Dans le cadre du Plan d’actions prioritaires ajusté et accéléré (PAP 2A), le Gouvernement envisage de relancer l’économie par les investissements, afin de retrouver la trajectoire de croissance initiale d’avant pandémie.
Dans le cadre du Plan d’actions prioritaires ajusté et accéléré (PAP 2A), le Gouvernement envisage de relancer l’économie par les investissements, afin de retrouver la trajectoire de croissance initiale d’avant pandémie. Si l’on sait qu’au-delà du secteur minier et celui des services, le taux de croissance a été essentiellement tiré par les investissements d’infrastructures, on comprend bien que, pour maintenir cette dynamique de croissance dans un contexte de frilosité des « Investissements directs étrangers » (Ide), il faille en recourir à une stratégie de financement bénie par les institutions financières internationales (Banque Mondiale), en l’occurrence le Partenariat public privé ou PPP.
Concernant le mode de gestion et la technique de financement PPP, les institutions financières internationales ou gouvernementales comme l’USAID en font la promotion et expriment leur volonté d’en étendre l’usage bien au-delà des secteurs jusque-là investis (eau potable, électricité, transport routier et ferroviaire). Dans cette perspective, l’Etat a initié des reformes du cadre juridique et institutionnel d’origine (loi et décret d’application) pour rendre possible une implication plus forte du secteur privé.
Pour rappel, le Partenariat public privé est d’abord un mode de financement par lequel une autorité publique fait appel à des prestataires privés pour financer et gérer un équipement assurant ou contribuant au service public. Le partenaire privé reçoit en contrepartie un paiement du partenaire public ou des usagers du service qu’il gère.
Le gouvernement du Sénégal avance la définition suivante : « le partenariat public-privé peut se définir comme tout accord entre la puissance publique et un ou plusieurs partenaire(s) privé(s) visant à mettre à contribution les ressources et/ou l’expertise de ce(s) dernier(s) pour la fourniture et ou la gestion de services et/ou d’infrastructures d’intérêt public ou d’intérêt général, avec l’objectif final d’atteindre un niveau d’extension et de qualité du service public conforme aux attentes des autorités publiques ».
Dans cette définition du gouvernement, l’expertise et les ressources financières s’équivalent. Au Sénégal, le PPP est essentiellement utilisé, comme mode de financement et mode de gestion, dans l’exploitation de services publics de l’eau (affermage), de l’électricité et du transport routier et ferroviaires (concession autoroute à péage, ligne ferroviaire Dakar- Bamako).
Dans le domaine des transports ferroviaires, les États du Sénégal et du Mali ont réalisé, en 2003, la mise en concession du chemin de fer Dakar/ Bamako avec Transrail S.A. L’autoroute à péage Dakar/Diamniadio a été réalisée en 2009 sur la base d’un contrat de concession pour le financement, la construction, l’entretien et la maintenance de l’infrastructure avec SENAC S.A.
Dans le secteur de l’énergie électrique, de nombreux projets de production indépendante d’électricité ont été réalisés, tels la centrale à cycle combiné GTI (52 MW), la centrale diesel de Kounoune (67,5 MW) etc. Toutefois, le PPP le plus emblématique parce qu’étant considéré comme symbole de réussite dans la durée, est « l’affermage » du service public d’approvisionnement en eau potable, mis en place dans le cadre de la réforme de 1995 instituant un fermier, la SDE, et une société de patrimoine, la SONES.
Dans les contrats PPP, l’Etat est un élément central en ce qu’il lui revient de réaliser les investissements et de gérer le patrimoine (conseil dans le choix des investissements, la maintenance des équipements et des ouvrages).
Dans le sous-secteur de l’eau potable, l’Etat a délégué à la Société Nationale des Eaux du Sénégal (SONES) son rôle de puissance publique en matière de gestion du patrimoine, via un contrat de concession. Sur la base d’un contrat d’affermage, le privé ou fermier se voit assurer la mission de gestion ou d’exploitation du service à savoir la gestion technique, administrative et commerciale. Il est donc requis que le fermier soit un partenaire technique évoluant dans le secteur de l’eau au niveau mondial afin de fournir une expertise de pointe dans la fourniture du service et la gestion courante, dans le choix des investissements.
Last but not least, de promouvoir les meilleures pratiques en matière de formation du personnel local. Un PPP où aucun risque financier ne pèse sur le privé !
Au plan financier, nous ne sommes pas dans une configuration où le « privé » prend en charge le financement des investissements ; il s’agit d’un PPP où le risque pris par le secteur privé est circonscrit à la gestion du service public. Les infrastructures sont contractuellement réalisées par le secteur public, généralement sur ressources levées auprès des institutions financières internationales.
