« Niala », une BD qui sort le 10 mars, est accusée d’animaliser les Africains et de réactiver tous les clichés colonialistes. Ses auteurs ses défendent, assurant qu’il s’agit de second degré.
Niala, une bande dessinée érotique, sort mercredi sur fond de polémique, accusée de relayer les pires stérérotypes racistes sur l’Afrique quand ses auteurs assurent qu’au contraire elle raille les clichés colonialistes.
Dessinée par Christian Rossi, Niala est une Africaine que le scénariste Jean-Christophe Deveney, interrogé par l’AFP, décrit comme « l’esprit de la forêt, un être imaginaire, une espèce de déesse de la jungle ». Elle a grandi parmi les singes bonobos et elle rencontre des blancs, explorateurs, missionnaires, anthropologues, bardés de carcans moraux ou de frustrations, qu’elle éveille à la sexualité.
« On retrouve tous les lieux communs des BD d’aventure : la forêt dense, le climat humide… Et également, ce qui est problématique, l’animalisation des Noirs. C’est ça qui révolte », commente Elodie Malanda, post-doctorante en littérature à l’université de la Sarre, interrogée par l’AFP. « On ne peut pas aujourd’hui mettre en parallèle une femme noire et une guenon sans réactiver tout l’imaginaire colonialiste qui va avec, sans promouvoir cette idée que les Africains sont moins humains que les blancs », déplore cette chercheuse.
Polémique sur Twitter et pétition en ligne contre la parution
La polémique sur le livre a été lancée le 1er mars sur Twitter. Une lectrice, choquée par sa présentation par les éditions Glénat, n’a pas pu le lire en entier. « Une bonne vieille BD fétichiste, raciste et misogyne, par deux mecs blancs », accuse-elle, sous le pseudonyme de « Nephraïme ». Elle se présente comme « noire », fille d‘ »un blanc installé à Madagascar ». Une autre lectrice a lancé une pétition en ligne appelant les éditions Glénat à annuler la parution. L’éditeur ne l’a envisagé à aucun moment.
« Le titre sera bien en vente comme prévu en librairie dès mercredi (…) Nous avons modifié le résumé du texte à destination du grand public, afin que le second degré de l’album apparaisse cette fois de manière évidente », a indiqué Glénat.
Ce texte de présentation parlait d’un « hommage aux BD d’aventures décomplexées des années 50 ». Il évoque maintenant « six fables caustiques et parodiques qui raillent autant la pudibonderie que les stéréotypes véhiculés par les BD colonialistes des années 50 ».
Une caricature de l’Afrique
« Je peux comprendre que le premier texte de présentation de l’album ait pu choquer. Je ne l’ai pas rédigé et il présente vraiment très maladroitement le contenu de l’album », dit le scénariste. Mais « il n’y a clairement pas de volonté d’être raciste. Il n’y a même pas de volonté de jouer avec une ambiguïté autour de cela (…) Ce qui est vraiment caricaturé, ce sont les personnages blancs, ces Occidentaux qui débarquent, qui sont tournés en ridicule », se défend Jean-Christophe Deverney.
Mais c’est plus la caricature de l’Afrique que reproche à l’auteur une spécialiste des littératures coloniales, Dominique Ranaivoson, de l’université de Lorraine. « Les auteurs animalisent complètement les Noirs, dans la sexualité et par la cohabitation avec les animaux qui font ‘boum boum’. C’est la rhétorique traditionnelle de Senghor : les Noirs sont dans le rythme, la musique, dans un naturel de nudité et de sexualité. Et sur tout cela il y a zéro réflexion », estime-t-elle.
« S’il y a des amateurs pour ce porno-là, tant pis pour eux. Pour moi l’humour et la distance ne fonctionnent pas. C’est une représentation de la jungle éculée : tous les animaux assis en rond dans la clairière, qui sont descendus de la liane et qui sont heureux », poursuit cette universitaire. « Je trouve ça tellement pauvre qu’il n’y a pas de quoi signer des pétitions ».
Même opinion chez un autre universitaire, qui a souhaité rester anonyme. « L’éditeur a été fort mal inspiré », affirme-t-il, mais « il y a des lois dans ce pays contre le racisme. Un tribunal peut trancher. »