Sacrer un Messi qui a poussé le tropisme individualiste jusqu’à siphonner près d’un tiers de la masse salariale du FC Barcelone, c’est nier ce que l’année 2021 a raconté sur les pelouses et dans les palmarès : la primauté des machines collectives et des joueurs d’équipe.
Et un qui font sept: lundi, au théâtre du Châtelet, l’Argentin Lionel Messi a reçu des mains de Didier Drogba le septième Ballon d’or de sa carrière, la récompense individuelle attribuée par France Football sur chaque année civile étant de très loin la plus recherchée par les joueurs eux-mêmes, les lauréats entrant dans une riche généalogie reliant Michel Platini, Johann Cruyff, Alfredo Di Stefano ou encore Allan Simonsen. On peine cependant à en comprendre le sens, sauf à y voir une force marketing en marche coupée (du moins en partie) du sport comme il va. A 34 ans, Messi n’est plus le meilleur joueur du monde.
Il n’est même pas le meilleur attaquant du Paris-SG qu’il a rejoint cet été, où Kylian Mbappé fait la pluie et le beau temps ces derniers mois après avoir démoli Messi et son ancien club du FC Barcelone dès février en 8e de finale de Ligue des champions (4-1, 1-1), une manière de dire que le Français l’a dominé aux deux bouts de l’année et dans les deux configurations possibles, en face de lui et avec lui. Plus problématique encore: des deux finalistes anglais de la dernière Ligue des champions (Chelsea et le Manchester City de Pep Guardiola) jusqu’à un championnat d’Europe que les sélections italienne, espagnole ou encore danoise auront fait vivre jusqu’aux derniers tours, l’exercice 2021 aura montré la primauté des machines collectives et des joueurs d’équipe.
A ce stade, le Belge Kevin de Bruyne, le Français N’Golo Kanté ou l’Espagnol Pedri ne sont pas moins talentueux que le septuple lauréat du Ballon d’or: ils ont tout simplement un talent différent. Non seulement soluble dans la mécanique collective, mais capable d’augmenter son rendement. Et il se trouve que c’est ce talent-là qui a été consacré par les compétitions: couronner un Messi qui, faut-il le rappeler, a poussé le tropisme individualiste jusqu’à siphonner près d’un tiers de la masse salariale d’un FC Barcelone progressivement réduit à l’impuissance sur le marché des transferts jusqu’à la situation de banqueroute que connaît le club catalan aujourd’hui, c’est nier ce que l’année 2021 a raconté sur les pelouses et dans les palmarès, le foot étant un domaine où la victoire dit le vrai.
Reste un argument: la Copa America remportée par l’Argentin avec sa sélection en juillet, premier trophée remporté par l’Albiceleste et sa star depuis le tournoi olympique de 2008. Difficile à entendre: c’est parce que Messi n’avait jamais rien gagné avec l’Argentine depuis des lustres que l’impact de ce succès a été démultiplié, les échecs passés jouant du coup pour lui. Messi aura cependant marqué (4 buts, 5 passes décisives) une compétition sinistre, disputée à huis-clos dans le Brésil d’un Jair Bolsonaro moins regardant que les dirigeants des pays voisins sur la situation sanitaire (l’Argentine devait organiser l’événement). Les images de ses larmes ont fait le tour du monde aussi vite que le story-telling d’un joueur exilé en Europe dès 13 ans, qui rend enfin à son peuple la part de fierté qui s’attache aux vainqueurs.
Ça aura suffi pour remporter un Ballon d’or 2021 ouvert, où celui qui le suit au classement, le Polonais Robert Lewandowski, a été sorti de l’Euro rapidement sans avoir fait de miracles lors des tours à élimination directe de Ligue des champions –l’attaquant du Bayern Munich étant blessé. A défaut, les votants ont joué la valeur sûre. A ce compte-là, c’est sans fin. Et on espère pour eux qu’ils n’ont pas vu Messi évoluer dimanche à Saint-Etienne, où le Paris-SG s’est imposé 3-1: quand bien même l’Argentin peut faire valoir trois passes décisives, ils pourraient avoir des remords.