Ce prodigieux inventeur de formes, qui a réalisé plus de 60.000 oeuvres, n’était pas grand, mais avait un beau visage aux traits réguliers, des yeux immenses, un corps musclé, à l’énergie inépuisable. Des photos l’ont fixé à jamais dans l’imaginaire collectif : l’été, travaillant torse nu, une ceinture autour d’un maillot de bain, pieds nus dans des sandales, l’hiver, en pull et pantalon rayé.
La vie de cette personnalité irradiante fut rythmée par la création mais aussi par les passions amoureuses : « pour mon malheur, et ma joie peut-être, je place les choses selon mes amours », disait-il. Les plus connues de ses compagnes furent Marie-Thérèse Walter qui se pendit quatre ans après sa mort, la photographe Dora Maar et la peintre Françoise Gilot, aujourd’hui âgée de 91 ans.
Il se maria avec la danseuse des ballets russes Olga Khokhlova (1918-1955) et Jacqueline Roque (1961-1973), qui se suicida par arme à feu en 1986. Il eut deux garçons et deux filles : Paulo avec Olga, Maya avec Marie-Thérèse, Claude et Paloma – en souvenir de la colombe de la paix que le peintre réalisa pour l’ONU – avec Françoise.
Ses proches soulignaient sa simplicité, sa générosité et, en dépit de tout, une forme de modestie: « j’ai passé ma vie à peindre comme un enfant », assurait-il. D’autres – comme Françoise Gilot ou Marina, sa petite-fille – ont mis en avant sa cruauté psychologique, son côté irascible, sa personnalité d’ogre.
Bohème et cubisme
Il est né le 25 octobre 1881 à Malaga, dans le sud de l’Espagne. Il aurait adopté le nom d’origine italienne de sa mère. Entré aux Beaux-arts de Barcelone où son père enseignait, puis passé à ceux de Madrid, sa prodigieuse virtuosité ne passe pas inaperçue. Au tout début du siècle, alors qu’il est installé à Paris, débute sa « période bleue », peuplée le plus souvent de pauvres hères. S’ensuit la « période rose » (1905-1907) et ses premières sculptures. Avec ses copains, Max Jacob, Paul Fort, Henri Matisse et tant d’autres, c’est la vie de bohème.
1907 marque l’année de sa première consécration : il peint ses fameuses « Demoiselles d’Avignon ». Le cubisme est né. Picasso lui reste fidèle pendant dix ans. Il invente également avec Georges Braque les « papiers collés ». Durant les années 20, il peint des portraits inspirés d’Ingres mais abandonne bientôt le style antique pour le surréalisme (1925-1929).
La guerre d’Espagne lui inspire sa célèbre fresque « Guernica » (1937), destinée au pavillon espagnol de l’exposition internationale de Paris et formidable synthèse entre cubisme, expressionnisme et surréalisme. Picasso passe la Seconde Guerre mondiale à Paris. A la Libération, il adhère au Parti communiste, à cause de la situation espagnole. Il ne sera pas un membre actif du PC. Le Salon d’automne où il a exposé en 1944 peintures et sculptures est un triomphe, comme la grande rétrospective organisée en 1945 à Londres. Le marché américain s’arrache ses tableaux à prix d’or.
A partir de 1953, il vit essentiellement dans le midi. A Vallauris (Alpes-Maritimes) qui s’étiolait, il apporte la prospérité. Durant sa dernière décennie de vie, il va dessiner et peindre à un rythme échevelé. En 1971, les cérémonies du 90ème anniversaire tournent à l’apothéose : la grande galerie du Louvre expose pour la première fois l’oeuvre d’un artiste vivant. Quarante après sa mort, « La Célestine », « Dora Maar au chat », « Le garçon à la pipe », « Les noces de Pierrette », « Maya à la poupée », « Nu au plateau de sculpteur », « Le vieux Guitariste aveugle », et tant d’autres toiles restent au firmament de la peinture mondiale.
Il existe pas moins de sept musées en Europe qui portent son nom : Paris, Antibes, Vallauris, Barcelone, deux à Malaga, un à Münster en Allemagne.