Il y a trois ans nous quittait le ministre Bruno Diatta. Une perte immense pour la Nation. Soucieux du plus petit détail, il a organisé de main de maître, quatre décennies durant, le quotidien de l’État au plus haut niveau. Par le brassage unique de ses origines, Bruno Diatta incarnait l’homme-intégral de la Civilisation de l’Universel, dont rêvait le Président-poète Léopold Sédar Senghor, qui l’avait appelé à ses côtés en 1977.
Dans l’oraison funèbre prononcée, 41 ans après, lors de la cérémonie d’hommage national qui lui a été rendue, par le dernier chef d’État qu’il a servi, Macky Sall pleurait « un collaborateur émérite, au parcours et aux qualités hors du commun »
« Il n’y a que la mort pour nous imposer un monde à l’envers et nous dicter un cérémonial à la place de Bruno », ironisera-t-il, par ailleurs, d’un ton amer.
Né le 22 octobre 1948, Bruno a tiré sa révérence des suites de maladies, discrètement comme il a vécu, le 21 septembre 2018, à son domicile. Pourtant, deux jours avant, le mercredi 19 septembre, malgré sa maladie, c’est lui qui avait encore installé le Conseil des Ministres, sacrifiant au rituel dont il avait seul le secret. Hélas pour la dernière fois…
Le gardien du temple
« On le savait souffrant depuis peu. Mais, tirant sa force dans sa pudeur habituelle, jamais il ne s’est plaint de sa maladie. Bien au contraire, il a tenu jusqu’au bout. Il a travaillé jusqu’au dernier souffle », confiera le successeur de Wade.
Né à Saint-Louis, d’une mère métisse, Bruno était originaire de Kabrousse, au Sud, par son père, de la lignée d’une héroïne nationale, Aline Sitoe Diatta, et avait des attaches familiales en terroirs du Sine et du Saloum, au centre du Sénégal.
C’est à Saint-Louis qu’il fit ses classes du primaire, au Petit lycée de la rue Neuville. Et, c’est à Saint-Louis qu’il se mariera plus tard, après de brillantes études au Lycée Van Vollenhoven de Dakar, actuel Lycée Lamine Guèye, à l’Institut d’Etudes politiques de Toulouse et à l’Ecole Nationale d’Administration du Sénégal, Section Diplomatie.
De sa sortie de l’École nationale d’Administration en 1973, au vendredi 21 septembre 2018, Bruno a dédié un parcours sans faute de 45 ans à l’État et à la République, dont 41 ans au Protocole de la Présidence République ; servant avec le même dévouement républicain tous les Présidents du Sénégal indépendant, successivement Léoold Sédar Senghor, Abdou Diouf, Abdoulaye Wade et Macky Sall.
Le Service du Protocole, tâche prenante et complexe, exigeante et ingrate, restera à jamais attaché à son image.
Civisme, don de soi, humilité
Pour le président Macky Sall né après les Indépendances, Bruno a d’abord été un mythe vivant que lui renvoyait l’image de son élégante silhouette à la télévision. « Plus tard, j’eus le bonheur de croiser son chemin dans mes fonctions officielles, et la chance de le trouver à la Présidence de la République comme Chef du Protocole. J’ai vu de près comment, dans une symphonie sans fausse note, il a organisé en seulement une dizaine de jours, ma cérémonie d’investiture et la fête de l’indépendance de notre pays. C’est donc tout naturellement que je l’ai maintenu dans ses fonctions en l’élevant au rang de Ministre, par décret 2012-435 du 10 avril 2012. J’ai voulu ainsi reconnaitre les qualités personnelles de Bruno Diatta et ses mérites professionnels au service de l’État. Le Ministre Bruno Diatta fut un homme de devoir, un témoin singulier de notre histoire institutionnelle, un commis d’État infatigable, fidèle et loyal. Bien souvent, nous ne voyons le protocole que sous l’éclat des lambris dorés. Mais derrière chaque scène bien réglée, où tout semble aller de soi, que d’efforts et de temps consentis ! Que de jours et de nuits notre illustre défunt, couché pour l’éternité, dormant du sommeil du juste, est resté debout et éveillé, pour que tout soit dans le bon ordre ! Je témoigne que tu as rempli ta mission avec classe, honneur et dignité », a-t-il témoigné, à l’heure pénible de la séparation.
En reconnaissance de ses bons et loyaux services, et pour l’offrir en exemple aux générations actuelles et futures, la Salle du Conseil des Ministres et le Grand Amphithéâtre de l’École nationale d’Administration portent son nom.