EXCLUSIF SENEPLUS #SilenceDuTemps – Ah cette pluie de milliards qui nous tombent dessus depuis quelques jours. Quelle aubaine, semblent dire certains. L’éthique, cette bonne vieille dame trop souvent malmenée va-t-elle aujourd’hui résister à cette crise ?
Jour 21
#SilenceDuTemps – Mardi 24 mars 2020, je commençais cette longue chronique au lendemain de la directive présidentielle instaurant le couvre-feu au Sénégal. Soit 9 830 mots déjà couchés sur ma feuille blanche !
Pouvoir, savoir, devoir me parler et partager … Qui l’eût cru ?
Je lis toujours et avec une grande admiration les pro’ de l’écriture. Même un article bien écrit, si rare par les temps qui courent, me ravit.
Et je rêve du jour où je pourrai m’y essayer. J’ai d’ailleurs eu quelque velléité il y a des années en allant assister à un exercice d’écriture chez Kwei-Armah, écrivain ghanéen, aujourd’hui et depuis longtemps d’ailleurs sénégalais. Rappelez-vous ce brillant écrivain qui nous avait conquis avec son le premier roman, l’un de ses rares (ou le seul ?) ouvrage traduit en français « L’âge d’or n’est pas pour demain ». Installé sur les collines de Poponguine, merveilleux endroit pour l’écriture, en tout cas pour la concentration requise pour écrire pensais-je, Kwei-Armah avait organisé des ateliers d’écriture, entre autres activités. Projet avorté, cela me semblait impossible, déjà la distance qui me séparait de mon lieu de vie, la rigueur. Je pensais avoir trop de choses (importantes !) à faire à Dakar, bref … Aujourd’hui, peut-être que je suis prête. Alors, ce petit exercice que m’imposent les chroniques de journée d’une confinée sont peut-être un entraînement, non je plaisante bien entendu, avec cette idée bien prétentieuse et à chacun son métier finalement. Je prends, cela dit, un grand plaisir à les écrire, il y a certes des jours sans et ils sont rares, pas de week-end, pas de jour férié…je ne peux me permettre de rater un jour. J’irai un de ces jours à la recherche de Kwei et peut-être qu’il arrivera à me convaincre à apprendre.
Tiens, en parlant de lecture, j’avais prévu de profiter de cette période pour enfin lire davantage. Je vis dans une maison entourée de livres ! Que nenni, je n’ai pas ouvert un seul livre … je n’ai pas le temps. Mon amie Geneviève de Marseille elle, commence un livre, puis un autre … et ainsi de suite sans en finir un seul ! À chacun sa manie.
Grande discussion avec l’ami Chaton des Mamelles, lui je sais qu’il lit les chroniques, il réagit, il appelle et commente et ce matin, puisque j’avais mis le haut-parleur donc discussion partagée à 3, j’ai compris le grand décalage qu’il peut avoir entre les hommes et les femmes pour tout et rien. Lorsque pendant des années ils ont pensé qu’on était à gauche, on passait à droite et sans crier gare et en faisant croire que l’on était passée à gauche comme il le voulait. Vous vous dites en lisant ces mots, mais qu’est-ce qu’elle raconte celle-là ?
Bon 30/40 années après, toujours les mêmes qui se sont éparpillés, gaspillés, épuisés sous nos regards amusés. Sortis de Covid, nous leur organiserons un grand ndeupp !
A la fin de chaque cours je demande en général aux étudiants de me parler d’eux, de leur vie de confinés ou peu ou pas ! Cet après-midi, ils se sont lâchés, non pas sur leur vie de « confinés », mais bien sur mon dos ! Ils m’ont demandé, si j’ai des photos de moi …jeune ? peut-être pensent-ils que je n’ai jamais été jeune, ou peut-être veulent-ils savoir si j’étais mince, grosse, belle ou vilaine ? et ils voulaient surtout savoir s’ils me manquent ? « dagnou khamadi nak »(ils sont impolis, non !)
Mais oui, ils me manquent.
Se préparer tous les matins de confinés comme si on devait sortir, sanggu, soolu, aninu … eaudicolognu ! (se doucher, s’habiller, se maquiller… se parfumer !)
