Le Brésil est actuellement secoué par un immense scandale sanitaire. Une quinzaine de médecins accusent le groupement hospitalier de Sao Paulo, auquel ils étaient affiliés, d’avoir administré entre mars et avril 2020 un traitement anti-Covid expérimental à 600 patients, et d’avoir falsifé des certificats de décès.
L’hebdomadaire Istoé, traduit ici par France Info, parle d' »une des plus grandes barbaries de l’histoire de la médecine brésilienne ». Le chercheur Daniel A. Dourado évoque lui sur Twitter « le plus grand scandale médical de l’histoire du Brésil« .
600 patients concernés, 9 morts
Les deux expressions superlatives désignent une même controverse: d’après une quinzaine de médecins brésiliens, auteurs d’un rapport de 10.000 pages examiné en ce moment même par le Sénat à Brasilia, le centre Prevent Senior – pour lequel ils travaillaient alors – a administré un traitement anti-Covid expérimental à 600 de leurs patients entre mars et avril 2020 à leur insu.
Une pratique qui s’inscrivait dans le cadre d’une étude clinique qui a ainsi échappé au regard du Comité national d’éthique – et s’est donc dérobée à son approbation. Sur les 600 patients concernés, les lanceurs d’alerte ont dénombré neuf morts.
Et cette accusation se double d’autres soupçons, tout aussi effroyables: les praticiens pointent la falsification d’actes de décès afin de coller aux attentes de la hiérarchie et la réduction de l’oxygène dispensé aux patients les plus atteints par le virus afin de « libérer » des lits.
Bolsonaro rattrapé par le scandale
C’est le groupement hospitalier, Prevent Senior, qui se trouve ainsi au coeur de la tourmente. Celle-ci s’est levée mi-septembre à la suite de révélations initiales de la chaîne Globo News. Et le scandale est d’autant plus profond que Prevent Senior est un mastodonte du secteur médical brésilien.
D’après Le Figaro, il compte 3000 médecins, 12.000 fonctionnaires et opère à Rio de Janeiro, Porto Alegre, et Curitiba, en plus de ses installations à Sao Paulo. De plus, le dossier éclabousse le pouvoir politique, et en premier lieu le président Jaïr Bolsonaro, accusé d’avoir appuyé l’initiative, y voyant une opportunité pour servir son option anti-confinement.
Les médecins à l’origine du scandale du « laboratoire de l’horreur », selon la formule de la presse brésilienne, défilent devant le Sénat depuis jeudi dernier.
« Les patients ne voyaient que des infirmières qui avaient déjà préparé et livré les kits. Il n’y avait pas de consultation médicale. En gros, vous venez avec des symptômes de la grippe, vous prenez simplement le kit et vous rentrez chez vous », a notamment retracé Walter Correa, ancien médecin du groupe Prevent Senior.
L’avocate Bruna Morato, conseil de l’un de ces soignants qui ont fait entendre leur voix, a affirmé: « Les médecins avaient l’ordre de prescrire le kit. Ces kits arrivaient dans des sacs scellés. Ils n’avaient aucun regard sur son contenu. Sachez également que quand un médecin voulait enlever un médicament, même s’il le rayait de la prescription, le patient recevait le kit en entier. » C’est cette même Bruna Morato qui n’a pas hésité à reprocher à Jaïr Bolsonaro d’avoir « encouragé » ces dissimulations.
Cocktail dans un kit
Mais qu’y avait-il dans ces fameux kits? De l’ivermectine, de l’azithromycine et de l’hydroxychloroquine. Autant de molécules qui n’ont non seulement jamais prouvé leur efficacité contre le Covid-19 mais sont même déconseillées par l’Organisation mondiale de la Santé. On sait toutefois que le président Jaïr Bolsonaro a longtemps promu l’emploi de l’hydroxychloroquine.
Le Brésil essuie par ailleurs des pertes particulièrement lourdes sur le front de la lutte contre le virus: on y déplore déjà plus de 600.000 morts.