La chambre d’appel de la Cour pénale internationale a confirmé l’acquittement de Laurent Gbagbo et de Charles Blé Goudé, prononcé en première instance le 15 janvier 2019. Cette décision ouvre la voie au retour de l’ancien président ivoirien dans son pays.
« La chambre d’appel rejette l’appel du procureur et confirme la décision de la chambre de première instance. » Au terme d’un long exposé au cours duquel il est revenu sur les différentes étapes de la procédure, le Nigérian Chile Eboe-Osuji, président de la chambre d’appel de la Cour pénale internationale et ancien président de la CPI, a confirmé ce mercredi 31 mars l’acquittement de Laurent Gbagbo et de Charles Blé Goudé, prononcé en première instance le 15 janvier 2019.
Une heure avant, l’ancien président ivoirien avait fait son arrivée dans une CPI déserte en raison de la situation sanitaire. Devant le siège de la juridiction internationale, une vingtaine de ses partisans étaient quand même présents. En costume-cravate, portant des lunettes de soleil, Laurent Gbagbo, accompagné de son épouse Nady Bamba, se disait alors « confiant » quant à l’issue de la procédure. Et d’ajouter, sourire en coin en pénétrant dans le hall principal de la CPI : « C’est la première fois que je passe par ici et non par l’entrée des prisonniers ! »
Le bureau du procureur, qui dénonçait notamment des « vices de procédure », avait demandé à la chambre d’appel de revoir l’acquittement de Laurent Gbagbo et de Charles Blé Goudé en première instance et de conclure à un non-lieu.
Une décennie de procédure
Pour la procureure Fatou Bensouda, qui avait fait appel de l’acquittement des deux hommes en septembre 2019, cette décision est une nouvelle défaite. Pour Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé, c’est la fin d’une décennie de procédure. Accusés de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité durant la crise post-électorale de 2010-2011 en Côte d’Ivoire, qui avait fait plus de 3 000 morts, les deux hommes avaient été acquittés par la chambre préliminaire le 15 janvier 2019. Les juges avaient alors pointé le manque de preuves de l’accusation, le président de la chambre allant même jusqu’à évoquer la « faiblesse exceptionnelle » du dossier du procureur.
Acquittés, mais pas complètement libres. Gbagbo et Blé Goudé doivent rester à proximité de la CPI et demeurer à sa disposition. L’ancien chef de l’État s’installe donc à Bruxelles, où il réside jusqu’à présent avec sa femme. Charles Blé Goudé, lui, fait le choix de rester à La Haye.
En mai 2020, nouvelle victoire pour l’ancien président et l’ex-« général de la rue » : la CPI allège leur régime de liberté conditionnelle. Concrètement, ils sont autorisés à changer de lieu de résidence et à vivre où ils le veulent, à condition d’obtenir l’accord des autorités du pays concerné.
Immédiatement, les partisans du « Woody de Mama » se mettent à rêver d’un retour imminent de leur mentor en Côte d’Ivoire.
Tractations pour un retour
Mais malgré sa volonté affichée de rentrer à Abidjan, son come-back est sans cesse reporté. Dépourvu de passeport, recalé à la présidentielle du 31 octobre 2020… Laurent Gbagbo rencontre obstacle sur obstacle. Ses proches accusent les autorités ivoiriennes de tout faire pour l’empêcher de rentrer. De leur côté, Alassane Ouattara et son entourage assurent qu’ils sont disposés à permettre le retour de l’ancien président, mais uniquement lorsque la CPI aura définitivement statué sur son sort.
« Alors que les tractations se tenaient jusque-là en coulisses, elles sont désormais officialisées
Après sa réélection pour un troisième mandat en octobre dernier, au terme d’une élection marquée par des violences et le « boycott actif » d’une partie des candidats de l’opposition, le chef de l’État entrouvre davantage la porte au retour de son prédécesseur. Alors que les tractations entre les deux camps se tenaient jusque-là en coulisses entre discrets émissaires, elles sont désormais officialisées.
Début janvier, le Premier ministre Hamed Bakayoko – décédé depuis – a ainsi reçu officiellement Assoa Adou, le secrétaire général du Front populaire ivoirien (FPI, de Gbagbo), pour évoquer formellement les modalités du retour de l’ex-président à Abidjan. Au centre des échanges : la condamnation de Laurent Gbagbo, en janvier 2018, à vingt ans de prison dans l’affaire du « braquage » de l’Agence nationale ivoirienne de la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO).