Babacar Diop, patron du FDS, décrypte la figure de l’ancien président du Conseil à travers la crise de 1962 impliquant Leopold Sédar Senghor, et son legs à l’histoire politique du Sénégal
Réhabiliter Mamadou Dia. C’était manifestement l’objectif recherché par le président du parti les FDS en organisant jeudi une rencontre sur la crise politique de1962. Néanmoins, faisant une analyse lucide de cet évènement, Babacar Diop a soutenu que le président Mamadou Dia a commis des erreurs, notamment sur son fétichisme de l’amitié à l’égard de Léopold Sédar Senghor.
Lorsque le président Mamadou Dia a perdu l’usage de ses yeux, Dr Babacar Diop a eu le privilège de lui lire des ouvrages. Les dialogues silencieux du leader des FDS avec son maître en politique sont connus de tous. Et le président Mamadou Dia souhaitait qu’il constitue les germes de ce qu’il a semé. Mais Babacar Diop veut rester cet intellectuel impassible qui analyse les choses objectivement en parlant de l’ancien président du Conseil, Mamadou Dia.
Jeudi, dans une salle archicomble et devant des étudiants qui voulaient se réconcilier avec la pensée du Président Dia, le philosophe s’est incliné devant la mémoire et l’immense parcours de cet homme politique. Toutefois, il est revenu avec lucidité sur certains manquements notés chez son «maître». «Sur le plan politique, j’assume ma proximité avec Mamadou Dia, mais il y a beaucoup de questions sur lesquelles je ne suis pas d’accord avec lui. Il a fait beaucoup d’erreurs, c’est la vérité historique. Il a commis des fautes. Il n’a pas négocié certains virages. Senghor était plus politique que lui. Il connaissait les faiblesses de Mamadou Dia comme son fétichisme de l’amitié. Et c’est ce fétichisme qui l’a perdu», affirme Dr Babacar Diop après avoir fait une intervention remarquée sur la crise de 1962. Il ajoute : ‘’Le Président Dia dit : « Avec Sédar, j’ai partagé la cola. Il est sérère, je suis halpular, je ne peux pas le trahir. » La responsabilité de Mamadou Dia est engagée dans l’éclatement de la Fédération du Mali. Les Maliens avaient dit à Mamadou Dia de se présenter, il a refusé. Il a dit que c’est Senghor ou personne d’autre. Il a manqué de tact sur certains virages et sur certaines questions.Il y a aussiun moment où il en demandait plus davantage. Il demande aux jeunes d’être concernés par le pays, d’être concernés par le développement. En un moment, les gens ont dit qu’ils ont envie de vivre.
«Il est plus grand que les 4 présidents de la République du Sénégal réunis»
A en croire le leader des FDS, le président Mamadou Dia est un grand homme, un patriote, un grand militant, un panafricaniste, mais il faut avoir la lucidité de savoir ce qu’il faut prendre de lui et ce qu’il faut laisser. «Lui-même a dit qu’un homme politique n’est pas un saint, il fait des erreurs, il fait des fautes», indique Diop. Se présentant comme un ‘’Diaiste‘’ convaincu sur le plan politique, le président du parti FDS considère que personne ne doute de la bonne volonté de l’ancien président du Conseil. «Même ses adversaires lui reconnaissent cette bonne volonté, son intégrité. Il faut regarder tous ceux qui détournent de l’argent, qui construisent des maisons. Le gars, lui, il n’avait pas de maison et ses enfants chômaient», s’exclame le philosophe.
«Mamadou Dia mérite de porter le nom du boulevard de la République ou d’une université»
Selon Babacar Diop, dans la crise de 1962 qui a sonné le glas du bicéphalisme au Sénégal et avec comme dénouement la condamnation à perpétuité de Mamadou Dia, il y a le verdict de la Haute Cour de Justice du 12 mai 1963. «Au-dessus de ce verdict, il y a celui de l’histoire. Et aujourd’hui, c’est l’histoire qui a définitivement réhabilité Mamadou Dia, parce que les acteurs ont témoigné. Le Général Jean Alfred Diallo, chef d’état-major des armées de l’époque, que Senghor a utilisé dans cette crise, a dit que Dia n’a jamais voulu faire de coup d’Etat et qu’il doit être réhabilité. Et que s’il y a quelqu’un qui s’est servi des Forces Armées, ce n’est pas Mamadou Dia, c’est plutôt Senghor. Dans ses mémoires, le juge Ousmane Camara, procureur de la République de l’époque, a dit que Mamadou Dia doit être réhabilité. Aujourd’hui, nous assistons à une réhabilitation de Dia qui a toute sa place dans l’histoire politique de notre pays», déclare Dr Babacar Diop. Dans le même registre, il souligne que dans la crise de 1962, il n’y a pas eu ni de vainqueur ni de perdant entre Dia et Senghor. «Le perdant, c’est le peuple sénégalais. Mamadou Dia avait une vision, un projet de développement économique pour le Sénégal. Si on avait laissé Mamadou Dia travailler, on n’en serait pas à cette situation. Tous les historiens sérieux comme Pr Mamadou Diouf sont d’accord sur ce fait», clame-t-il avant de trancher que «l’ancien président du Conseil Mamadou Dia est plus grand que tous les quatre Présidents du Sénégal réunis».
Face un public conquis, Babacar Diop s’enflamme : «C’est Mamadou Dia qui nous a permis d’être dakarois, c’est Mamadou Dia qui a créé l’ENAM, qui a créé l’ENEA, qui a élaboré le premier Plan de développement du pays. C’est Mamadou Dia qui a signé l’acte de l’indépendance du Sénégal. Il est le concepteur et le bâtisseur de l’Etat moderne du pays. Cet homme mérite le boulevard de la République. Cet homme mérite une université». Quoi qu’il en soit, il affirme que Mamadou Dia sera réhabilité aujourd’hui ou demain. «C’est irréversible», lance-t-il.
Babacar Diop sur la suppression de la ville de Dakar : «Ceux qui gouvernent ce pays n’ont pas de culture»
Le président du parti FDS s’oppose à la volonté du gouvernement de supprimer la Ville de Dakar. En effet, selon Babacar Diop, ceux qui gouvernent le pays n’ont pas de culture. «Ils ne connaissent pas l’histoire du pays, s’ils étaient des hommes de culture à la hauteur de Mamadou Dia ou de Senghor, ils ne penseraient pas à cela. Dakar est un pan de l’histoire de notre pays», indique le philosophe qui pense que le gouvernement va revenir à la raison. «D’autant que j’ai vu des intellectuels qui ne font pas de la politique se prononcer sur cette question», souligne Babacar Diop. «Dakar c’est notre histoire, c’est la ville de Lamine Guèye et on élisait le maire de Dakar bien avant les indépendances. Macky Sall ne peut pas se permettre de la supprimer à cause de la politique politicienne. Nous sommes tous Dakarois sur cette question, c’est notre histoire», fulmine le leader de FDS.