La souveraine a fait pression sur le gouvernement pour modifier un projet de loi, ce qui lui a permis de dissimuler sa richesse, révèle « The Guardian ».
Par LePoint.fr
Une révélation embarrassante. Dans une longue enquête publiée dimanche 7 février, The Guardian affirme que la reine Elizabeth II a réussi à faire pression sur le gouvernement, au milieu des années 1970, pour que sa fortune privée, jugée « embarrassante », ne soit pas divulguée au grand public. Le quotidien britannique a en effet déterré une série de notes de service du gouvernement dans les Archives nationales, qui apportent la preuve que l’avocat de la souveraine a fait du lobbying auprès de plusieurs ministres. Ces derniers ont ensuite réussi à faire modifier un projet de loi sur la transparence.
Cet arrangement a notamment permis de créer une société-écran soutenue par l’État britannique pour masquer les investissements et dépenses privées d’Elizabeth II jusqu’en 2011 au moins. Pour rappel, la véritable ampleur de sa richesse n’a jamais été révélée, mais elle est estimée à des centaines de millions de livres.
Le « Queen’s Consent », obscure procédure parlementaire
Tout cela a été rendu possible par une obscure procédure parlementaire, connue sous le nom de « Queen’s Consent » (le « consentement de la reine »). Elle donne à la souveraine le pouvoir d’être sollicitée avant qu’une loi ne soit approuvée par le Parlement et oblige les ministres à l’alerter lorsqu’un projet de loi est susceptible d’affecter la Couronne. D’après le spécialiste du droit constitutionnel à l’université d’Oxford Thomas Adams, l’existence de cette procédure semble avoir donné à Elizabeth II une « influence substantielle » sur les projets de loi qui l’impactaient, comme il le confie au Guardian.
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Ainsi, en novembre 1973, la monarque a missionné son avocat privé, Matthew Farrer, afin qu’il mette la pression à des fonctionnaires du ministère du Commerce et de l’Industrie. À l’époque, un projet de loi visant à empêcher les investisseurs d’acquérir secrètement des participations importantes dans des sociétés cotées en acquérant leurs actions via des sociétés-écrans était en préparation. Trois pages de correspondances révélées par The Guardian prouvent que le juriste a relayé l’objection de la reine pour cette loi.
Un compromis proposé à la reine
Après quelques semaines de réflexion, le gouvernement britannique a donc proposé un compromis au monarque. Le secrétaire d’État au Commerce Geoffroy Howe a ainsi expliqué qu’il pouvait insérer une nouvelle clause dans le projet de loi, accordant au gouvernement le pouvoir d’exempter certaines entreprises de l’obligation de déclarer l’identité de leurs actionnaires. Un changement qui favoriserait les investisseurs fortunés, à savoir les chefs d’État, les gouvernements, les autorités monétaires centrales. Et donc la reine.
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Il a néanmoins fallu trois ans avant que cette loi ne soit définitivement promulguée. De fait, en février 1974, le Premier ministre Edward Heath a déclenché des élections anticipées, ce qui a entraîné le rejet de toutes les lois soumises au parlement, rappelle The Guardian. Finalement, la proposition a été réactualisée par le gouvernement travailliste d’Harold Wilson et la loi promulguée en 1976.