Bob Dylan fête ses 80 ans : ses 5 chansons les plus marquantes
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De « Ballad Of A Thin Man » à « Rough and Rowdy Ways » en passant par « I Want You », cinq tubes du musicien américain nobélisés qui continuent de nous marquer, plus de cinquante ans après leur création parfois. Petit bonus : l’album « Rough and Rowdy Ways ».
Ce 24 mai, Bob Dylan fête ses 80 ans. L’insolent imprécateur des années 1960 a laissé place au mélancolique bluesman institutionnalisé depuis le prix Nobel de littérature. Il domine une œuvre aussi considérable que celles des Cole Porter, George Gershwin ou Irving Berlin… Nous avons choisi cinq de ses plus belles chansons aux fines mélodies, à l’écriture soignée, la plupart dans sa plus abondante période, les années 1960. « Forever young », comme il le chantait si bien.
Ballad Of A Thin Man (1965)
De l’album Highway 61 Revisited, nous aurions pu choisir l’épique Like A Rolling Stone, mais ce Ballad Of A Thin Man, enregistré à New York le 2 août 1965, catalyse l’art de Dylan (au piano et au chant) et de cette merveilleuse musique des années 1960, chatoyante, pleine de brasillements et de couleurs, qui tourne comme un manège à coups de piano électrique et d’orgue. Ne demandez pas à Dylan qui est ce « Mister Jones », cet « avaleur de sabre aux hauts talons » ? Il n’en sait rien lui-même, préférant conserver l’énigme d’une création que lui a inspiré un polar de Dashiell Hammett, L’Introuvable. Nous dirons simplement qu’il a écrit l’un de ses textes les plus érotiques, entre homosexualité et orgie.
4th Time Around (1966)
C’est l’une des plus belles chansons d’amour de Dylan. « Ne gaspille pas tes mots, ce ne sont que des mensonges », chante-t-il, amer… 4th Time Around ouvre, le 14 février 1966, les magnifiques séances de studio de Nashville Skyline et de Blonde on blonde. Vingt prises seront nécessaires pour accomplir cette très belle œuvre aux lignes mélodiques gracieuses, aux limpides tricotages de guitares. Al Kooper la trouvait trop proche du Norwegian Wood des Beatles, sorti quelques mois plus tôt sur leur disque Rubber Soul (ce qui n’est pas évident). Mais Dylan dira à raison que les Beatles se sont toujours inspirés de lui. Aucun mot gaspillé et une mélodie splendide.
I Want You (1966)
On ne fait pas de chefs-d’œuvre avec des bons sentiments ? I Want You en est l’exemple contraire. « Je te désire, je te désire ardemment ». La chanson brille comme un rayon de soleil, avec sa cascade d’harmonica, son orgue chaud, ses notes souples et bondissantes de guitare, ses balais de batterie, et cette voix qui file vers le haut, supplie, invoque un amour perdu. C’est son arrangeur et organiste Al Kooper qui découvrit dans une chambre d’hôtel de Nashville ces quelques lignes romantiques : « On la fait ? » Dylan se tourna vers Al avec un grand sourire : « On la fait. » Enregistré le 10 mars 1966, entre 3h et 7 h du matin, dans le studio de Nashville, cette chanson s’en alla éclairer d’une flamme supplémentaire le meilleur album de Bob Dylan, Blonde on Blonde.
One More Cup Of Coffee (1976)
Bob Dylan se souvenait d’une célébration gitane aux Saintes-Maries-de-la-Mer où il séjournait en vacances pour son 34e anniversaire. À peine rentré chez lui, il composa One More Cup Of Coffee, récit d’un enchantement par une jeune gitane « aux yeux comme des bijoux ». Emmené par un violon pleureur et la touche féérique de la chanteuse Emmylou Harris, Dylan fait jouer ses racines yiddish cachées tout là-bas, du côté de son grand-père Zigman immigré d’Ukraine pour fui les pogroms au début du XXe siècle. Cette chanson, gravée pour l’album Desire, le 30 juillet 1975, a été maintes fois reprise. Son contemporain Tom Jones (plus âgé d’un an) vient d’en offrir une version émouvante sur son nouvel album Surrounded By Times, joliment véhiculée par un son aérien de flûte. Une sympathique manière de célébrer ensemble leur anniversaire.
Blind Willie McTell (1983)
Pendant les années 1980, Dylan s’enlise dans les productions clinquantes qui déconcertent les nostalgiques du baladin enjoué des années 1960. Alors qu’il enregistre Infidels, le 5 mai 1983, il se met au piano et lâche cet hommage à l’un des grands bluesmen disparus, le chanteur de rue aveugle Blind Willie McTell (1898 ?-1959) dont l’inconnu Dylan interprétait les chansons à la belle étoile. La voix brisée par les lames du temps, martelant comme un glas ses touches de piano, Dylan évoque le vagabond avec son whisky de contrebande, la nuit où hululent les hiboux dans l’éclat des étoiles… Blind Willie McTell ne figurera pas sur Infidels. Il rejoindra toutes ces créatures fantômes, embarquées sous le pavillon noir des pirates, que Dylan gardait comme un précieux trésor.
BONUS – Rough and Rowdy Ways (2020)
Après les albums lumineux des années 1960, Bob Dylan aura mené une carrière erratique, entre extinction et renaissance. Son dernier disque Rough and Rowdy Ways appartient à la meilleure veine, déversant une musique lente, moite, sinueuse, à l’odeur de marais profond, traversée par ce blues qui fut si souvent son compagnon de nuit. Bob Dylan sait mieux que personne chanter cette Amérique en noir et blanc aux plaines désolées balayées par le vent sombre. Doux frottements, guitares pleurantes, voix éraillée où passent la mort de Kennedy, un bluesman perdu, une vieille Bible, où l’on sent la fraîcheur d’un monastère. Un beau voyage.