LES ECRIVAINS SENEGALAIS A LA RECONQUETE DU MONDE

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Portrait d'Ousmane SEMBENE © Malick MBOW
Portrait d’Ousmane SEMBENE © Malick MBOW

Auteurs à succès, lauréats ou finalistes de grands prix littéraires

Mamadou Mbakhé NDIAYE  |   Publication 30/10/2021

Boubacar Boris Diop s’est vu décerner, il y a quelques jours, le Prix international de littérature Neustadt pour l’ensemble de son œuvre. Une consécration pour le journaliste et écrivain de 75 ans. Etil n’est pas le seul auteur sénégalais à conquérir actuellement le monde sur le plan littéraire. L’économiste et essayiste Felwine Sarr ainsi que Mbougar Sarr sont également au sommet de leur art. Le dernier est toujours en course pour le prestigieux prix Goncourt qui sera décerné mercredi prochain.

Léopold Sédar Senghor, Alioune Diop (le ‘’Socrate‘’ noir), Birago Diop, Mariama Ba, CheikhHamidou Kane, Aminata Sow Fall, Ousmane Sembène, Abdoulaye Sadji, Amadou Lamine Sall… On peut dire sans conteste que les Sénégalais ont écrit les plus belles pages de la littérature africaine et même mondiale. D’ailleurs beaucoup d’Africains ne comprennent toujours pas pourquoi le Président-poète n’a pas été lauréat du Nobel de littérature, tellement il trônait sur les Lettres. Mais depuis plusieurs années, les auteurs sénégalais peinaient à rayonner sur le plan international, détrônés surtout par les auteurs anglophones. D’ailleurs, les deux seuls prix Nobel de littérature africains à ce jour sont des auteurs d’expression anglaise. Il s’agit du Nigérian Wole Soyinka (1986) et du romancier tanzanien Abdulrazak Gurnah (il y a quelques jours).

Toutefois, certains auteurs sénégalais sont en train de combler cette ‘’disette‘’ en redonnant au Sénégal ses lettres de noblesse. Auteur prolifique et figure de proue de la littérature dans le continent, Boubacar Boris Diop continue d’impressionner son monde. A 75 ans révolus, l’ancien lauréat du Grand Prix littéraire d’Afrique Noire est d’une vivacité et d’une densité à couper le souffle. Recueils, nouvelles, essais, théâtre, l’auteur de «Doomi Golo» (2003) a un don d’ubiquité littéraire. Panafricain et adepte de Cheikh Anta Diop, il s’attelle depuis quelques années à promouvoir les langues nationales et à dénoncer les écrivains ‘’collabos’’. Sa dernière sortie au vitriol contre des écrivains comme Achille Mbembé lors du sommet Afrique-France restera gravée dans les mémoires. Et le Prix international de littérature Neustadt pour l’ensemble de son œuvre littéraire qu’il a reçu récemment est une consécration pour lui et pour le Sénégal.

FELWINE SARR, LA NOUVELLE BOUSSOLE

Economiste de formation, Felwine Sarr a osé investir d’autres champs épistémiques. Conscient que le savoir est un véritable outil d’émancipation, il est avec Dr Ndongo Samba Sylla l’auteur qui travaille le plus ces dernières années sur la «décolonisation» des imaginaires africains. Pour lui, l’Afrique n’a personne à rattraper. Elle ne doit plus, insiste-t-il, courir sur les sentiers qu’on lui indique, mais marcher prestement sur le chemin qu’elle a tracé. Et dans ce cadre, il est en train d’être la nouvelle référence, le guide de la génération africaine. Comme Cheikh Anta Diop, il est cité tout le temps dans les conférences, les colloques et autres panels. Il est invité dans toutes les universités du monde séduites notamment par ses thèses sur l’Afrique, qui sortent des sentiers battus. Ses écrits sous-tendent par ailleurs les actions de plusieurs activistes et artistes du continent. Son ouvrage «Afrotopia» est le livre de chevet de plusieurs d’entre eux. C’est pourquoi, le Président français Emmanuel Macron l’avait désigné avec Bénédicte Savoy pour diriger la commission de restitution des œuvres africaines. Reprenant ce que Victor Hugo avait dit sur Baudelaire, Boubacar Boris Diop indique que Felwine Sarr crée un frisson nouveau. Il le partage certainement avec plusieurs personnes dans le monde. Beaucoup pensent que s’il y a un Sénégalais qui peut espérer gagner le prix Nobel de la Littérature dans les années à venir, c’est bien Felwine Sarr.

