JOURNAL D’UNE CONFINÉE, PAR ANNIE JOUGA PREMIÈRE SORTIE EN PLEIN COVID

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Annie JOUGA©Malick MBOW

EXCLUSIF SENEPLUS #SilenceDuTemps – En écoutant ce matin une émission qui expliquait ce qu’était le télétravail, j’ai pensé que maintenant, c’est plutôt le moment d’expliquer ce qu’est le travail. Car nous ne sommes toujours pas au travail ici

Annie Jouga  |   Publication 10/07/2021

Jour 8

#SilenceDuTemps – À 18h00, premier titre d’une radio au demeurant sérieuse de la place : « le Sénégal a son premier cas dans la région de Fatick …», pour entendre ce journaleux – difficile de l’appeler autrement – nous dire qu’il s’agit d’un Sénégalais, habitant et décédé en Italie ! Ces journalistes si friands de scoops en perdent le nord.

À 20h00, le journal TV par contre nous apprend entre deux nouvelles, le décès de Pape Diouf de l’OM, des suites du Coronavirus, juste avant son rapatriement prévu par la France. Sans autre commentaire durant tout le journal …bizarre, non ?

Eux par contre semblent comme tétanisés par ce vrai premier cas. Et ce n’est qu’à la fin du journal, après avoir parlé de tant d’autres choses à peine importantes, que le présentateur est revenu sur le personnage de Pape Diouf. Combien d’entre nous avons pensé bien bas : « quand nous aurons notre premier décès Covid, l’électrochoc aura lieu et tout devra changer !»

Aucune réaction officielle encore. En me levant ce matin, j’ai senti quelques douleurs …, abdos, adducteurs ? Tiens, mon yoga fait son effet ? Mais pourquoi, pensent sûrement tout haut les amateurs de yoga ? Eh oui, j’insère quelques autres exercices, et notamment les fameux abdos. Bon, pas les plus difficiles, mais j’ai l’œil réprobateur de Papi viou sur moi, terrifié par mon profil trop généreux à certains endroits. Moi aussi d’ailleurs !

Alors, revenons à ces fameux abdos, et en partageant avec Mamilou, celle-ci de s’esclaffer : « quels abdos, tu crois encore qu’à notre âge cela a de l’effet » ? J’en ai rigolé et arrêté d’en faire quelques jours, puis je m’y suis remise espérant que cela serve un peu quand même…

« Pièce unique » est là en ce moment et en arrêt momentané de job ! Et je sens bien sa présence ! Je vois d’ici là comment me réadapter ; il monte et descend 3, 4 fois par jour, s’étonne que je sois un peu nerveuse et surtout par rapport aux mesures particulières mises en place et précautions que je rappelle trop souvent à son avis. Et son « mais mamaaan, je sais ! » ne me rassure pas vraiment.

Le Covid est très présent aujourd’hui et non pas celui comme le furet, par-ci par-là, mais de plein fouet, et hélas il va s’inviter encore et encore à notre table. Au fait, le pain au sarrasin est très bon, assez beau, mais j’ai dû rater quelque chose avec la levure. Il n’est pas « monté » comme il aurait dû. En fait, j’ai fait simple en prenant de la levure chimique alors que la recette parlait de levure fraîche et ici paraît-il qu’on en trouve à la boulangerie Sandaga. Mais qui est fou aujourd’hui pour s’aventurer à Sandaga pour 50 g de farine ? La prochaine fournée sera meilleure, je trouverai bien une combine.

Jour 9

Journée presqu’entièrement consacrée au travail ! En écoutant ce matin une émission qui expliquait ce qu’était le télétravail, j’ai pensé en fait que maintenant, c’est plutôt le moment d’expliquer ce qu’est le travail. Car nous n’y sommes toujours pas au travail ici !

Près de 2h de cours avec les L2 (en 2e année, pour les non-initiés) pour expliquer l’importance d’un environnement vert dans Dakar et après leur avoir fait comprendre que nous n’étions pas en vacances, que les cours continuaient et qu’il nous fallait y mettre tous du nôtre pour que cela marche. Message globalement compris, quoique …, un d’entre eux est à Tambacounda, un autre en Mauritanie et un autre, silence radio ?

Une réflexion intéressante d’un étudiant qui se demandait si la scolarité serait coupée en deux, si les cours étaient donnés à 50% ? Et moi de lui rétorquer : 2h de cours via Skype équivalent à bien plus que les 4h classiques, voire deux fois plus ! Il n’a plus contesté. C’est effectivement épuisant de travailler ainsi, mais au moins, on travaille !

