PÂQUES SOUS COVID

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JOURNAL D’UNE CONFINÉE, PAR ANNIE JOUGA
Annie JOUGA©Malick MBOW

EXCLUSIF SENEPLUS #SilenceDuTemps – L’occasion est belle pour enfin arriver à une diversité alimentaire pour contrecarrer nos carences. Lorsque la santé est trop politique, cela ne marche pas

Annie Jouga  |   Publication 22/08/2021

Jour 19

#SilenceDuTemps – Mon amie Geneviève de Marseille me partage ses chroniques qu’elle tient depuis son confinement. J’ai reçu en fin d’après-midi la J + 26. Elle me promène dans son quartier, attention 1 km seulement, triche un peu de temps en temps, se « perdant » à souhait. Son sens de l’observation me fait « rentrer » chez ses voisins et écouter les musiques qu’ils écoutent, me promener dans sa rue et celles voisines, partager ses rencontres. Et je tends l’oreille et j’entends sa conversation … On s’y croirait !

Je retrouve par moment les lieux qu’elle m’aura fait visiter le temps d’un court week-end il y a quelques mois, avec une très grande connaissance des coins et recoins de cette ville qui est la sienne.

Oui, elle m’a passé le virus…

Malgré le décalage horaire, elle attend ma chronique que je n’arrive toujours pas à faire et envoyer à une heure « raisonnable ». Je m’y essaie pourtant. D’autres l’attendent et certains comme « leur pain quotidien », dit mon frère Charles de Praia. J’avoue que cela me met une douce et amicale pression.

Ce temps que ma chère Adeye Ababa a appelé « pause forcée » me paraît idéal pour mettre de l’ordre dans les grands et petits dossiers en retard qu’il est difficile de faire aboutir quand la vie est au rythme normal. Ah je vous vois avec votre air moqueur en train de vous dire : « elle est à la retraite ou pas celle-là ». C’est le bon moment puisque pas de stress du délai affolant et difficile à respecter. Le temps de se « réinventer », entend-on çà et là, et de produire le meilleur de soi, ah ne l’ai pas déjà dit …

L’opéra rock « Jésus Christ super star » m’a ravie hier soir et m’a ramenée dans les années 70. Très beau spectacle de haute facture, bien joué, bien chanté, bien … costumé et bon texte avec Jésus Christ noir, beau et convaincant. C’est-à-dire qu’on reste scotchée à l’écran pour le regarder, l’écouter, l’apprécier. Je n’ose dire « c’était le bon temps ! », mais …

Faire des stocks, j’ai du mal. Et devant les rayons, je reste hésitante. Quand je vois les images à la TV d’ailleurs avec les chariots débordants de mille paquets de tout, je suis perplexe alors dans mes courses de la semaine. C’est compliqué et puis à la maison, il y a toujours des choses que l’on a oublié de consommer, qui sont planquées derrière celles que l’on consomme en premier. Et là j’ai dégoté un savon oublié, en fait pas vraiment, mais que je n’osais en fait utiliser. Il est rouge brique couleur inhabituelle c’est vrai, fait à la carotte par une coopérative de femmes et peut-être aussi à l’huile de palme. Je ne sais plus, car plus d’étiquette.

Viou d’ébène l’avait suspecté en prétendant qu’il lui faisait penser à un savon pour le khessal ? Mais qu’en sait-il celui-là ! Ah sacré Viou et là cela m’a fait repenser à une de ses histoires d’il y a bien 30 ans et il (Viou) s’était intéressé au nom que la mode du moment avait donné à un « bêtio » ! Il avait pondu comme il sait le faire, un super article « un pagne nommé désir », référence à sa culture filmique. J’ai souvenir qu’il s’était bien documenté auprès de notre chère Az’ Sukeur très au courant des nouveautés dans ce domaine et sûrement auprès d’autres. Et lui de me raconter que ses collèges enchantés par l’article lors de la rédaction, lui avaient dit « mais Vieux tu ne peux pas signer cet article, que va dire Annie … ? »

Période propice pour prendre des nouvelles de ceux que l’on n’a pas vus depuis longtemps, savoir comment ils vivent cette cochonnerie de vie qui nous tombe dessus et aussi et … surtout apprendre à dire :

Je t’aime !

Jour 20

« Réinventer nos hôpitaux et cela jusqu’à la manière de les concevoir … », ainsi s’exprimait Dr Bousso, directeur du centre des opérations d’urgence et de secours ce matin dans une émission de radio. Bien entendu, il a dit bien d’autres choses très sensées à mon avis, mais cette phrase me va droit au cœur.

