Donald Trump profite de ses fonctions présidentielles jusqu’au bout. Et il a notamment fait usage de son pouvoir d’accorder la grâce à l’un de ses anciens conseillers. Peut-il en faire de même pour lui ?
Donald Trump compte bien profiter de ses fonctions présidentielles jusqu’au bout. Alors qu’il commence seulement à admettre l’idée d’une éventuelle défaite – il a affirmé qu’il quitterait la Maison Blanche si les grands électeurs votaient en majorité pour Joe Biden – celui qui est encore président des États-Unis ne cesse de faire parler de lui, au point même d’alimenter les paris.
Regardez : États-Unis : Donald Trump gracie l’un de ses anciens conseillers
Mercredi 25 novembre, il a accordé la grâce présidentielle à Michael Flynn, son ancien conseiller en sécurité nationale, qui a avoué avoir menti au FBI dans l’affaire de collusion avec la Russie. Depuis, les observateurs s’attendent à ce que Donald Trump profite de ce pouvoir pour blanchir d’autres proches ou anciens membres de son administration, et notamment ceux qui ont été impliqués dans l’enquête sur l’ingérence russe lors de l’élection présidentielle de 2016.
Le président sortant, qui risque d’être rattrapé par plusieurs affaires judiciaires lorsqu’il quittera son poste, peut-il aussi s’accorder une grâce à lui-même ?
Donald Trump sûr de lui
C’est en tout cas ce qu’il pensait en juin 2018. À l’époque, il affirmait, sur Twitter, que cela faisait partie de ses pouvoirs, s’appuyant sur l’expertise de “nombreux spécialistes juridiques”. Et c’est visiblement un sujet qui le taraude. D’anciens conseillers de Donald Trump ont affirmé à CNN que le républicain s’était renseigné sur la grâce pour lui-même, mais aussi pour les membres de sa famille, et ce dès 2017. Il se serait même interrogé sur la possibilité d’accorder un pré-pardon, pour des faits pour lesquels la personne pourrait être accusée à l’avenir.
Comme le rappelle The Guardian, aucune enquête criminelle n’est actuellement ouverte contre le magnat de l’immobilier. Et à raison, puisque les directives du département de la justice précisent qu’un président en activité ne peut être accusé d’aucun délit. Ce qui explique pourquoi Donald Trump s’est enquis de la possibilité d’accorder une grâce anticipée.
Reconnaître sa culpabilité
Sur le sujet, la Constitution américaine explique que le Président a “le pouvoir d’accorder un sursis ou la grâce pour les délits commis contre les États-Unis, sauf en cas d’impeachment”. Il n’y a donc, en théorie, aucune limite sur le sujet si ce n’est la procédure d’impeachment, commente The Guardian.
Cependant, un arrêt de la Court suprême, datant de 1915, vient apporter quelques précisions, comme le rappelle le quotidien britannique. Une grâce implique la reconnaissance de la culpabilité de la personne. Or, pour Donald Trump, il s’agirait d’affaires qui ont eu lieu pendant sa présidence – notamment sur la question de l’ingérence russe, et tout ce que cela pourrait impliquer en terme d’obstruction à la justice. Se gracier reviendrait, pour lui, à reconnaître qu’il a commis des délits. Un mauvais départ pour quelqu’un qui souhaite se présenter à nouveau en 2024.
L’autre limite concerne les infractions pour lesquelles la grâce peut s’appliquer : historiquement, elle n’a toujours concerné que des crimes fédéraux. Notamment en raison du texte de la Constitution qui spécifie “contre les États-Unis”. Ce qui laisse donc la possibilité d’être attaqué dans les différents États. Or, des enquêtes contre le Trump organisation ont été ouverte par le procureur général de l’État de New York et le procureur du district de Manhattan, rappelle CNN.
Une question complexe
Par ailleurs, une note rédigée par le département de la Justice en 1974, en lien avec la démission de Richard Nixon et l’affaire du Watergate, précise que “compte tenu du fait que personne ne peut être son propre juge, le président ne peut pas se gracier lui-même”.
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Essayer de s’accorder une grâce à soi-même “pourrait être vu comme un outrage, comme de l’abus de pouvoir. Mais la question de savoir si une court devrait finalement respecter la validité d’une telle grâce est beaucoup plus complexe”, a commenté Keith Whittington, professeur spécialiste de la Constitution à l’Université de Princetown, dans The Guardian.
Il existe cependant une alternative, qui avait été avancée par le Bureau du conseil légal du département de la Justice en 1974, comme le rapporte CNN. Le président pourrait, temporairement, se déclarer inapte à diriger le pays, laissant ainsi les pouvoirs – parmi lesquels celui de gracier – au vice-président. Celui-ci pourrait alors accorder la grâce présidentielle au président en retrait, avant qu’il ne reprenne ses pouvoirs.
Donald Trump pourrait donc bien tenter le tout pour le tout, même si une telle décision risque fort de rendre son retour en politique très difficile.