MBOUGAR SARR, UN GENIE AUDACIEUX

Né en 1990 et jeune écrivain talentueux et prolifique, Mbougar Sarr est bien parti pour gagner cette année le prix Goncourt. En effet, il fait partie de la dernière sélection avec trois autres auteurs. Beaucoup de critiques littéraires pensent qu’il est fort probable qu’il le gagne mercredi prochain. Tout en espérant que cela advienne, ce qui est une quasi-certitude en revanche, c’est que l’ancien enfant de troupe fait partie des auteurs les plus prometteurs et les plus audacieux du continent. Ses livres traitent de thèmes aussi sensibles que le terrorisme et l’homosexualité.

PAPE ALIOUNE SARR, JOURNALISTE CULTUREL A ITV «CETTE NOUVELLE GENERATION A LA CAPACITE DE TRAITER DES THEMES EN BRISANT LES FRONTIERES QUI EXISTENT ENTRE L’AFRIQUE ET L’OCCIDENT»

Dans un pays qui ne badine pas avec ces questions, l’écrivain a visiblement repoussé ses limites. C’est ce qui fait sa particularité comme le pense d’ailleurs le journaliste culturel et présentateur de l’émission «Belles Lignes» sur «ITV», Papa Alioune Sarr. «Cette nouvelle génération est entre deux rives et a l’esprit ouvert. Mbougar Sarr a fait ses études au Sénégal, il a été meilleur élève du Concours général en 2009 avant de partir en France. Elgas et Khalil Diallo ont aussi vécu en France. Ils ont la capacité de traiter des thèmes en brisant des frontières qui existent entre l’Afrique et l’occident », souligne ce journaliste féru de littérature. A l’en croire, ces nouveaux auteurs ont réussi à internationaliser et extérioriser les maux internes. «Quand on prend l’exemple de ‘’Un Dieu et des Mœurs’’, Elgas a fait fi des pesanteurs sociales et retracé la banalisation du phénomène des talibés avec une objectivité sans faille. Quand on prend ‘’Terre Ceinte’’ de Mbougar, son premier roman, il y a l’aspect terrorisme. C’est un thème régional, mais également international. Et ‘’la Plus Secrète Mémoire des Hommes’’ constitue l’ouvrage qui fait tilt lors de la rentrée littéraire et qui est un voyage à travers le temps, à travers le personnage de Diégane qui rend hommage à ces écrivains qu’on pensait être des oubliés dans l’histoire de la littérature comme Yambo Ouologuem», explique Pape Alioune Sarr avant d’indiquer que ce livre de Mbougar Sarr est un éloge à l’écriture.

«LE TRAITEMENT MEDIATIQUE N’EST PAS A LA HAUTEUR DES ECRIVAINS QUE NOUS AVONS»

Dans la foulée, Pape Alioune Sarr insiste sur le fait que ces auteurs ne soient pas des écrivains typiquement africains ni des écrivains typiquement occidentaux. «Ils sont des écrivains tout simplement. C’est ce qui fait leur charme, parce que la civilisation sera mondiale ou ne le sera pas », tranche le journaliste de «ITV» qui ajoute que Mbougar Sarr et les autres auteurs sont en train de faire des pas de géant sur le plan de la littérature. Malgré ce réveil des écrivains sénégalais, le journaliste pense néanmoins que la culture et le livre sont les parents pauvres des programmes médiatiques. «L’audience est orientée vers des émissions beaucoup plus divertissantes et qui vont vers la recherche du buzz au détriment des émissions qui sont importantes comme celles du livre », se désole Monsieur Sarr avant de trancher : «Le traitement médiatique n’est pas à la hauteur des écrivains que nous avons. Il y a la réalité médiatique qui fonctionne selon la logique commerciale, surtout dans le secteur privé. Les sponsors ne financent pas les émissions qui parlent du livre parce qu’il y a peu d’audience».

Seulement, il pense que les dirigeants des medias doivent se rappeler qu’au-delà du divertissement et de l’information, les medias ont un rôle d’éducation. «Et à travers le livre, on peut voyager, on peut apprendre, on peut discuter, on peut débattre et former la jeunesse. Former la conscience de la jeunesse», s’enflamme le journaliste passionné des belles lignes. Il urge de souligner que la liste des écrivains sénégalais qui brillent sur le plan international est loin d’être exhaustive. La romancière Fatou Diome fait partie de cette constellation, notamment avec son roman «Le Ventre de l’Atlantique» quitraite de l’immigration. En 2019, elle a été lauréate du Prix littéraire des Rotary Clubs de langue française pour son roman «Les veilleurs de Sangomar».

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