Par conséquent, aucun risque financier ne pèse sur le privé. En termes de bilan, de 1995 à 2021, la SONES a financé ses infrastructures avec des ressources financières longues à taux concessionnel et autres subventions levées auprès de la coopération financière internationale (Banque Mondiale, KFW allemande, AFD française, Coopération Japonaise, BEI, BAD etc.). Cela dit, il faut convenir que, dans la pratique, le contrat PPP d’affermage a permis d’assurer la production et la distribution de l’eau potable sans rupture totale dans l’approvisionnement en eau.
En termes de développement, faute d’une répartition équitable des revenus d’exploitation de l’eau, le déploiement de la SONES sur d’autres missions n’a pu être réalisé. La redevance perçue du fermier en contrepartie de la mise à disposition des infrastructures hydrauliques a juste permis d’honorer les échéances de prêts des bailleurs, d’effectuer un apport en fonds propres pour les réhabilitations de forages, et d’assurer la couverture des charges de fonctionnement du détenteur du patrimoine.
Le développement de la SONES était espéré en termes d’accroissement de cash-flow à la hauteur des exigences de sa mission, de déconcentration pour la protection de la ressource en eau sur l’espace affermé, de mise en place de services connexes (laboratoires d’analyses, institutions de formation aux métiers de l’eau etc.). Il faut également noter que les lenteurs de mobilisation de ces ressources financières auprès des partenaires financiers ont pu gêner la réalisation en temps utile des infrastructures de rattrapage de la demande en eau. Ces lenteurs sont à relier aux exigences des financiers d’élaborer au préalable des programmes d’investissements à moyen terme, et à la longueur des procédures d’instruction des demandes de crédit au niveau de ces institutions (avis de non objection et procédures d’attribution des marchés) avant mise à disposition des fonds. On peut aussi incriminer le défaut de mobilisation de ressources financières alternatives pour combler en temps réel un gap d’investissement, et éviter ainsi le décrochage périodique « Offre et Demande en eau ».
Faute de capacité d’autofinancement suffisante, la SONES est demeurée en situation de dépendance vis-à-vis des bailleurs pour la réalisation en temps voulu, d’infrastructures hydrauliques de base. En définitive, notre conviction est que le PPP étendu à d’autres secteurs doit faire l’objet de contrats permettant au plan financier un partage équitable des revenus sectoriels, un contrôle de l’exploitation rigoureux privilégiant la mise en état régulière du patrimoine via des inventaires périodiques permettant de connaître à tout instant sa valeur marchande.
Dans le cadre des PPP, les structures délégataires de la puissance publique dotées de l’autonomie financière devraient diversifier leurs sources de financement (levée de fonds sur les marchés financiers) afin de réagir en temps réel à leurs besoins d’investissement, et par conséquent éviter de s’en tenir aux procédures de financement « bailleurs » qui peuvent ne pas être en adéquation avec les urgences du moment. L’implication du secteur privé… Les contrats de partenariat doivent être renouvelés par appel d’offres à terme échu, et non par tacite reconduction ou par prorogation de fait. L’implication du secteur privé national doit aller au-delà de la simple prise de participation au capital et d’attribution du poste de Président du Conseil d’Administration. Il devrait être associé à la gestion courante via l’attribution d’un poste de DGA, pour acquérir le savoir-faire nécessaire et faire face aux enjeux de l’exploitation.
Pour la partie commerciale, il s’agit d’encourager les bonnes pratiques de gestion du privé en ne laissant aucunement la place aux sollicitations d’une tutelle technique encline à satisfaire les demandes de sa clientèle politique (non-paiement de factures, gratuité de certains services, entre autres) qui ont compromis dans un passé récent le bon fonctionnement du service public. Le partage des revenus d’exploitation d’un service public ou d’une entité à vocation marchande doit tenir compte, au-delà du remboursement de la dette, de la nécessaire constitution d’une capacité d’autofinancement pour le détenteur du patrimoine, afin de stimuler une dynamique de croissance vertueuse de l’activité permettant le développement progressif du secteur. Il revient enfin à l’Etat d’instituer un contrôle rapproché des structures délégataires via les corps de contrôle usuels (IGE, Cour des comptes), et de décélérer la valse des ministres de tutelle.
Le dispositif PPP étant en voie de renouvellement pour son extension à d’autres secteurs, un décret d’application y relatif semble indiquer une rapide mise en branle. Les remarques supra devraient pouvoir être prises en compte dans ce renouvellement institutionnel afin de tirer les leçons des dysfonctionnements mis en exergue dans le domaine de l’eau potable.