître de conférence.

Ce n’était pas la seule limite à ses actions. Aux États-Unis, “le président n’est pas tout puissant sur ces questions, dans la mesure où la réforme du système policier se fait à l’échelle de la ville ou du comté”, précise Nicolas Martin-Breteau. Le chef de l’État n’a “pas le pouvoir de réformer tel ou tel service, et sans le vote massif des Américains – qui délaissent généralement ces élections locales – il ne peut pas y avoir de changement fondamental”, poursuit l’historien.

Un faux pas dès 2010

L’ancien président démocrate a également commis quelques erreurs qui lui ont valu la méfiance de la communauté afro-américaine. La première a été commise dès l’été 2010, se souvient Jean-Éric Branaa. À l’époque, la chaîne Fox News ne cessait d’attaquer Barack Obama, à qui elle reprochait de ne favoriser que les personnes noires.

C’est dans ce contexte qu’a éclaté l’affaire Shirley Sherod. Une vidéo de cette fonctionnaire du ministère de l’agriculture a été divulguée. On la voyait tenir des propos s’apparentant à du racisme anti-blanc lors d’un discours. Le ministère de l’agriculture, l’apprenant, a demandé son licenciement, et a reçu le soutien de Barack Obama. “Il ne voulait pas qu’on lui reproche de ne s’occuper que des minorités”, souligne le spécialiste.

Sauf que, quelques jours plus tard, il a été révélé que la vidéo avait été totalement tronquée, faisant dire à Shirley Sherod l’exact opposé du discours qu’elle avait tenu en réalité, dans lequel elle prônait le vivre-ensemble. On lui a proposé d’être réintégrée, “mais dans la communauté afro-américaine, la méfiance s’était installée”, précise le maître de conférences.

President Barack Obama has called agriculture official Shirley Sherrod to express « his regret » at her sacking. http://bit.ly/dhKNfy

— BBC News (World) (@BBCWorld) July 22, 2010

L’erreur autour des violences policières

Barack Obama a commis une autre erreur sur la question du racisme, à la mort de Trayvon Martin. Le président a multiplié les discours, demandant que justice soit rendue, expliquant qu’il aurait pu être ce jeune homme tué en raison de sa couleur de peau. “Fox News a alors repris ses attaques, et Barack Obama s’est retrouvé bloqué, il a fini par ne plus rien dire”, commente Jean-Éric Branaa.

Lorsque Michael Brown a été tué, le président a certes écourté ses vacances, mais il est resté à la Maison Blanche et a envoyé son ministre de la justice à la rencontre des manifestants, relate le spécialiste. “Il a continué à tenir des discours dans lesquels il expliquait que la situation était injuste et qu’il fallait que ça change, mais il n’a pas bougé”, poursuit-il.

“Si le mouvement “Black lives matter” a existé, c’est bien qu’à un moment, la communauté afro-américaine s’est sentie lâchée par ce président”, résume Jean-Éric Branaa. Et ce, malgré tout le travail de fond qui avait été fait sur le plan économique, sanitaire, des logements.

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Pas ou peu sollicitées par l’Etat, les cliniques privées se sont-elles roulé les pouces pendant la crise ?

Fred Azilazian

Yahoo Actualitésil y a 3 heures

 

Pas ou peu sollicitées par l’Etat, les cliniques privées se sont-elles roulé les pouces pendant la crise ?

Pas ou peu sollicitées par l’Etat alors qu’elles s’étaient organisées pour faire face à la crise du Covid-19, les cliniques privées françaises ont pour la plupart vécu deux mois et demi très calmes. Trop calmes ? Témoignages.

Si le pic de l’épidémie de Covid-19 semble désormais derrière les Français et que le temps est venu de retrouver un semblant d’insouciance, certains protagonistes de la crise sanitaire ont un goût amer lorsqu’ils jettent un œil dans le rétroviseur. C’est le cas des cliniques et hôpitaux privés, dont la sous-utilisation pendant la pandémie risque de laisser des traces.

Mi-mars, lorsque que le confinement a été mis en place par l’Etat, les 1030 établissements privés de France ont dû fermer leurs portes au public, déprogrammant ainsi pas moins de 500 000 interventions pour ne gérer que les urgences absolues. Pour faire face au tsunami attendu, la plupart des cliniques et hôpitaux privés ont préparé des lits de réanimation (4 000) et mobilisé leurs équipes médicales, sur demande de l’ARS (Agence régionale de santé).

