SOCIETE Après une première fresque très contestée il y a trois ans, l’internat de médecine de Toulouse fait à nouveau parler de lui par une fresque à caractère pornographique
- Une nouvelle fresque pornographique a fait son apparition au réfectoire de l’internat de médecine du CHU de Toulouse, trois ans après une autre déjà contestée.
- Des scènes de sodomie et fellation, des femmes en position lascive dans une œuvre de peu de talents y sont peintes. Osez le féminisme et le syndicat Sud Santé sont montés au créneau pour dénoncer son caractère sexiste.
- La direction du CHU a réagi et condamné cette fresque, demandant au président de l’Internat son retrait. Les syndicats et associations demandent eux que ce genre de tableau soit interdit et que cela soit inscrit dans le règlement intérieur.
Manger juste à côté d’un tableau représentant des scènes de sodomie et fellation ne donne pas forcément d’indigestion. Depuis quelques jours, une immense fresque recouvre un pan de mur du réfectoire de l’Internat de médecine du CHU de Toulouse, à l’hôpital Purpan, représentant une imitation revue et corrigée selon les codes pornographiques de La Liberté guidant le peuple d’Eugène Delacroix.
Un tableau où sont représentés des médecins dans des positions très explicites avec des détails incongrus comme un ballon ovale du Stade Toulousain, histoire de rappeler qu’on se trouve bien dans la Ville rose. Si, dans l’esprit carabin, certains internes sont très loin d’être choqués, ce n’est pas le cas de toute la corporation ou encore des salariés du réfectoire, loin de partager le goût de « l’artiste ».
D’autant que ce n’est pas une première. Il y a trois ans, une précédente fresque de l’Internat de médecine avait déjà suscité la polémique car elle mettait en scène des femmes nues offertes à leurs supérieurs hiérarchiques hommes. « Quand on a reçu la photo de celle-ci, nous sommes tombées des nues. C’est intolérable, obscène. Des femmes et des salariés sont confrontés à ces images dégradantes, on y voit une femme nue qui a l’air morte, une autre avec des couettes qui mange des ordures », décrit Enora Lamy, la coprésidente d’ Osez le féminisme de Haute-Garonne.
Condamné par la direction du CHU
Pour cette militante, cette fresque, qui met en scène de vrais médecins, n’a rien de bon enfant ou d’amusant comme le défendent certains. « C’est du harcèlement d’ambiance, cela banalise les agressions et le harcèlement sexuel. On nous parle d’un aspect subversif de la fresque, mais c’est une pornification des corps. Quand on voit la façon dont les femmes sont représentées, on s’étonne moins qu’il y ait des comportements violents », poursuit Enora Lamy.
Dès que l’association a été avertie, elle s’est tournée vers le syndicat Sud-Santé sociaux du CHU de Toulouse. Ce dernier a aussitôt déposé une procédure d’alerte pour « danger grave et imminent » auprès de la direction générale et du responsable des Ressources humaines. « On atteint le summum de la vulgarité, de l’homophobie, du sexisme », déplore Benoît Dupuy, un membre du syndicat qui avait une réunion ce mardi matin avec la direction à ce sujet. Cette dernière a indiqué dès lundi soir qu’elle demandait par courrier à l’association des Internes de retirer la fresque.
« Le CHU et les facultés de santé rappellent leur attachement le plus strict à la lutte contre toute forme d’atteinte à la dignité des personnes. Ils conduisent depuis plusieurs années une politique de prévention et de lutte contre le harcèlement et la discrimination. Dans cet esprit, un courrier a été adressé au Président de l’association de l’Internat lui demandant le retrait immédiat de cette toile », a expliqué la direction du CHU de Toulouse.
Changer le règlement intérieur
Mais pour les associations féministes et le syndicat, il faut aller plus loin, histoire de ne pas se retrouver dans six mois confronté à une nouvelle toile. « Le CHU prête les locaux à l’Internat. Il faut que cela soit stipulé dans le règlement intérieur et revoir le protocole de prêt des locaux à cette association pour qu’il n’y ait plus de tels actes d’homophobie et LGBTphobie », poursuit Benoît Dupuy qui dénonce « sous l’esprit carabin, une loi du silence ».
Pour Gaëlle, praticienne hospitalière et membre de Jeudi11-2, le collectif des usagèr.es de l’internat de Purpan qui s’était monté en 2018 après la première fresque, « Toulouse n’est pas un cas isolé ». « Il y en a dans tous les internats de centre hospitalier, c’est quelque chose de systémique. Il fait que l’intersyndical des internes de France, très mobilisé sur les questions de violences sexuelles se mobilise sur cette question. L’esprit carabin est une honte française, il est grand temps de faire avancer les mentalités », insiste cette membre du collectif.
Pour cette dernière, « l’hypersexualisation et la débauche sont dédramatisées en médecine ». « Dans cette fresque, il y a une volonté de se moquer des chefs de service, pour certains c’est une sorte de catharsis. Mais au final, ça ne prend pas en compte le côté maltraitant, c’est scandaleux après « balance ta blouse » et « me too ». Si on veut avoir la confiance des gens il faut montrer l’exemple, on est le premier CHU de France », poursuit Gaëlle qui rappelle que les fresques de 2018 n’ont jamais disparu, « elles ont juste monté un étage ».