Le diabétologue sénégalais Saïd Nourou Diop considère que l’éducation thérapeutique des patients du diabète reste l’arme la plus efficace pour éviter des complications liées à cette maladie chronique très répandue au Sénégal.
« L’éducation des patients, c’est notre arme la plus (efficace) », a-t-il notamment dit jeudi à Thiès, lors de la première session des 3-èmes journées d’endocrinologie et de diabétologie pratiques (JEDP) dont il était le modérateur des débats.
A l’initiative du Réseau métabolisme, diabète et nutrition (REMEDIAN), en collaboration avec l’Institut d’endocrinologie et de la nutrition (IEN), ces journées prévues pour deux jours, portent sur le thème ’’Actualités en diabétologie et métabolisme’’.
Le professeur Saïd Nourou Diop, ancien chef de service du centre de diabète Marc Sankalé de Dakar, intervenait au terme de deux communications en ligne des professeurs Patrice Darmon de Marseille et Éric Renard de l’Université de Montpellier.
Dans sa communication, le Professeur Éric Renard avait souligné l’importance de la surveillance glycémique, évoquant une panoplie de moyens de surveillance, y compris des plus modernes.
Il s’agit de la glycosurie (test d’urine), selon lui pas recommandée, de la mesure directe à partir d’une goutte de sang capillaire, qui a ses bénéfices et ses limites. Il y a aussi la mesure de l’hémoglobine glyquée ou HbA1c.
Pour le Professeur Éric Renard, la mesure continue du glucose, qu’il qualifie de « révolution continue qui rebat les cartes’’, est l’’’idéal’’.
A l’aide d’un capteur installé sous la peau et d’un lecteur ou un smartphone, le patient peut suivre en permanence son taux de glycémie.
Plutôt qu’une glycémie ponctuelle, cet appareil permet de suivre l’évolution sur 8 semaines de la variabilité de la glycémie chez le patient. Il envoie des alertes en cas d’hypo ou d’hyperglycémie.
Le patient sait alors combien de temps dans la semaine il est proche de la norme entre 0,70 et 1,80 g/litre dans le sang.
Ce qui permet de savoir « le moment où il faut faire quelque chose’’, grâce à une interaction avec son médecin au sujet de son comportement sur la période d’éloignement de la norme. Cela aide à « mieux éduquer le patient », a-t-il noté.
Pour Saïd Nourou Diop, certaines nouvelles molécules et technologies coûtent cher et ne sont pas accessibles aux populations africaines.
Pour lui, l’essentiel est d’ »amener le patient diabétique à prendre conscience de son état et à pouvoir se dire +je peux m’en sortir si je maîtrise la maladie+ ». Ce qu’il appelle l’ »éducation thérapeutique’’.
« C’est une maladie silencieuse, d’où l’intérêt de (lui) prêter attention tous les jours, à tout moment », a relevé le modérateur, justifiant le choix d’aborder dans la première conférence la surveillance de l’ »élément essentiel du diabète qui est la glycémie, c’est-à-dire le taux de sucre dans le sang.
Le patient doit « savoir de façon régulière quel est son taux de sucre dans le sang, lequel taux « détermine si le diabète est bien maîtrisé ou pas ».
De sa non-maîtrise dépend aussi l’apparition de complications pouvant déboucher sur la cécité, l’insuffisance rénale, l’amputation de la jambe.
« Si la glycémie est maîtrisée, tous les jours, il peut éviter ces risques-là ».
Le glucomètre est un des moyens modernes de mesurer le niveau de sucre à n’importe quel moment de la journée, avec une petite piqûre au doigt, explique-t-il.
’’Si le patient prend sa glycémie et ne sait pas quoi en faire, ça ne sert à rien’’, a-t-il toutefois relevé.
« Un patient qui a tout le temps 2 grammes, et qui le fait machinalement, ça ne sert à rien. Il faut que derrière, il soit éduqué pour se dire que si je suis à 2 grammes, ce n’est pas bien’’, a-t-il dit.
Il doit être amené à « se demander ce qu’il faut faire pour descendre en deçà’’.
Le professeur Saïd Nourou Diop note que certains moyens qui existent, « ne sont pas encore arrivés en Afrique’’.
C’est le cas du capteur, dont disposent seuls deux à trois de ses patients.
Le diabétologue a indiqué à l’APS que cet instrument qui coûte cher est disponible en Europe par exemple. « Même le fait de se piquer le doigt coûte cher au Sénégal », dit-il.
Les bandelettes les moins chères coûtent 6.000 à 10.000 francs. Ce qui revient à un paquet de bandelettes tous les mois, si l’on veut faire au moins un contrôle par jour.
’’Pour le moment, nous nous battons pour que tout ceci soit subventionné comme (l’est) l’insuline fort heureusement’’, à 50-60%, a fait valoir l’expert, aujourd’hui à la retraite.
’’Nous continuons à nous battre pour que le diabétique soit mieux traité », a-t-il poursuivi.
Le professeur qui a capitalisé 40 ans d’expérience en diabétologie, dont la moitié à la tête du centre Marc Sankalé, estime que ’’les perspectives sont bonnes, avec des médicaments moins chers et qui sont de plus en plus efficaces, mais surtout de plus en plus de diabétiques qui deviennent conscients qu’il faut qu’ils s’occupent de leur maladie’’. Ce qui n’était pas le cas auparavant, a-t-il signalé.
« La plupart des gens sont conscients aujourd’hui que le diabète est une maladie chronique dont il faut s’occuper tous les jours », se réjouit-il, avant d’ajouter : « Déjà, ça c’est une grosse victoire ».
La prévention concerne pas seulement les diabétiques, mais d’abord les no- diabétiques, pour leur conseiller d’avoir une alimentation équilibrée, relève-t-il.
Pendant deux jours, des spécialistes en diabétologie, endocrinologie, diététique de Dakar, de l’UFR Santé de Thiès et de la France échangeront sur des sujets d’actualité dans leur domaine, y compris le covid-19 et le diabète.
Le docteur Martin Carvalho, endocrinologue sénégalais en service à Marseille, parrain de ces 3-èmes JEDP, est un des intervenants.