L’entreprise Mercuria Energy Group pensait acquérir 6 000 tonnes de cuivre pour 36 millions de dollars. À l’arrivée, il ne s’agissait que de vulgaires cailloux.
De notre correspondant à Genève, Ian Hamel
Le géant suisse Mercuria, établi à Genève, spécialisé dans le commerce des matières premières, vient d’être victime d’une arnaque d’un nouveau genre. En juin 2020, Mercuria conclut un accord avec Bietsan, un fournisseur turc : 6 000 tonnes de cuivre pour 36 millions de dollars (30,2 millions d’euros). Le trader genevois n’a pas de raison de se méfier. Comme le raconte l’agence Bloomberg, il a déjà fait affaire dans le passé avec ce fournisseur, établi dans la ville de Tekirdag en Turquie. Une première cargaison de cuivre est chargée sur un premier navire dans le port d’Ambarli, près d’Istanbul. La cargaison est vérifiée par une société spécialisée dans l’inspection. Mercuria paye en cinq versements 36 millions de dollars au fournisseur turc. Le dernier versement est effectué le 20 août 2020.
Mais lorsque les premiers bateaux arrivent dans le port de Lianyungang, dans le nord-est de la province du Jiangsu, en Chine, ce n’est pas du cuivre que contiennent les conteneurs, mais de vulgaires cailloux peints en brun rougeâtre, la couleur du cuivre… Mercuria, qui réalise plus de 110 milliards de dollars de chiffre d’affaires, est l’une des plus grandes entreprises suisses. Comment ce géant a-t-il pu ainsi se faire rouler dans la farine comme un amateur ? Sur son site, le négociant en matières premières explique qu’il commercialise du cuivre, de l’aluminium, du plomb, du zinc, du nickel et de l’étain à la fois en Europe, en Asie et en Amérique. Sa plateforme intégrée va de « l’approvisionnement en métaux à la gestion des risques et au trading ».
Selon les premiers éléments de l’enquête, l’arnaque relèverait d’une histoire de Pieds nickelés. Une bande venait la nuit, après le passage des inspecteurs, ouvrait les conteneurs, remplaçait le cuivre par des pierres peintes. Et posait de faux scellés. L’opération se serait répétée pour les huit navires transportant initialement du cuivre depuis la Turquie jusqu’en Chine. Mercuria a bien évidemment déposé une plainte pénale auprès de la justice et de la police d’Istanbul pour « substitution de cargaison », mais aussi pour « fraude à l’assurance ».