Puis 3h pour booster nos étudiants en licence et vers 21h 00, une maman en délire qui me reproche de vouloir faire redoubler son fils ? Celui du « silence radio » ! qui n’a pas de téléphone, dit-elle depuis un mois, que notre scolarité est suffisamment chère … Je l’aurai croquée ! Elle a fini de m’épuiser, et tout ça pendant que je faisais une béchamel.

Heureusement qu’en fin de soirée mon ami Pierrot m’appelle : « je fais le tour de tous mes amis de plus de 60 ans, m’assurant qu’ils sont vraiment confinés, qu’ils ne bravent pas les mesures de distanciation et surtout qu’ils vont bien ». Grand éclat de rire !

Jour 10

Ce matin, à la question d’un ami lui demandant comment allait le pays, Viou de lui répondre : « il se lave les mains » ! et de presque tout ?

Et comme nous devons positiver et particulièrement par les temps qui courent, j’apprécie la première communication « circulaire » de tous les acteurs engagés dans la lutte contre le Covid, venus nous rassurer ce matin et j’espère, non pas à cause du premier décès, mais bien par ce que c’est un bilan d’étape à un mois de cette lutte, me rassure Kakatia !

Dame Nutrition me faisant au passage remarquer la qualité nutritionnelle du « panier du Covid sénégalensis » composé de riz, huile, sucre…, espérant qu’il sera complété par nos mils, fonio et autres aliments de base bien de chez nous et aux qualités nutritionnelles indéniables.

Hier, je suis sortie avec comme vrai prétexte d’aller à la recherche de ma carte d’identité nationale que j’ai perdue. Je ne la sors que lorsque je vais à la banque et donc exceptionnellement, il me fallait retourner dans ces lieux. Alors me voilà dans les rues de Dakar avec mon masque autour du cou, pensant ne le mettre que dans les lieux à risque.

Hélas, obligée de le porter durant tout mon trajet, car beaucoup trop de monde encore dans les rues et notamment des vendeurs à la sauvette, toujours aussi accrocheurs et peu concernés par le geste qui sauve, comme ce marchand de fraises qui me harponne et ne me lâche pas. J’en profite pour aller à la boulangerie acheter du pain, en quantité et à tout hasard de demander au boulanger s’il n’a pas de levure fraîche. Il m’en offre 20/25 grammes ! ouf sauvée par la mère Mich’, c’est un de ses anciens élèves de maternelle…

Je vais en suite déposer des « confitures mamina » à la grande sœur d’une amie qui avait des envies de confiture d’orange faite maison. Quoi de mieux pour faire plaisir !

Ah les confitures de DD, délicieuses, mais à dose homéopathique hélas ; je vous recommande celle au Bouye (pain de singe), excellente pour sucrer le yaourt et je suis sûre qu’elle s’accommoderait avec perfection à un rôti de porc, un gigot d’agneau … J’ai donc fait, affublée de mon masque et peu sûre de l’avoir mis correctement, 2,81KM, 3940 pas, selon mon marqueur santé du téléphone, bien loin des 10 000 pas que je me suis imposée… par jour. Vivement dimanche pour notre parcours corniche !

Khady, ma petite fille de Paris a 12 ans aujourd’hui. En l’appelant et sachant qu’on a toujours une longueur de retard de nous demander : « j’ai quel âge ?» et moi de lui dire « 15 ans voyons ! Je la connais trop celle-là, elle est si pressée … La coquine, elle voulait nous piéger en nous disant, mais non, j’ai 14 ans. Et à moi, fière de moi de lui raconter pourquoi 15 ans. Nous avions, il y a quelques années décidé, une bande de copines la soixantaine bien sonnée, d’aller à Cuba fêter nos 15 ans.  Projet non finalisé, mais pas enterré. Alors Khady, connecte-toi et tu verras pourquoi il faut absolument y aller.

En attendant, préparation d’un « anniversaire décovidis » réunissant tous les « anniversairés » situés entre mars et …juin ?

Une « méga teuf » à la Somone fin juin en perspective !

Dans le cadre du projet d’écriture #SilenceDuTemps, retrouvez tous les dimanches sur SenePlus, le « Journal d’une confinée » d’Annie Jouga.

Annie Jouga est architecte, élue à l’île de Gorée et à la ville de Dakar, administrateur et enseignante au collège universitaire d’architecture de Dakar. Annie Jouga a créé en 2008 avec deux collègues architectes, le collège universitaire d’Architecture de Dakar dont elle est administratrice.

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