Plus que çà même… J’ai travaillé au ministère de la Santé il y a bientôt 40 ans, une formidable et enrichissante expérience au service de mon pays qui aura duré trois années. Plein de souvenirs me reviennent à l’esprit, mais je ne veux en partager qu’un seul qui « colle » à l’actualité d’aujourd’hui.

En charge, entre autres de faire l’analyse du projet de l’hôpital de Fatick, me voilà partie à la rencontre des grands et éminents professeurs installés dans nos hôpitaux. Ma démarche totalement insolite et unique m’ont-ils dit, les a intéressés. J’ai eu de longues et fructueuses séances de travail et le projet au stade d’avant-projet, remanié pratiquement entièrement.

En présentant le résultat de mon travail, le ministre de l’époque m’a rassurée sur l’appréciation qu’il en avait tout en me demandant de laisser continuer l’architecte : « on rectifiera plus tard, il faut faire vite, et aller rapidement à la construction !! » L’architecte m’a vilipendée durant des années, le ministre a eu son hôpital et les populations ont attendu leur hôpital qui, ne fonctionnant pas, n’a pu être ouvert comme convenu malgré une pose de première pierre et réception des clés en grande pompe. Et bien trop de cas semblables. Lorsque la santé est trop politique, cela ne marche pas. Alors Dr Bousso que les techniciens de tout bord vous entendent.

Aujourd’hui, Pâques vient clôturer 40 jours de Carême dont très peu de gens parlent et pourtant ! Nous avons eu un repas familial via les réseaux sociaux avec comme liant les fameuses cuisses de canard confit de la mère Mich’! Certaines agrémentées de gratin dauphinois, d’autres aux deux pommes, ou au niébé et haricot, ou encore au quinoa et choux … Bref, chacune de nos tables se sont rivalisées d’originalité et de bon goût. La mère Mich’ au demeurant si à cheval sur la tradition de ce repas pascal a oublié de faire ses fameux « œufs mimosa ».

Après le repas que nous avons partagé avec Djélika et sa maman, une petite sieste sur le canapé anti-C s’impose. À la TV, une émission musicale autour de la célébration du 250e anniversaire de la naissance de Beethoven. Quel plaisir d’écouter la 5e et une autre pièce dont je n’ai retenu que la traduction française « la Paix et la Joie », écrite, nous explique le commentateur, en prélude à la 9e, le fameux Hymne à la joie, une pure merveille.

Il y a des années, en répondant à une connaissance qui s’étonnait que l’on ne parle pas de musique classique chez nous (les Africains), de lui rétorquer que nous avons nos épopées mandingues chantées par les griots, des classiques du Congo et autres musiques d’Afrique australe, d’Afrique du Nord … Nos classiques sont bien présents. La musique classique est universelle.

Je repense à mes années de musique, forcée par Pap’Téo. À 8 ans, c’est difficile, surtout que j’avais l’impression d’être à l’école bis. Apprendre par cœur le solfège, c’était comme une punition avec cependant des moments de réconfort lorsque nous allions (avec mes deux grands frère et sœur) voir et écouter les professeurs qui s’entraînaient. M. et Mme Ba sa femme jouaient au piano, lui sûrement un virtuose ignoré du public. Nous allions aussi voir et avec un grand plaisir Samba Diabaré et d’autres musiciens traditionnels, répéter au théâtre du Palais, avenue Roume à l’époque. Je me surprends par moment à vouloir me remettre à la musique, au piano surtout !

En ce moment Barry Lyndon, film qui m’avait marquée à l’époque. Dommage, car c’est l’heure de la chronique, alors difficile de suivre

La maladie C. est toujours là à rôder, les chiffres sont inquiétants et notamment aux USA où 80 % des personnes atteintes qui ne s’en sortent pas sont en surpoids et surtout chez les hommes en surcharge abdominale.

Connaissant la situation au Sénégal, cela doit nous faire réfléchir et l’occasion est belle pour enfin arriver à une diversité alimentaire pour contrecarrer nos carences. Et Pr. Tiatiaka de rajouter « c’est le moment de rajouter dans le panier anti-C tous les légumes qui peinent à être évacués dans les marchés, de solliciter les vendeurs d’œufs, pour les sels minéraux indispensables à notre équilibre alimentaire … »

Alimentation des Sénégalais à réinventer !

Et la maladie amène aussi de bonnes nouvelles, on sort du coma, on guérit … alors pensée solidaire pour cousin Claude, de Paris, il faut y croire.

Annie Jouga est architecte, élue à l’île de Gorée et à la ville de Dakar, administrateur et enseignante au collège universitaire d’architecture de Dakar. Annie Jouga a créé en 2008 avec deux collègues architectes, le collège universitaire d’Architecture de Dakar dont elle est administratrice.

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