Devenu le symbole de la rébellion des petits actionnaires contre les puissants de Wall Street en janvier, GameStop continue de mobiliser six mois après, avec l’espoir de faire mordre la poussière à quelques fonds spéculatifs.
L’histoire a défrayé la chronique durant plusieurs semaines et a participé au succès de nouveaux acteurs du marché comme la jeune plateforme en vogue Robinhood, qui devrait faire ses débuts à la Bourse de New York jeudi.
En quelques jours en début d’année, l’action de la chaîne de magasins de jeux vidéos est passée de 17 dollars environ à près de 500.
Le titre était dopé par des petits investisseurs décidés à en découdre avec des investisseurs institutionnels qui avaient massivement parié sur l’effondrement boursier de GameStop et ont été pris à revers.
Certains fonds spéculatifs y ont perdu gros, au point de devoir parfois mettre la clef sous la porte.
Lancée depuis le forum WallStreetBets, sur la plateforme Reddit, le mouvement a emmené dans son sillage des milliers de particuliers, des étudiants aux retraités, dont certains y ont ramassé des sommes rondelettes.
Débordés par le flux des achats, plusieurs courtiers comme Robinhood ont dû suspendre les échanges et ont été accusés d’écarter les petits au profit de quelques grands de la finance.
« La boîte de Pandore »
Six mois plus tard, les volumes d’échanges ont fondu et GameStop ne fait plus les gros titres. Mais loin d’être retombée comme un soufflé, l’action vaut toujours dix fois son prix de début janvier et ses partisans se comptent encore par centaines.
Beaucoup, sur Reddit, défendent la « transformation » de l’entreprise GameStop, avec un accent sur le commerce en ligne, et s’offusquent de voir le titre présenté uniquement comme un moyen de faire de l’argent rapidement.
Ils rejettent aussi les comparaisons avec les autres « meme stocks », les actions qui ont bénéficié d’une mobilisation de petits porteurs, comme la chaîne de cinémas AMC ou l’assureur santé Clover Health.
Outre l’adhésion au modèle économique de GameStop, on s’accroche à GME (son abréviation) pour « voir ce qui se passera quand les vendeurs à découvert seront forcés de sortir », explique Ka12n, contacté sur Reddit, qui dit posséder des titres de la chaîne.
Officiellement, les ventes à découvert, instrument purement spéculatif, pèsent un peu plus de 10% des actions de GameStop, ce qui reste élevé.
Mais nombreux sont ceux qui soupçonnent des investisseurs institutionnels d’utiliser des instruments financiers non déclarés pour spéculer massivement sur le titre.
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Pour Shorty-hunter (qui n’a pas voulu révéler son identité), également contacté sur Reddit, la manipulation se trouve là, pas chez les petits porteurs qui n’ont fait qu’acheter des actions et les garder, pour la plupart.
« Janvier n’était que le début », estime Jonathan Royère, qui détient des titres GameStop. « La boîte de Pandore a été ouverte et la plupart des actionnaires refusent de vendre. »
« Démocratisation du trading »
« Je ne pensais pas que des investisseurs particuliers pouvaient faire bouger autant les prix », reconnaît Meir Statman, professeur de finance à l’université Santa Clara, spécialisé dans l’étude des décisions financières.
« Je me suis trompé », dit-il. « Quand les petits épargnants se regroupent, ils ont la même force qu’un grand investisseur institutionnel. »
Pour autant, « je ne pense pas que cela soit un mouvement large » de nature à bouleverser le monde de la finance, considère l’universitaire. « C’est davantage une curiosité qu’une sorte de force nouvelle dans le marché. »
Pour Angelo Kourkafas, de la société d’investissement Edward Jones, l’affaire GameStop est avant tout la manifestation d’une « démocratisation du trading », favorisée par l’innovation technologique. Elle a notamment permis l’émergence de nouveaux acteurs comme Robinhood ou Webull, chez qui les opérations sont gratuites.
Notamment grâce à ces nouveaux instruments, cet appétit renouvelé des petits épargnants pour la Bourse depuis le début de la pandémie, après les traumatismes de 2000 et de 2008, « va durer », anticipe Angelo Kourkafas.
Après l’épisode GameStop, dépassée par un mouvement qu’elle n’avait pas vu, une partie de Wall Street a crié au loup, craignant qu’une horde fanatisée sur internet ne vienne saccager le monde de la finance.
Mais les coups de chaud ont été jusqu’ici limités à quelques recoins des marchés financiers, souligne le conseiller en investissement, « et n’ont pas présenté une menace pour le marché ».