Notre lot à tous, même s’il y a des jours où on a envie de ne pas aller jusqu’au bout. Eh bien moi j’en connais une, la mère Tiatiaka pour ne pas la nommer qu’il faut menacer de ne pas lui servir son repas si elle ne se douche pas !
« Covid dégage de nos corps et de nos têtes wouaaye … »
Jour 22
Ah, cette pluie de milliards qui nous tombent dessus depuis quelques jours. Quelle aubaine, semblent dire certains et je ne parle pas des milliards du FMI et autres gentils bailleurs. D’où viennent-ils ces milliards ? A-t-on fait une grande réserve dans laquelle on puise en cas de crise ? A-t-on prévu de faire des économies dans tel domaine budgétivore, ou encore a-t-on décidé de surseoir à des dépenses prestigieuses non vitales… ?
Personnellement, je suis un peu larguée et encore plus lorsque j’entends que d’autres milliards arrivent des grands bailleurs parce que nous « Sénégalais » faisons partie des pays au-dessus des 25 pays les plus vulnérables, pour dit-on « notre performance macroéconomique, la qualité de notre dépense publique, notre croissance soutenue … et que nous sommes classés maintenant dans les pays à revenu intermédiaire … ». Que faut-il comprendre, à qui s’adresse une pareille information lancée dans le journal TV de ce soir par certes un grand spécialiste ? Comment est-elle traduite en ouolof et dans les autres langues du pays ?
Et surtout ces milliards à qui ? Et comment comprendre les mécanismes de distributions et s’assurer qu’ils sont imparables ? La brûlante actualité nous fait dire que des problèmes en perspective couvent, les margouillats de la magouille sont là, bien présents dans le dispositif, ou en veille.
Alors l’éthique, cette bonne vieille dame immortelle et trop souvent malmenée, qui se craquelle facilement, va-t-elle aujourd’hui résister à cette crise ?
Ces milliards me donnent le tournis, je ne vois même pas comment on arrive à milliard et il y a quelques années j’appelle le fils Fabinou de mon amie Mamilou pour lui souhaiter son anniversaire. « Je te souhaite … blablabla et pleins de millions » et lui de me rétorquer du tac au tac « tata Annie, tu veux dire des milliards ».
Nous n’avions pas la même unité de comptage, pour sûr.
Toujours dans ma quête de rassurer et me rassurer, j’appelle une amie, Diaka dont je n’avais pas eu de nouvelles depuis avant Covid et nous voilà dans une grande discussion et au passage autour de Viou qu’elle appelle affectueusement « Pa’bi ». Me serai-je gênée pour lui dire que jusqu’aujourd’hui, malgré le banc et l’arrière banc qui s’y est mis pour le convaincre, lui faire, lui dire si ce n’est pour toi c’est pour les autres qu’il faut porter un masque, eh bien elle, elle a enfoncé le clou ! Pan… !
Viou ce matin est sorti pour la première fois avec un masque, il était temps.
Notre discussion très animée autour de ce que nous faisons par ces temps ou ne faisons pas, sur sa gym’ avec grand plaisir et en ce moment avec un prof’ virtuel, sur mes petites chroniques qui parlent de la pluie, du beau temps. « Ah bon, envoie-moi celle d’aujourd’hui, et puis finalement envoie les-moi toutes que je m’amuse un peu ! ça me permettra de sortir de la coquille dans laquelle je me suis un peu barricadée ces jours-ci »
Alors oui, je les envoie surtout si elles peuvent fissurer cette coquille et même plus …
Toujours ma séance presque quotidienne de rangement et à dose homéopathique. Aujourd’hui opération tiroirs de ma commode et mon rangement est en général ciblé et là je cherchais une babiole à offrir à une jeune fille qui fête ses 25 ans, un collier et un bracelet jamais portés et qui j’espère lui iront.
Au fond d’un des casiers, Carambar ! un paquet bien enfoui sûrement mis à l’abri des yeux et surtout des mains gourmandes de ma « Pièce Unique » et que j’avais oublié.
Ce petit caramel ni trop mou, ni trop dur que j’adore me renvoie à des souvenirs d’enfance. Nous l’avions découvert lors d’un voyage lointain et familial en même temps que les galettes bretonnes et nous en mangions sans limite … à terrifier nos parents.
Ce cher carambar, je vais le déguster et un seul par jour et, comme un exorcisme anti-C.