”Il y a eu des gros couacs par moments et on a clairement été sous-utilisés”

Si certains établissements, comme l’hôpital Saint-Joseph à Marseille, ont accueilli dans leur service de réanimation de nombreux patients atteints du virus et ont même parfois dépassé l’affluence des CHU proches, d’autres n’ont pas du tout ou très peu été sollicités par les hôpitaux publics, pourtant dépassés et en détresse. « Il y a eu des gros couacs par moments et on a clairement été sous-utilisés », déplore Matthieu, anesthésiste-réanimateur dans une clinique du Grand-Est, région pourtant très touchée par le Covid-19. « Les établissements privés du Grand-Est n’ont pas été suffisamment sollicités », confirme Lamine Gharbi, président de la FHP (Fédération des cliniques et hôpitaux privés), qui a dû écrire une tribune fin mars – « Faites appel à nous » – pour inverser la courbe.

”J’ai passé beaucoup de temps chez moi à m’occuper de mes enfants”

S’il n’a pas complètement stoppé son activité, Matthieu a ainsi largement moins travaillé que d’habitude : « On était 30 anesthésistes-réanimateurs pour seulement 3 postes en réanimation. J’ai passé beaucoup de temps chez moi à m’occuper de mes enfants et à gérer leurs devoirs ». Dans sa clinique de Reims, pourtant l’une des plus grandes de France, tout avait été pourtant préparé pour épauler le CHU si besoin. « Nous avions préparé 30 vrais lits de réanimation, se souvient Matthieu. Et contrairement à nos collègues des hôpitaux publics qui bossaient en sacs poubelle, nous avions tout le matériel nécessaire. Nous avions des respirateurs de qualité, des casaques chirurgicales, des masques FFP2, des gants… ».

Si la clinique a été sollicitée en début d’épidémie, les choses se sont calmées une fois que le CHU de Reims a pu s’équiper en lits supplémentaires, souvent dans des conditions d’accueil dégradées. « Les unités de réanimation qui ont été ouvertes à la va-vite dans les salles de réveil ou dans les étages n’étaient pas optimales, fait remarquer Matthieu. Les respirateurs étaient des vieux respirateurs de bloc, les patients étaient souvent côte à côte, ils étaient pris en charge par des jeunes internes et par des infirmières qui n’avaient jamais travaillé en réa. Du coup, les malades étaient vite abîmés. Ici, on aurait fait bien mieux ».

Certains épisodes – comme le fait d’avoir « appris dans les journaux que des patients du CHU avaient été envoyés à Hambourg en Allemagne » – sont restés en travers de la gorge du personnel de la clinique privée rémoise. « On n’a pas compris pourquoi, alors que nous avions entre 7 et 10 lits non occupés. Tout cela a engendré évidemment une grosse frustration de la part de l’équipe médicale ».

”On a vécu dans l’attente, totalement désœuvré, entre marasme et dépression”

La frustration, d’autres soignants l’ont vécue puissance 1000. « J’ai des collègues qui travaillent dans des centres privés à Périgueux, et qui n’ont rien fait du tout pendant 3 mois. Dans le Sud-Ouest et le Sud-Est, je crois savoir qu’ils se sont tournés les pouces ». Philippe, chirurgien dans une clinique privée en région PACA, confirme. « La vague n’est jamais venue, soupire-t-il. On a vécu des jours très très calmes, plongés dans un chômage technique pendant 45 jours. On a vécu dans l’attente, totalement désœuvré, entre marasme et dépression, puisqu’on a également dû faire face à des difficultés financières liées à l’absence d’activité ».

Comment expliquer de tels bugs dans la répartition des malades et dans les liens entre le public et le privé dans un moment si historique ? « Ces dysfonctionnements sont à mettre sur le compte de manœuvres politiques, selon Matthieu. Dans les hôpitaux publics, on a d’un côté le personnel médical qui a trimé avec des soignants qui n’avaient pas de matériel, et de l’autre, on a les directeurs d’hôpitaux qui voulaient montrer à l’ARS et aux politiques qu’ils étaient capables de faire des miracles. Eux n’étaient pas en première ligne, ils étaient au chaud dans leurs bureaux à faire de la politique. Ils ont montré qu’ils pouvaient faire beaucoup avec peu, et qu’ils avaient réussi à sauver la nation même si les conditions n’étaient pas réunies. Désormais ils attendent leur médaille et espèrent qu’on pensera à eux pour un poste plus élevé plus tard… ».

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