François Bayrou nommé haut-commissaire au plan, une promotion qui interroge

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Portrait de François Bayrou © Malick MBOW
Portrait de François Bayrou © Malick MBOW

JOB Le patron du MoDem a été nommé haut-commissaire au plan ce jeudi, en Conseil des ministres

Laure Cometti

Publié le 02/09/20

 

Emmanuel Macron et François Bayrou à Pau, le 14 janvier 2020. — STEPHANE LEMOUTON-POOL/SIPA

  • Emmanuel Macron avait prévu de nommer François Bayrou haut-commissaire au plan, jeudi 3 septembre. C’est désormais chose faite, puisque le Premier ministre a confirmé cette nomination.
  • Cette nomination signe le grand retour du patron du MoDem. Il devrait être rattaché à l’Elysée, et non au Premier ministre.
  • Ses chantiers et sa méthode n’ont pas encore été dévoilés, mais sa mission suscite des doutes au sein même de la majorité.

[Edit: Le Premier ministre, Jean Castex, a confirmé ce jeudi 3 septembre que le président du MoDem François Bayrou avait été nommé haut-commissaire au plan, comme l’avait annoncé Emmanuel Macron la semaine dernière.]

La politique est parfois l’art de savoir faire du neuf avec du vieux. En cette rentrée, Emmanuel Macron s’apprête à ressusciter une institution née dans l’après-guerre, dont il confiera les rênes à un briscard de la politique. François Bayrou a été nommé haut-commissaire au plan et à la prospective lors du Conseil des ministres, jeudi 3 septembre. Derrière ce titre un peu ronflant, quel sera vraiment le rôle du patron du MoDem ? Les questions (et critiques) sont nombreuses sur ce nouveau job qui permet au maire de Pau de faire son grand retour.

Mais qu’est-ce que le haut-commissariat au plan ?

Le commissariat général du plan a été créé en 1946 par le général de Gaulle. A l’époque, l’objectif était de reconstruire le pays, relancer l’économie et moderniser la France avec des plans quinquennaux. Le tout premier commissaire, Jean Monnet, avait choisi de créer des commissions thématiques, avec des représentants des syndicats, du patronat, de l’Etat ainsi que des experts pour plancher sur l’avenir du charbon ou du train par exemple.

L’institution a traversé les décennies avant d’être officiellement supprimée en 2006. En réalité, elle a été remplacée par un nouvel organe chargé de faire de la prospective pour le gouvernement, le Centre d’analyse stratégique, devenu France Stratégie en 2013.

A quoi le poste va-t-il ressembler en 2020 ?

L’idée de recréer un haut-commissariat au plan a surgi en pleine crise du coronavirus. Dans son allocution du 13 avril, Emmanuel Macron évoquait déjà le devoir de « bâtir une stratégie où nous retrouverons le temps long, la possibilité de planifier, la sobriété carbone, la prévention, la résilience qui seules peuvent permettre de faire face aux crises à venir ». Les choses se sont précisées après le remaniement de juillet, lorsque le nouveau Premier ministre Jean Castex a annoncé son souhait de « rééclairer l’action publique d’une vision de long terme ».

« On a besoin d’avoir, au service du président et du gouvernement, une instance qui réfléchit à plus long terme et avec moins de contraintes, en connaissant le pays », a confirmé Emmanuel Macron le 28 août. Le président a indiqué qu’il rédigera lui-même la lettre de mission de François Bayrou. Pour le moment, on n’en sait guère plus sur la fiche de poste, l’Elysée n’ayant pas donné suite aux sollicitations de 20 Minutes.

On sait déjà que François Bayrou a obtenu gain de cause sur un point : selon Le Figaro, il sera rattaché à l’Elysée, et non à Matignon. Au passage, cela lui permettra de rester maire de Pau, puisqu’il ne sera pas membre du gouvernement et ne sera donc pas soumis aux règles de non-cumul des mandats. C’est aussi pratique car il a été mis en examen en décembre 2019 pour « complicité de détournement de fonds publics » dans l’affaire des assistants parlementaires.

Mais cette subordination à la présidence soulève des questions. « Est-ce que ça ne va pas être un Premier ministre bis ? », s’inquiète Bruno Bonnell, député LREM du Rhône. Un autre marcheur craint des « querelles de chapelle », car le futur haut-commissaire peut empiéter sur des dossiers gérés par les ministres. D’après Patrick Mignola, patron des députés MoDem, cette fonction ne sera pas rémunérée, à la demande de François Bayrou, et « son premier chantier sera l’organisation du système sanitaire à long terme, et de la recherche », deux domaines gérés au gouvernement par Olivier Véran et Frédérique Vidal.

En a-t-on vraiment besoin ?

L’annonce est saluée par certains, même les insoumis, et raillée par d’autres. Même au sein de la majorité, elle suscite des craintes, celle d’un énième organe technocratique inutile ou marchant sur les plates-bandes du gouvernement. « C’est une bonne idée, dans ces temps incertains, on est trop souvent gouverné par le court terme, les débats sur les masques, les polémiques nées sur les réseaux sociaux… », estime toutefois Roland Lescure, député LREM et président de la commission des Affaires économiques. « Le plan peut nourrir les réflexions à long terme du président de la République, sur la globalisation post-Covid, la gouvernance européenne… », illustre-t-il.

« On rajoute un machin, qui va probablement avoir de bonnes idées, mais ce n’est pas ce dont on a besoin aujourd’hui », s’inquiète en revanche Bruno Bonnell. « L’outil paraît daté : le monde a basculé dans l’interactivité, l’innovation en temps réel. La planification n’est pas adaptée aux enjeux du siècle. Et Matignon et Bercy disposent déjà d’outils de prospective exceptionnels », balaie le macroniste.

Pourquoi Bayrou ?

« C’est une idée de toujours de François Bayrou », rappelle le centriste Patrick Mignola. Le maire de Pau avait notamment plaidé pour recréer ce commissariat au plan, dans un ouvrage paru en 2017, Résolution française. « J’ai beaucoup discuté de cette nécessité depuis des mois avec le président de la République. Il m’a dit : « C’est une bonne idée. Pourquoi ne le feriez-vous pas vous-même ? Vous avez réfléchi sur le sujet et vous correspondez au portrait-robot » », a raconté l’intéressé à La République des Pyrénées, fin août.

Son retour au sein de l’exécutif, trois ans après son passage express au ministère de la Justice, en juin 2017, est loin d’être anodin. Même si certains macronistes sont agacés par son retour, « les marcheurs historiques comme moi reconnaissent le rôle qu’il a joué dans la campagne de 2017 », assure Roland Lescure. « Il faudra qu’il se retire du commentaire de l’actualité au quotidien, pour éviter toute ambiguïté », espère-t-il.

En juillet, l’entourage d’Emmanuel Macron avait jugé que la nomination du patron du MoDem à ce poste serait un « gain politique évident ». « Ça permet de montrer la majorité présidentielle, qu’on accuse de pencher à droite, reste plurielle », souligne Bruno Bonnell. En planchant sur le long terme, François Bayrou aura aussi l’occasion de « faire émerger des débats utiles en vue de la présidentielle », juge Patrick Mignola. Une façon de s’assurer de peser à nouveau sur le scrutin, en 2022.

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