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L’ancien Premier ministre prend la parole, après des années de silence. Il publie jeudi un ouvrage «Un temps troublé» aux éditions du Seuil. Dans une interview accordée au Nouvel Obs, il revient sur son parcours, la gauche, et Emmanuel Macron.
«Je n’ai pas quitté la vie politique en 2002 pour me transformer en commentateur de l’actualité». C’est ainsi que Lionel Jospin explique, dès le début de l’entretien qu’il a accordé au «Nouvel Obs», sa non-participation au débat politique. Il faut dire que l’ancien Premier ministre (1997-2002) avait un devoir de réserve à respecter lors de son passage au Conseil constitutionnel. Le bouleversement du paysage politique en 2017, la situation d’un pays «insatisfait, tendu et sceptique», et la volonté de «partager sa vision du temps qui vient» l’ont amené à s’exprimer.
Sur Emmanuel Macron, il affirme le connaître «très peu»: «je l’ai rencontré quelques fois (…) Je le regarde agir et se comporter». Le président de la République «l’intéresse, l’intrigue et l’inquiète». «L’inquiète», car, selon lui, le logiciel «néolibéral» d’Emmanuel Macron est «anachronique» : «il a mené une politique économique et sociale déséquilibrée. Sa méthode politique, celle de la verticalité, est également d’un autre âge». Autre reproche, le chef de l’Etat aurait accentué «la pente présidentielle» du régime politique. L’ancien Premier ministre fait également son procès en arrogance : «avoir le sens du Kairos ne préserve pas toujours de l’hubris».
Sur le quinquennat précédent, il rend hommage à François Hollande pour sa gestion des attentats : «le président « normal » s’est montré à la hauteur d’un défi exceptionnel». En parallèle, Lionel Jospin tente de lister les raisons qui ont amené à la situation de François Hollande en fin de quinquennat : «la désagrégation de la présidence s’est produite dans le cours ordinaire de la vie politique. La majorité s’est défaite (…) Le consensus sur une politique s’est perdu» . Il estime que le tournant libéral «a contribué, avec les errements sur la question de la déchéance de nationalité, à la perte d’une identité politique».
Selon lui, les causes de sa défaite en 2002 sont purement politiques
Lionel Jospin revient aussi sur son parcours et le fameux 21 avril 2002. Selon lui, les causes de sa défaite sont purement politiques : avec une majorité de gauche élargie, «nous gouvernons dans la durée et les performances sont là. Mais, cette majorité inédite, qui était restée unie pendant cinq ans, se scinde malheureusement au moment ultime». Toujours au PS, il affirme que le message socialiste «reste adapté à l’époque».
Pour celui qui a été à la tête d’une majorité «gauche plurielle», Lionel Jospin tente de juger les différents structures qui composent son camp aujourd’hui. Il n’existe pas, selon lui, une «force motrice», comme celle d’avant du Parti socialiste: «Jean-Luc Mélenchon croit l’incarner, et EELV aspire à l’être». Le premier «aura peut-être un conflit entre son intelligence et son tempérament». Les seconds devront «se déprendre de leurs travers anciens car avant même d’espérer rassembler, il faudra qu’ils s’entendent», décrypte Lionel Jospin.
Sur l’avenir et 2022, il estime que «si le président Macron est candidat à sa réélection, le pronostic est plutôt qu’il l’emporte». Toutefois, celui qui fut Premier secrétaire du Parti socialiste se montre «préoccupé» qu’Emmanuel Macron cherche à «affaiblir les formations républicaines et instituer le RN en adversaire/partenaire (…)». Pour son camp, il estime que «la gauche écologique rassemblée a le potentiel pour être présente au second tour et peut-être gagner». Avant de mettre en garde que «les mouvements, les partis et les leaders qui les animent devront montrer une grande capacité de désintéressement et le sens de l’intérêt général. Car nul d’entre eux ne pourra gagner en s’isolant».